Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

vendredi 29 avril 2011

JASON LINDNER au ZINC BAR

Ce n'est pas la première fois – pas la dernière – que je me rends au ZINC BAR. Ce lieu est classieux et populaire en même temps. Vous payez 10$ et accédez, le temps que vous souhaitez, aux portes de la musique moderne et universelle. Sésame, ouvre toi !


Originalité new-yorkaise, il faut descendre cinq petites marches (parfois plus...), pour rentrer dans certains bars du soir. Ce ne sont pas vraiment des sous-sols, mais des demis-étages donnant sur la chaussée (oui, vous avez vu cela à Amsterdam aussi, c'est vrai).


Dans l'arrière salle (je dis arrière salle par rapport à la musique, mais en fait c'est l'avant salle, car c'est le premier espace dans lequel on entre), on y voit instantanément l'immense ZINC en forme de L. Fait d'acier inoxydable, remplit de carafes vintage, il rutile le bougre. Asticoté comme une belle paire de chaussures anglaises, c'est une véritable oeuvre d'art. Les gens s'y accoudent et attendent, bucoliques, le set suivant. Ils regardent le barman, tout droit sortit d'un film de Charles Vidor – un zeste de citron dans le sourire. D'autres s'y retrouvent – les meilleurs lieux ont leurs habitués – se font des gros hug en se trémoussant ; je regarde et n'arrive toujours pas à assimiler le concept...
Bref, juste derrière la belle sélection de whisky et autres spiritueux, bien rangés sur un podium en verre, les visages sont éclairés par des appliques Art Déco, enveloppant la lumière, délicatement, comme un bien précieux qui pourrait s'évaporer.

Dans l'autre salle, celle des petits guéridons en bois et des immenses banquettes molletonnées rouge-velours, il y fait plus sombre. C'est léger. Des petites lampiottes rouges scintillent telles des lucioles de contrebande. J'aime aussi l'énorme lampe photographe, dans le coin, au fond. Dirigée sur la scène, on a l'impression qu'elle dit : "action". Elle n'éclaire presque rien ; c'est le presque rien qui est beau.
Je ne travail pas pour Maison et Objets, mais le ZINC BAR, c'est à part. Je suis obligé de vous parler du piano. Un SAUTER de toute beauté trône. Bigarré de bois acajou et noir, il s'ouvre sur une mécanique martelée de laiton. Une statue qui parle, c'est wonderful.


Trois soirs de suite que le jeune JASON LINDNER l'étrenne ce beau piano. Trois notes le rembourse. Chaque soir, trois sets : c'est la marque de fabrique du lieu, le trois temps. On prend la joie de vous présenter un artiste. Bien d'autres y sont passés, avant... Croyez moi, le ZINC, c'est une institution. Pourtant, la salle n'a pas ouvert depuis longtemps en ces lieux. Pendant plus de quarante ans, c'est d'un autre Zinc dont on parlait. Sur Houston Street, Monk, Billie, Francky avaient leurs habitudes. Le bar a déménagé, ce n'est pas un secret. Je ne pourrais donc vous parler que du nouveau né.


Chick Corea dit de Jason Lindner qu'il "est un univers musical ". Pianiste, multi-instrumentiste, compositeur, arrangeur, le jeune homme de Brooklyn a fait la tournée des bars, opiniâtre travailleur, avant de se faire remarquer. C'est alors qu'il rencontre Avishai Cohen et la chanteuse chilienne Claudia Acuna. Son approche de la mélodie immédiatement séduit. Me'Shell Ndegeocella, Anat Cohen, Elvin Jones, Mark Turner, Roy Hargrove, Dianes Reeves... font appelle à ses talents.

Sur le piano zébré de bulles mélodieuses, une étrange boite de mixage est déposée - genre MAKI, remplie de bouton bizarroïdes. Je comprendrais, en temps voulus, que cette caissette contrôle les sorties micros de chaque musicien et peut, subtilement, interférer leurs sons, les ralentir, les robotiser, les décomposer...


Il y a le violoncelle ombrelle, trois violons bien ronds. Il y a la batterie punchy, la Bass-hard-funky. Flute, Sax, Trombone, sont au diapason, c'est quand même du jazz, non ? Je m'en fiche.

JASON est debout. Il pose le rythme, dirige de sa seule présence. Il se réjouit de ce qui va arriver, comme quelqu'un qui offrirait un objet auquel il tient plus que tout. Guide des airs nordiques, il raconte la plénitude et l'harmonie d'un paysage éthéré d'azur. L'érosion de l'eau sur la roche ploc ploc, ploc...

Il y a aussi JEFF TAYLOR, l'enfant taquin, qui rêve en chantant ; chante en rêvant. Tellement touchant cet oisillon. Il dit : "C'est le seul rêve que j'ai cru faire. Celui de me réveiller dans un autre lit". Je pense immédiatement à l'univers et à la voix de Robert Wyatt. Oh oui. Quand j'irais leurs en parler, ils m'avouèrent tous ne pas connaître (tout de même !). Et Laurie Henderson, vous connaissez ? [...] Il chantera quatre titres jalonnant de poésie la musique initiatique. Merle siffleur, beau rossignol, Sacre du printemps, maître chanteur.


Il y a des électrodes dans les cordes de Curtis Stewart, de la lumière au néon dans le filament de la flûte. Les pizzicatti pleuvent sur les vitres. Je fuis de la ville, atterris en Laponie. C'est là où je suis, sur un Zinc Lapon. Le saxo bourdonne, le cello de Martino siffle. Les grognements se faufilent comme des serpents. On veut faire mouche, on fait condor. S'il y avait des images, D. Lynch serait son realisator.

La belle Carmel au violon grince, couine, gémie, raille, gargarise et enfin caresse ses cordes fines. Le trombone poursuit, titube, fait mine de chavirer, swing par frottis, dodeline, un peu éméché pardi, Puis se reprend subitement, en double salto arrière triple flip croisé, il devient poussière. La corne de brune se transforme en carillon de Mai.
A l'origine, la plupart des composition de JASON sont écrites pour son trio NOW vs NOW. On ressent pleinement la complicité déterminante entre le pianiste et son bassiste illuminé : PANOGIOTIS ANDREUS, qui nous offrira un scat sur basse en réinventant l'esprit du grand Major Holley. Quelle énergie !
MARC GUILIANA, le troisième larron, est décidément un batteur à part. Il a parfois les mimiques cold wave à la Stephen Morris, dans Joy Division. Epilectique. Rebondissant. Mais son utilisation des cymbales ne fait penser à personne d'autre. Quand vous l'écoutez aux côtés de Dhafer Youssef, vous comprenez ce que mes mots ne peuvent exprimer.

Pas d'improvisations dans cette prestation ; du millimétré sur papier de soie. Les poils se dressent, le coeur accélère, est-ce une larme qui perle au coin ? Mon corps exulte en même temps que celui de tous les biens assis - petites abeilles besogneuses butinant le nectar des compositions florales. Chacune renferme un sucre gouleyant. Un basson vient irriguer la mélodie bourgeonnante.

Après le second set, nous passâmes une vingtaine de minutes à discuter avec JASON, un type d'une gentillesse déconcertante. Ben oui, y'a des soirs, c'est comme ca ! Je lui transmet toute mon admiration, encore sonné par ses récits sonores. Il me fait savoir qu'il enregistre, dans les prochaines semaines, avec cette même formation et me fait l'honneur de m'offrir une des maquettes de son disque. Je ne sais comment le remercier pour la magie de sa musique. J'espère que ce petit texte lui rendra modestement l'hommage de mes émotions.

Jason LINDNER est un nom à retenir. Certainement l'une des plus belles découvertes de mon séjour new yorkais. J'espère que sa musique vous parviendra...





jeudi 28 avril 2011

HARLEM STORY part.7 – St. NICK'S PUB

Sur une marche.

C'est un endroit un peu chafouin,
On l'appelle "l'Ange Rose",
Une vieille lanterne qui n'éteint qu'au petit matin.

C'est une caverne secrète sans papiers,
Un îlot perdu dans la faune Harlem,
Le phare du grand nord ou maraude la zone.

Y'a d'la bierre Sugar Hill brassée tout à côté.
Elle y est plus légère que du Satie.

C'est chaud et accueillant,
ça sonne rond.
Baba Hard Afro Bop Cubano Hip,
gargouillent les rires des gens.

C'est figé, comme une photo argentique,
Depuis 1940... attention, pas bouger !
Bird s'est envolé,
Et chaque soir, le recommencement éphémère d'une vie papillon.

C'est Saxton (de Bill's Place), Art Tatum, Marlowe Morris, Donald "The Jersey Rocket" Lambert :
Comme à la maison !
Il y avait aussi Joe Jordan, Monette Moore,
Sept sur sept au balcon.

Racheté à une tribu d'indiens,
Avant d'être un Saint,
Nick s'appelait Poosepahtuck,
Le club des folles années 30.

Marquez le tempo au posca,
Entrez dans le trou de souris,
Prenez une part de gâteau au crabe,
C'est à votre tour de battre le cuir des tabourets.

Ca appartenait au DuKe EllingTON's pianist :
Roberts LUCKY,
Sur la piste,
Les plus belles JAM's ; p'tits chanceux.

De la Pomme sans tune,
Ça se dit. Enraciné,
C'est un cerisier rose qui pullule.

On y vient avec sa mallette de magicien,
Joue un p'tit air,
Y'a du monde à la caisse claire,
On y repart, plus rien dans les mains.

C'est pas cher,
Ouvert tous les soirs,
Notez bien !
Les Lundis. Mardis.
Ca déménage tiens !

C'est un vieux papy qui roule en skate.
Borde ses enfants, fait la palissade, retrouve les copains.
"Tous ridés, fatigués...", vous rigolez ?

C'est aussi un gamin aux yeux mangas,
De ceux qui brillent en grand, avec les étoiles,
Vas-y petit, montre nous c'que t'as dans l'estomac.

Combien d'entre vous parlent Esperanto ?
Cessez de ragoter en pensant connaître,
Vous n'avez qu'à y aller à la fin !

C'est un endroit que l'on appelle le St Nick's Pub.
Mais, c'est fermé.
Personne ne sait vraiment pourquoi.

Trois fois j'ai essayé,
La partie n'est pas terminée.

Certainement une vilaine bagarre qui a dégénéré,
Une facture impayée,
Un voyage qu'il ne fallait pas rater.

C'est quand même dommage...
Oui, j'aimerais bien y aller,
Au St Nick's Pub,
Je disais.

Nous réouvrirons,
Demain matin,
C'est certain !


mercredi 27 avril 2011

RENCONTRE V : JERALD H. MILLER, un producteur "nu" generation !

Immersion dans le "Nu" JAZZ ENTERTAINMENT



Plusieurs raisons me conduisirent à rencontrer Jerald H. MILLER, producteur new yorkais de taille, actuellement sur le devant de la scène musicale.

La première était d'ordre général. Je souhaitais simplement confronter mon regard sur la musique - le jazz en particulier -, avec celui d'un professionnel du son. Voir comment le travail de diffusion est réalisé aux Etats Unis ; quelle place pouvait avoir le business dans l'art. Si la thématique demeure évidemment la musique, son exécution, ses acteurs ; les questionnements d'un producteurs sont, pour autant, différents de ceux d'un artiste. Quels sont les liens entre ces deux professions complémentaires qui, par essence, ont des contradictions ?

La seconde était plus particulière au personnage. En effet, depuis la mi-janvier 2011, ce producteur avant gardiste de 39 ans a lancé sur le marché un nouveau concept d'écoute musicale, sponsorisé et diffusé par la firme hégémonique d'Apple : i-tune. Quand est-il de ce projet ambitieux ? En quoi pouvons nous parler de "nouveauté révolutionnaire" (dixit l’intéressé) ?

Nous nous donnons rendez-vous au pied de son studio, dans le quartier d'Union Square. Je comprends vite que Jerald ne souhaite pas traîner sur son lieu de travail. Il prend son mac' sous le bras et me convie à prendre un thé, un peu plus loin, pour discuter "plus tranquillement". Soit.
Passer commande. Dégoter deux chaises. On verra plus tard pour une table. "Tranquillement" disais-t-il ? Peu importe, nous sommes enfin installés. Il ouvre son computer et me demande :

"Pourquoi tenais-tu à me rencontrer ? Tu es un musicien c'est ça ?".

"Oui, je joue du sax. Mais ce n'est pas la raison qui me conduit à te parler aujourd'hui. Pour faire simple, je souhaite me faire une idée de ce qu'est le monde de la production musicale à New York. En quoi cette ville est si particulière ? Peux tu me parler de cet autre versant de la musique, afin que je comprenne comment l'on passe du jeu à l'industrie ?"

"Et bien, si tu veux apprendre quelque chose sur la production, tu dois d'abord savoir qu'il n'y a pas de généralités. Chaque producteur travail selon son idée. Les choses sont différentes pour chaque rencontre. On peut dire que je me positionne au milieu... c'est à dire que mon approche de la production n'est pas imposée. Pour ma part, il est important de tisser des liens intimes avec les musiciens qui acceptent de travailler avec moi. C'est le cas pour la famille Marsalis. Je veux que les artistes soient libres. "

"Qu'entends-tu par libre ?"

"Qu'ils aient entre leurs mains, une fois le projet achevé, le produit qui leur ressemble. Tu imagines la frustration pour un artiste qui ne reconnaîtrait pas son reflet dans sa musique ?".

Jerald me montre alors directement son nouveau projet. Il ouvre sa page i-tunes, sélectionne l'album de ELLIS Marsalis : An open letter to Thelonious, attrape le jack de mon casque (toujours autour du cou) et me dit : "Regarde, écoute, promènes-toi, tu vas vite comprendre ce qu'est mon travail."
Je m'exécute. Après cinq bonnes minutes de navigation musicale, je retire le casque, un peu sonné, et rattrape en cours ses mots qui, je dois l'avouer, fusent à toute vitesse avec un accent à couper au couteau (pas facile non !).

"... tu vois, il y a tellement d'aspects dans la production. Ce que l'on évoque ici touche une partie de mon job. C'est la finalité. Mais toutes les étapes antérieures sont primordiales pour comprendre comment l'on conçoit un projet".

"Quelles sont-elles ? Est-ce différent quand on parle de hip-hop, de pop music, de R'n'b ou de jazz ?"

" Complètement différent. A vrai dire ce n'est pas le même métier. J'ai travaillé avec les Fuggees au début des années 90. Ca représentait 17 millions d'albums. Quand Lauryn Hill sort "The Miseducation", elle remporte 4 Grammy's, bien avant Beyoncé, Alicia Keys... Je peux t'assurer que le managment prend une autre dimension. Si tu regardes mon MP3 tu verras plus de musique actuelle que de jazz New-Orleans, c'est sur."

"Alors pourquoi avoir choisi de produire du jazz ?"

"Justement, parce que la donne est différente. Le rapport aux artistes n'a rien à voir dans cette configuration musicale. J'ai commencé à produire mon premier album de jazz à 23 ans. Les critères ont énormément changé depuis les années 80, crois-moi !".

"Je n'en doute pas... Quel était ce disque ?"

"BILLY TAYLOR ! Music keeps us young, avec Steve Johns, Chip Jackson. A ce moment là il n'y avait pas de jeune mec black à la production. Regardes chez Blue Note, Verve, Concord... nul part. Être l'un des seuls hommes noirs, et l'un des plus jeunes, à travailler dans l'industrie de jazz, apprendre à gérer des carrières d'artistes, les guider, tout cela était – et est toujours – une leçon d'humilité. Au début des années 80 j'étais le seul de ma génération. J'écoutais plus les artistes qu'ils ne m'écoutaient."

Et Quincy Jones ?

"Ça n'a rien a voir (je me ferais presque rabrouer). Premièrement le parcours de Quincy ne ressemble à aucun autre. Il ne produisait plus de jazz à cette époque. Il avait ses propres projets, de musicien-producteur. Son assise s'est faite comme cela. Deuxièmement, il était loin de débuter au début des années 80. Le métier de producteur a beaucoup changé. J'adore Quincy. Nous n'avions juste rien de similaire."

Qu'est ce qui a fait ton originalité à cette époque ? Comment as-tu réussi à faire accepter ton travail ?

" J'ai commencé dans le monde du spectacle. Mes premiers jobs se sont faits chez EMI, RCA/BMG, Sony Music. C'est surtout grâce Spike Lee Film Company que j'ai pu me faire connaitre. Je m'occupais des B.O."

Il y avait donc toutes sortes de musiques dans ton bagage... Comment es-tu venu au monde du jazz ?

Quand Duke Ellington est mort, sa famille m'a demandé de manager le DUKE ELLINGTON ORCHESTRA. Je me suis juste dit wahou ! a 24 ans tu peux manager la musique de l'une des plus grandes personnalités du jazz. Let's go ! Tout s'est enchaîné à une vitesse incroyable à partir de là. C'est comme cela que j'ai pû travailler avec Benny Golson, mais également avec Lauryn Hill, Steve Stoute ou Pharell Williams...dans un autre genre"

"Les gens devaient se dire : Qui est ce jeune ?"

"C'était exactement ça. On m'a accepté parce que je venais de nul part. Je n'étais pas associé à l'image de quelqu'un de malfaisant pour la musique du Duke. C'est une des particularités de la production américaine... on laisse sa chance aux plus combatifs.".

"Effectivement, en Europe ça ne fonctionne pas vraiment comme cela ! Ce que les artistes aimaient dans ton travail c'était peut être ça, le fait de ne pas être connu, d'être proche d'eux ? Est-ce comme cela également que tu as rencontré la famille Marsalis ?".

" Nop. J'ai rencontré Wynton à l'âge de 16 ans, au Texas (là d'où je suis originaire). Il m'a fait suivre les études dans l'école de son père Ellis, en New-Orleans. J'ai été rapidement comme adopté par la famille. Mama Marsalis me présente comme son 7ème fils. On peut dire ce que l'on veut, une chose est sûre, si je n'avais pas rencontré Wynton et fait le choix de le suivre, le jazz n'aurait pas eu la place qu'il a aujourd'hui dans ma vie. Je les voyaient travailler tout le temps. En famille chacun dans leurs coins. Ils se motivaient mutuellement. Les frères se disaient tout le temps : "qu'est ce que tu as appris ? Tu peux me montrer ? Et Ellis supervisait d'un oeil paternel... Ça m'a vraiment boosté. Ce n'était pas une providence, c'était une belle chose pour moi."

Jay continue à évoquer le parcours des Marsalis. Je fouille dans mon sac et sort le dernier numéro de DOWNBEAT : " JAZZ CLAN – Master of the Masalis House ". Il s'emballe, me parle d'argent, de Grammy's, du nombres de disques vendus par la famille... c'est inévitable.

[...] "Tu vois ! Cela fait des années que ça continue... Ils sont toujours là, en premier plan."

"Ce qu'il y a d'intéressant avec cette famille, c'est qu'ils représentent une tradition, le jazz des origines en Nouvelle Orléans, mais également un jazz contemporain. Quand tu regardes le travail de Wynton dans son projet Vitoria Suite (cf. Article mars 2011) tu te rends compte qu'ils sont à l'avant-garde d'un jazz moderne. Dans le projet que tu as monté, c'est Ellis, le papa, qui en est le pilote, ce n'est surement pas un hasard..."

Je navigue sur son ordinateur. Passe d'une rubrique à l'autre... reprends mon casque et continue mon voyage virtuel, en musique.

"Il est temps que tu me parles de ce nouveau concept. Qu'est ce que le "NU"-JAZZ ENTERTAIMNENT ?"

"J'ai voulu me débarrasser des contraintes politiques imposées par les compagnies de disques pour mettre l'accent sur la priorité de ce métier : la musique. La publicité se fera par elle même. Ainsi , je pourrais investir dans deux domaines primordiaux : d'abord dans les redevances à l'artiste en pourcentage fiscale, ensuite en investissant dans le développement et l'aquisition de nouvelles oeuvres musicales.
Mon travail de producteur est intimement lié à mes affinités musicales. Sans cela, je ne pense pas que ça puisse marcher. Il y a beaucoup de fausses idées sur la production musicale. En tout cas, pour ma part elle n'est pas aussi compartimenté qu'en Europe. C'est un tout. Tu sais, en même temps que les artistes dont je m'occupais ont grandi, j'ai aussi grandi. Le jazz est enraciné dans des valeurs : l'honnêteté, la simplicité, la loyauté, le travail, l'amour aussi... ce n'est pas parce que je travail avec i-tunes que je vend mon âme. Tu comprends ? Je resterais toujours fidèle à mon intégrité.

"Aussi, peut-être, pour que le projet fonctionne tu te dois de rester fidèle au jazz, tout simplement ?"

" Bien sur..."


"Ton slogan c'est La musique, l'histoire, la mémoire, explique moi pourquoi ".


Ce que je voulais par dessus tout c'était éduquer l'auditeur. Ce projet est un tout. Il se compose d'une production musicale – en haute définition –, mais également de vidéos, de photographie. Il y a un gros travail sur le texte, dont je me charge entièrement. Chaque nouvel album est juxtaposé avec un portrait global de l'artiste en question. C'est un catalogue musical, un hommage au jazz. Tous les communiqués seront distribués uniquement via le téléchargement numérique. Les produits ne passeront plus par des points de vente, mais directement du producteur au consommateur, d'une façon quasi instantanée. C'est pour cela que nous pouvons le commercialiser, à moindre coût, dès son lancement. 15$ par package, c'est honnête !
On  peut dire qu'il y a un désir de mémoire. Laisser une trace qui, dans cette structure, n'est pas matérielle mais va au-delà de ce qu'un disque "classique" peut offrir. Ok ?


Qu'allez vous faire pour les jeunes artistes. Auront-ils une place dans ton "Nu"-jazz Record ?"

"Tout à fait. Il y aura à la fois des enregistrements historiques ; ceux des principaux maîtres du jazz tels que Duke Ellington, Miles Davis, Herbie Hancock ou John Coltrane... mais surtout une forte promotion pour de nouveaux artistes, afin de perpétuer la culture jazzistique, sans ce renfermer dans son seul passé. Il y en aura pour tout le monde. Au lancement, j'envisage un minimum d'un nouvel enregistrement par semaine qui n'aura jamais été publié et qui ne sera disponible qu'en numérique."

" Concernant les vidéos, les définitions sont particulièrement pointues. As-tu mis l'accent sur cette donne ?"

" Je travail en multi-caméras. Tous les enregistrements vidéos sont faits, eux aussi, en haute définition. Ils offrent une perspective unique sur les artistes, une proximité. Chaque album est simultanément enregistré pour la vidéo ; dans les studios comme en live. Ça donne un aperçu novateur de l'énergie des artistes, de tout ce qui n'est pas musique mais qui la sert. Tu vois ce que cela signifie ? Une énergie brute mais également la recherche de l'expression musicale plus complète. C'est un vrai plus pour les passionnés. C'est aussi une perspective intéressante pour les novices, qui peuvent se représenter la musique dans un cadre intimiste, un aperçu personnel de l'artiste. Cela rejoint l'art mais aussi l'artisanat.".

Quand pense Ellis Marsalis, l'artiste pilote de ce "nu" projet ?

"Il aime... si ça marche". (rire discret)

Quels seront les prochaines sorties prévues sur ce format ?

"Le batteur Geoff Clapp, le saxophoniste Jimmy Greene (il me fait découvrir les maquettes du projet avec Lucques Curtis et Kendrick Scott), il y a également les nouveaux talents, l'organiste Jason Marshall et Walter Blanding seront les sorties des prochains mois."

"Donc c'est simple, j'ouvre mon i-tunes, je me rends dans l'Apple store et, pour les disques produits pas "Nu" JAZZ ENTERTAINMENT j'achète, en même temps que la musique tout le package assimilé. Et ceci est possible dans tous les pays du monde, c'est cela ? En fait, si ça marche, c'est la mort du disque, le coup de grâce !"

"Le disque est déjà mort, pour ceux qui le veulent ; il existe encore, pour les puristes. Tu sais, si quelqu'un veut un disque il va sur Amazon. Regardes Virgin est fermé, Tower Records est fermé... i-tunes est un complément au disque, pas une entrave."

Nous finissons comme nous nous sommes rencontrés. Le chemin inverse. Nous papotons encore quelques minutes, le temps de retrouver mon trou de taupe. Au fil de la rencontre, Jerald est devenu de plus en plus ouvert à ma personne... Nous nous saluons pudiquement. Il me fait savoir qu'il pourrait me présenter la famille Marsalis au Rose Center, prochainement. J'attends avec impatience...

En sortant de l'interview, je me connecte sur le net et me rends dans mon i-tunes, pour tester le produit par moi-même. Le chargement est ultra rapide, la qualité de l'enregistrement bleuffante. Je me retrouve sur la façade déjà consultée avec Jay. Tout en écoutant le dernier album de Ellis Marsalis, hommage a Thelonious MONK, je consulte les informations, navigue sur le serveur... C'est simple et efficace.


Je le répète souvent : pour moi, le support en musique a une importance de taille, dans l'assimilation même du son (cf. article avril 2011 : "T.MONK, l'écoute avant le son"). Le choix de Jerald est d'utiliser les nouvelles technologies, visant à effacer le matériel, au profit d'une écoute 100% numérique, pour retrouver l'âme d'un disque d’antan (sa pochette, son livret explicatif...), "en mieux", dit-il.


Un projet révolutionnaire ? L'histoire le dira. Novateur ? Certainement.
Pour ma part, il ne remplacera jamais le disque ; il le complétera peut-être. Une chose est sûre, plus on écoute, plus on a envie d'écouter... et donc d'acheter.

mardi 26 avril 2011

La Master Class de STEVE COLEMAN au JAZZ GALLERY

LE MONDRIAN DES SONS

Un tantinet surprenante fut mon arrivée au JAZZ GALLERY. C'est une école ? Mais oui, un centre culturel de jazz, monsieur ; sans but lucratif, s'il vous plait !
J'apprendrais alors que cette modeste salle est un terrain d'expérimentation pour les musiciens et non un espace dédié initialement aux concerts. Je comprends mieux. C'est en 1995 que Roy Hargrove Big band est né, sur cette minuscule scène de tapis froissés, de tabourets dégondés.

Les ateliers de compositions ouvrent leurs portes. Promouvoir de nouvelles musiques, laisser toutes les libertés aux jeunes générations de jazzmen, qui cherchent à expérimenter de nouvelles théories, voici l'objectif premier du JAZZ GALLERY qui, la semaine parfois, devient une salle de live intimiste. C'est un lieu où les musiciens peuvent prendre des risques et outrepasser leurs savoirs tout en développant une identité. L'espace est connu par les initiés comme "Le club de jazz le plus imaginatif que l'on puisse trouver à New York." (N.Y Times).


J'entre en catimini, un brin en retard, me fais discret pendant que STEVE COLEMAN, assis à l'écart, mouille son hanche Rico, chauffe son sax alto, gargouille des gammes diminuées – en demi ton glissando. Le public est bien jeune. Quand tout le monde semble installé, Steve s'approche de la petite scène, l'allure décontractée, le sourire kinopanorama. Il rejoint les trois musiciens – pianiste, batteur et guitariste – déjà installés à leurs "postes" et s'installe sur la chaise haute au centre, derrière un micro rouillé.


Il ne fait pas attention à la petite assemblée et demande au pianiste de reprendre une structure mélodique. "Pas comme cela". Il tape dans ses mains, son sax sur les genoux, le fait plusieurs fois recommencer. Ce sont des rythmiques décalées, extrêmement complexes puisqu'elles n'ont pas de répétitions fixes et se déplacent entre les pulsations. On appelle cela une cellule. Puis, il se tourne vers nous. "Combien d'entre vous étiez là la semaine dernière ?". Trois doigts se lèvent, hauts et fiers. "Vous souvenez-vous du dernier morceau étudié ?". Un grand blanc. "La mémoire est primordiale en musique, il faut la faire fonctionner pour progresser" (Moi, je n'y étais pas). Le public est élève. Ni un concert, ni une jam. C'est un poil ardu pour les non musiciens, l'expérience peut être tout de même enrichissante d'autres façons.

Il attrape son saxophone et demande au pianiste seul de reprendre. Les autres musiciens ne bronchent pas, attendent patiemment. Dans la salle, également, nous faisons silence pour déceler la stratégie du "maître". Sur ces lignes rythmiques en escalier, jouées dans les graves, Steve pose une mélodie improvisée qui reprend exactement la même structure que celle du piano, avec des séries de notes complètements différentes.

"C'est ma façon de voir la musique. Je vous explique maintenant. Pour moi, le rythme n'est pas indépendant de l'image musicale ; il est à l'essence de la mélodie. Les symboles sonores permettent simplement de communiquer par le consensus d'un langage. Je ne dis pas que c'est l'unique façon de composée, c'est juste la mienne. Allez, reprenons ensemble. Vous allez répéter cette phrase rythmique : Tu-dum, tu-dum – tut'tut', tu-dum', t' et chacun va déposer la mélodie qu'il souhaite avec pour seule condition de ne jamais sortir de cette structure."

Le cour s'anime. L'ensemble est immédiatement mélodieux alors que chacun choisis ses propres notes. Nous ne sommes pas dans une étude harmonique mais entièrement rythmique.
Peu à peu, la même structure est accélérée par le batteur, les autres instrumentistes suivent.

Puis, il demande à chaque musicien de jouer dans une métrique différente, généralement, elle-même irrégulière comme du 7/4 ou du 11/4. La musique résultante a un feeling funk, mais avec une liberté mélodique et harmonique.
Se basant sur une technique initiée par Dizzy Gilespie, Steve part toujours d'un rythme pour composer ses morceaux. La mélodie ne peut être bonne que si le rythme est en place. La pulsation donne une image.


Quand les structures sont bien intégrées par chacun, instrumentistes et public, il ajoute son toucher en développant des séries d'improvisations, toutes calées sur ce que nous avions dès lors assimilé. Le brouillard se dissipe. Novices et initiés comprennent avec clarté le déroulement du fil musical. Les notes ont un ciment commun... le rythme. Chaque contrepoint devient magique. L'infaisable devient possible.

Son souci principal est l'utilisation de la musique en tant que langage de symboles sonores, utilisé pour exprimer la nature de l'existence de l'Homme. Il n'utilise jamais le terme "jazz" pour parler de son travail. Préférant une approche plus organique de la musique, il parle de "compositions spontanées". Selon Coleman cela prolonge le travail des musiciens d'autrefois, qui ont essayé d'exprimer par leur musique les différentes visions de la réalité qu'ils percevaient. Les différentes formes que sa musique revêt ne sont pas seulement inspirées intuitivement, mais sont en fait conduites par des perceptions humaines ; la nature par l'esprit.
Il invente le définitif barbare de M-BASE (acronyme de Macro-Basic Array of Structure Improvisations) qui n'est en réalité que l'expression de nos expériences à travers des formes musicales, sans limitation. L'accumulation d'expériences crée une sorte de grand tableau collectif qui jamais ne ressemble à du barbouillage.

La musique de Steve Coleman est géométrique. Il pourrait être définit comme le Mondrian des sons. Selon lui, c'est le changement entre les différentes structures musicales qui est important et non pas les structures elles-mêmes. En cela, il contredit de nombreuses théories musicales actuellement enseignées. Coleman pense que c'est à travers la composition spontanée que ces idées peuvent être le mieux exprimées, sans se soucier des apparences stylistiques extérieures. Il répètera plusieurs fois au cour de son atelier : "c'est le mouvement qui compte". Comme pour la danse, l'enchaînement d'une figure avec une autre.


Pour la septième saison d'affilée, Steve Coleman organise, chaque lundi soirs, de 9 heures à minuit, ses Master Class. D'octobre à juin, les musiciens qui le souhaitent peuvent venir s'essayer à une autre théorie de la musique, celle d'un des plus charismatiques saxophonistes de sa génération.
Sa concentration est davantage axée autour d'une performance hebdomadaire que sur l'étalage d'un savoir global. La théorie assimilée, il met en relief, lors de micro-concerts informels, les fondements de ce qu'il nous a transmis. Un élément différent est développé en profondeur d'une semaine sur l'autre. A la fin de sa saison, Steve Coleman espère apporter un ensemble de savoirs qui favoriserait l'émancipation de musiciens-compositieurs, trouvant leur propre mode d'expression.

Une expérience passionnante. De la théorie en image.





lundi 25 avril 2011

Hommage à G.U.R.U au Poisson Rouge.

Leçon hip de jazz-hop

Un an après la disparition du grand G.U.R.U, arrangeur, chanteur, producteur, mixeur, la scène hip-hop se rappelle, en costume jazz, d'un de ses plus charismatiques maîtres d'école...


La spacieuse salle du Poisson Rouge, située en plein Greenwich Village, sur la célèbre Bleeker Street, accueillait l’évènement, jeudi soir dernier. A la croisée des musiques tangentielles, ce lieu est un chic caveau expérimental. Du jazz en trame de fond, ce sont toutes les musiques contemporaines arborescentes qui y sont programmées. Les jours se succèdent et ne se ressemblent pas. L'O.N.J (Orchestre National de Jazz), avec Daniel Yvinec et l'ensemble de John Hollenbeck, s'y produira lundi 25 avril.


FLASH BACK

De 1989 à 2003 Keith Elam, alias G.U.R.U (Gifted Unlimited Rythmes Universal) fonde avec DJ Premier le groupe Gang Starr. Du vrai bon hip hop à la sauce old school. Epurés, sans fioritures, les mots claquent comme des tambours.
Parallèlement à Gang Starr, il s'est également lancé, à partir de 1993, dans des projets solitaires, regroupés sous l'appellation JAZZMATAZZ. Volte-face diront certains. Le voyou G.U.R.U s'est il confessé ? Une simple envie de voyager à l'intérieur de sa Soul, diras t'il. JAZZMATAZZ swingue. Un jazz tasé d'une énergie urbaine new generation. C'est pourtant bel et bien du rap. La même voie de rocaille, des beat bien groovy. Il n'y a pas de doute, on reconnaîtrait sa patte entre mille. Toutefois, les structures musicales sont indéniablement plus fouillées. On retrouve dans le triptyque JAZZMATAZZ un travail d'écriture cohérent, une inspiration d'initié. Le flow, saccadé et binaire, se mêlent aux formes circulaires du jazz de ses racines.

Les premiers musiciens ayant rendu possible l'avènement du jazz rap sont des artistes comme les Last Poets ou le poète-chanteur Gil Scott-Heron, dans les années 70. C'est Miles Davis, avec son album posthume Doo-Bop (1992), qui, pour la première fois, intégra des éléments de la musique rap dans le jazz.


Un an après Doo-Bop, G.U.R.U. se lance dans ce tout nouveau style. Pour exécuter ses ambitieux projets, il s'entoure d'une armada de musiciens pas digoulasse. Le premier volume accueil entre autres Donald Byrd, Lonnie Liston Smith, Roy Ayers et, le frenchy Mc Solaar. Le bien, le mal... les loulous ne sont pas si méchants. Je me remémore les clips vidéos des lascars en couche culotte. Le look ! Sans les images c'est autre chose !
Les volumes II et III rassemblent des vedettes de la scène R'n'B tels que Jamiroquai, Macy Gray, Erykah Badu ou Me'Shell Ndgeocello, avec des piliers du hip-hop, comme par exemple the Roots et Bilal. Des stars de la soul music côtoient des grands noms du jazz. Isaac Hayes, Chaka Khan, Ramsey Lewis, Brandford Marsalis, Courtney Pine, Kenny Garrett ou Herbie Hancock. Même Freddie Hubbard fait son apparition remarquée. Finalement seul le public puriste du rap ronchonnera, un court instant, ces projets.

Dans tout cela, la ligne directrice est l'ouverture de la musique noire à toutes ses nuances. Blues, jazz, soul, funk, hip hop, c'est la même fibre pour G.U.R.U. Seule l'éxécution change, selon l'espace temps dans lequel elle apparaît. Partant du constat que la grande majorité des Noirs américains évoluent au sein d'une cellule familiale éclatée, il décide alors d'utiliser sa notoriété pour réveiller les consciences. Les projets sont populaires. Ils n'en souffrent absolument pas. Le MC de Brooklyn exporte sa musique dans des foyers qui auparavant n'écoutaient pas de hip-hop. Tant mieux. Sa musique n'est, pour autant, pas faite de compromis. Maître G.U.R.U savait où il allait.

JEUDI 21 AVRIL


Pour honorer la mémoire d'un personnage aussi unique, il fallait tout le talent du REVIVE DA BIG BAND. Les jazzmen rendent hommage au rap ? C'est déroutant. Ça fonctionne pourtant à merveille.

Si le hip hop a un goût brute de pomme, l'utilisation de lignes mélodiques – créées par de vrais instruments, bien vivants – lui confère une rondeur, une humanité. On a envie de bouger. Dès les premières mesures, nos corps sont envoûtés. Le syndrome James Brown. Poum poum, debout ! L'effet de 10 dark dog's par mesure. Les paroles, toujours bien vindicatives, rebondissent sur des trampolines rembourrés de poudreuse. Ainsi, j'arrive à rentrer dans le texte et vêtir une fringante énergie retroussée de pudeur. Faire des choses contraires à son tempérament, par simple assimilation sonore. Je devient Shaft, gangsta black, invincible. Les émotions énergisantes travaillent un inconscient saboteur et évacuent nos boules de retenues chrétiennes. C'est une histoire de génération, ou alors simplement de décloisonnement oreillère. Ouvrons les portes du hip-hop.

Quoiqu'il en soit, pas besoin de survet' Tacchini pour faire parti du crew. Une classe ambiante émane du Poisson rouge. Sortie de son bocal, la musique respire.
Le concert répondait à une autre structure que celles magnifiquement développées par G.U.R.U tout en demeurant fidèle à l'énergie du défunt MC. Un Big-Band à la classe décontractée. Quatre trombonistes, deux sax ténors, deux altos, un baryton, cinq trompettistes – dont le talentueux Igmar Thomas en soliste –, Mike Moreno à la guitare electrique et Marc Cary au piano ainsi qu'à la direction. Pour la structure rythmique, il y avait du lourd. Percussions, drums, basse et DJ Logic aux platines. Ce dernier s'est fait connaitre au milieu des années 90 pour les injections jazzy à l'intérieur de ses mix. Count Basie, Stanley Turrentine, Miles Davis trouvent leurs place dans les couloirs sonores du rap. Extrêmement innovant, il collabora avec des jazzmen tels que Medeski Marton & Wood, Christian Mc Bride, Vernon Reid, Jack de Johnette, John Mayer...

Revivre le hip hop 90's par ses origines, le jazz. L'expérience contre courant est audacieuse et touchante. Les vieux jazzmen saluent le talent d'un rappeur qui savait écrire la musique. Une pépite d'or dans le sable.
Wilson, HIP HOP DX, slam son discours final : " Nous avons perdu un trésor international. GURU. GURU. La musique que tu a faite avec DJ Premier. Ton JAZZMATAZZ. Oh GURU. Tu as changé ma vie. Quel honneur de partager la soirée avec tes amis ; avec ta famile. Ta carrière restera dans les mémoires, ton style est une porte ouverte sur le futur. Ton infuence laisse une trace, G.U.R.U ton style métissé est noir comme le feu. Ecoute ce big band. Entends-tu le jazz te rendre hommage ? "

Tandis que le neveu de G.U.R.U, Justin Elam-Ruff, se déchaîne dans une impro slam slang, la jeune Sharel Cassity (seule femme sur scène) fait hurler son sax alto et propulse les mots dénudés au nirvana.
Toute une génération de rappeur, Talib Kweli, Jeru the Damaja, Masta Ace, Lord Finesse... la crême du hip hop new-yorkais, se prête au jeu. Ils sont conduits par l'orchestre, portés par la puissance des cuivres.
Les Tap Messengers font une apparition sur les planches. Ils rapent des copeaux de bitume, les chaussures cirées façon années 30.


La recette du minestrone jazz-hop a parfumé la cuisine fusion d'un modernisme outrancier. Un nouveau plat à la carte des sonoritées afro-new-yorkaises. Aujourd'hui, des groupes comme A Tribe Called Quest, Beat Assaillant ou Roy Hargrove - avec ses RH.Factor - répondent tous de l'héritage flamboyant de G.U.R.U, le non-sectaire.
En France, il existe aussi une scène hip-hop-jazz des plus locaces, Jazz Liberatorz en tête de file. D'autres rappeurs comme Rocé ou Oxmo Puccino (avec The Jazz Bastards) se produisent entourés de musiciens de jazz. Le sample arrive t'il à péremption ?


vendredi 22 avril 2011

La Révolution de JAZZMIN est en marche.

UN PAVE DANS LA MARRE.


Je suis interpellé. Le 5 avril dernier, je recevais sur ma boite mail un message de mon grand ami mélomane. Il m'écrivait simplement : "Pour ne pas oublier notre beau pays..." ; et m'envoyait ce lien :


Il n'a pas fallut longtemps pour comprendre que je n'étais pas sur un blog traditionnel (comme le miens par exemple). Déjà, il n'y avait qu'un seul article dans l'historique. Ensuite, plus de 500 commentaires sur ce même article (là, je suis vert !).

Qu'en est-il ?

Le pianiste de jazz Laurent Coq adresse des courriers informatiques à Sébastien Vidal (ancien musicien, programmateur de la radio privée TSF jazz et du Duc des Lombards) et lui fait part de son mécontentement. Affaire personnelle ? Pas si sûr. La discussion tourne vinaigre, les deux personnes se connaissent visiblement très bien (quel jazzman français ne connait pas S.Vidal ?).
Le dialogue de sourds se transforme en une lettre ouverte, publique, relayée par le biais d'un blog – créé juste pour l'occasion. Que le plus de monde possible soit ainsi renseigné.

Ça met mal à l'aise, c'est cru, direct. Laurent, visiblement très affecté, prend l'initiative de tout déballer sur la table. Il ne joue pas, là. Mettant ouvertement en cause la responsabilité d'un club et d'un média, il réaffirme sa place d'artiste et affiche les difficultés dans lesquelles se débattent aujourd'hui les jazzmen français. Bien plus que cela, la thématique abordée peut s'ouvrir à tous les secteurs artistiques ; pas seulement celui du jazz, vous le comprendrez par vous même. Deux cent musiciens interviennent et prennent rapidement position.
C'est quand même incroyable que le nombre de musiciens de jazz ait triplé en 30 ans et que le nombre que clubs ait à ce point régressé. Il n'y a peut être plus de demande ? Le jazz et le blues sont pourtant les musiques les plus vendues actuellement sur le marché du disque...

A Paris, il n'y en a pas beaucoup des radios qui diffusent de la bonne musique. A Paris, il n'y a plus beaucoup des clubs de jazz où l'on peut entrer librement, déposer nos états d'âmes et juste écouter du bon son. Et ailleurs ? les banlieues sont-elles si bleues ?
Oui, J'écoute TSF. La voix grave de Pierre Bouteiller me réveillait avant le travail, Si bémol et fadaises (ah !). Moi aussi je soupire pendant les longues pages de pubs et, finalement, jubile quand je découvre le dernier Tigran Hamasyan ou réécoute un bon Mingus. La nuit c'est vraiment mieux la radio... Oui, je me rends régulièrement au Duc des Lombard. Ce lieu m'est familier, j'aime les jams sessions animées par Rémi Vignolo, les vendredi et samedi soirs. J'aime aussi pouvoir écouter Antonio Farao, les frères Belmondo, Henri Texier ou David Murray. De nouveaux talents, il est vrai, j'en ai pas beaucoup vu. Mais il faut bien remplir ! Elargir son public ! Comment on fait ? Est-ce une question d'argent ?


Quelques jours plus tard, l'histoire laisse des traces. Je ne pouvais faire semblant d'être indifférent à un débat qui me concernait, dans la mesure où je suis consommateur de musique, de jazz en particulier, que je m'essaye - depuis plusieurs années - à écrire sur cette thématique, et que je joue d'un instrument - depuis plus longtemps encore.

Sébastien Vidal n'est certainement pas responsable de l'oligarchie jazzistique en France... et le "cumul des pouvoirs" alors ? Je ne pense pas qu'il soit là, le véritable soucis - mais "pouvoir", tout de même, ça sent des pieds.
A qui les musiciens lésés (ceux qui voient passer trois fois le même artiste dans la même saison et jouent à la maison) peuvent-ils s'adresser ?

Francis Marmande a, lui aussi, suivit ce débat amère et brûlant. Son article dans le Monde du 14 avril permit d'étendre le chant de cette discussion et de questionner un plus large publique.


A mon tour de relayer l'information, de faire circuler le message, l'appel du coeur pourrait-on dire.
Je n'ai aucun autre intêret que d'obtenir, comme Laurent, comme Sebastien aussi, des éléments de réponses sur des questions de fond. L'art est si fragile quand il est confronté au marché. Ce n'est pas nouveau. Il ne s'agit pas de faire porter le chapeau au seul Duc des Lombards et de stigmatiser primairement un débat qui, comme souvent, doit trouver ses nuances.
Le cri de Laurent révèle le malaise d'une communauté d'artistes qui luttent en silence pour vivre, en faisait ce qu'ils aiment et ce qu'ils savent faire, tout simplement. Au cœur du problème, le respect du pluralisme et de la diversité quand on est un acteur culturel. Parce que les musiciens ont irrémédiablement besoin des programmateurs, parce que les peintres ont besoin des galeristes. C'est vrai, quand on programme, on est forcement exposé à la critique... Ce qui plait aux uns, peu déplaire aux autres. La clef demeure l'équilibre alors ? La question du dosage se pose toujours... Pas forcément. Il est parfois bon de se mouiller !

Donc, s'il s'agit de prendre position, je pourrais simplement conclure en disant que si j'écoute TSF et fréquente le Duc c'est avant tout parce que j'aime la musique, de Laurent Coq.

Le travail doit venir de chacun d'entre vous. Lisez cette lettre ouverte explosive et ne vous restreignez pas, COMMENTEZ. Cet article ne sert qu'à cela (le miens, mais surtout celui de Laurent). S'il permet d'écouter une "autre" musique, de briser des forteresses, de promouvoir l'art, c'est gagné. Accordons nos violons et trouvons - sans complaisance - la mélodie adéquat aux "jeux" de nos maux.

J'attends vos réactions...

jeudi 21 avril 2011

GRATEFUL DEAD MOVIE, au cinema !

Retour vers le futur... L'hommage aux Deadheads.


Le compte à rebours s'est égrainé sur les forums, les mirettes ont pu digérer le festin de la veille. Les typans encore explosées par le "Mur du Son", notre mémoire essaye de capturer la magie dissipée d'une expérience artistique hors du commun. On l'avait déjà vu, mais avec les copains c'est toujours mieux...

Mercredi 20 avril au soir, ce sont réunis les membres d'une communauté discrète mais bien vivante. Chez nous, en France, ça ne représente pas grand chose. Ici, aux States, c'est institutionnel : tous le monde connaît.

Fathom et Rhino entertainment présentent "the Grateful Dead Movie" dans plus de 800 salles des Etats-Unis. Cet événement spécial vient célébrer la mémoire d'un groupe californien légendaire, adulé à travers tout le pays.
Le film du Dead n'avait pas été distribué dans les salles depuis sa sortie, en 1977. Plus de 35 ans après, une version restaurée vient chatouiller les écrans de cinéma et faire vibrer les membranes des enceintes hautes définitions. Pour le plus grand plaisir des aficionados, toujours en deuil depuis la disparition de l’icône Jerry Garcia, le 9 aout 1995, trois heures et demie de Grateful Dead... à New York. Le rendez vous est pris.

Le film fut, en réalité, tourné en 1974, au WINTERLAND ARENA de San Francisco, salle programmée par le papa de la musique à Frisco, le célèbre Bill Graham (jetez un oeil sur son site, des centaines de concerts inédits enregistrés sur les tables sont disponibles gratuitement http://www.wolfgangsvault.com). 1974 est une année virage dans l'histoire du groupe. De nouvelles technologies sonores servent l'étonnant album Mars Hotel. Mickey Hart retrouve sa place aux drums dans le band et apporte son énergique fougue, complémentaire à la finesse de Bill Kreuzmann le jazzmen. L'année 1975 est considérée comme l'année sabbatique du groupe qui, en 1976 revient au sommet de son art avec une pléiades d'enregistrements live considérées aujourd'hui comme cultes.

Pour ceux qui ne connaissent pas le Grateful Dead, ou qui en ont entendu parler de loin, il va falloir prendre votre temps. Il y a, tout d'abord, la ville de San Francisco en trame de fond, son summer of love, la maison communautaire, au 710 d'Ashbury Street – juste à côté de celles des copains, du Jeferson Airplane, de Janis Joplin, de Dan Hicks, Stoneground, ou de David Crosby.

On ne peut comprendre le Dead qu'au regard de l'ensemble de son existence. Trois décennies (1965-1995), trois sons, trois époques. Des live enflammés, des concerts épiques aux allures de marathons, pouvant s'étendre sur plus de 5 heures sans interruptions. Le Dead ça se savoure véritablement en concert, les albums studios n'étant – pour la plupart – qu'anecdotiques (Workingsman's dead et Terrapin Station mis à part). On compte pas moins de 130 enregistrements officiels du groupe. Sachez qu'il sort régulièrement de nouveaux disques live du Dead aux Etats Unis. L'ingénieur du son Dick Latvala ressortit de ses tiroirs, des années durant, les bandes des concerts prisent directement sur les tables de mixages, pour former sa collection pirate, les célèbres Dick's Picks. Étant donné que l'improvisation et la spontanéités sont au cœur des performances, pas un concert ne se ressemble. Chaque disque est une découverte.


Dans la salle de cinéma bondée, les vieux de la vieille avec leurs tee-shirt skeleton et leurs tatoos commencent à se chauffer la voix. On entend crier DARK STAR !!!
Je ne me rappelle pas la dernière séance de cinéma où il n'y avait ni pubs ni bandes annonces. En guise de spots, des photos du groupes, prêtées par les DEADHEADS, défilent. Faire circuler l'imaginaire, transmettre aux générations d'après, retrouver la nostalgie d'une certaine innocence ; on se sentait bien dans cette grande salle noire. La même petite boule au ventre qu'avant de commencer un concert.

Peu de choses diffères entre la nouvelle version remastérisée et l'ancien film que nous connaissions - tous - parfaitement. Une interview de 20 minutes, complètement inédite, de Jerry Garcia ouvre le show. On ressent dans l'entretien enfumé toute la modestie du personnage, son ouverture d'esprit. "Je voudrais payer pour jouer. I don't understand entertainment" diras t'il. C'est bien vrai, le showbiz, c'était pas son truc. Un tee-shirt noir, une paire de lunette, deux guitares et c'est tout. Dans ses mots, nous ressentons son propre feeling, comme dans son jeu, on ne peut le confondre. "My music try to flowing". Tellement humble et sensible ce Nounours. Il n'avait pas besoin de se dandinner dans tous les sens pour transmettre l'émotion. Puis, nous enchaînons sur une belle rencontre avec Bob Weir, encore tout jeunot, dans un ranch de Californie. Ces deux entretiens nous tinrent en haleine avant que le spectacle ne commence.

Un cartoon psychédélique, réalisé par Gary Gutierrez, ouvre le bal. THE WHEEL tourne nos tête. Sur une Harley, Uncle Sam skeleton trace sa route musicale sans obstacles, la music à fond la caisse, il met les voiles. Un kaléidoscope coloré évolue au grès du son.

Parmi l'ensemble de la performance, il est à noter l'exceptionnelle version d'EYE OF THE WORLD, développée sur plus d'une demie heure de jeu (vous pouvez la retrouver en disque dans le coffret So many Roads). Les musiciens jouent devant un "mur du son" monumental (assemblages de 641 haut-parleurs rangés sur plus de 15m de hauteur). MORNING DEW met les poils au garde à vous, PLAYING IN THE BAND part en jam et fout la gniak.
Quand STELLA BLUE débute, la salle se met à fredonner en cœur la ballade stellaire et plonge dans la toile comme Woody dans La Rose Pourpre Du Caire. Le spectateur se revoit jeune, au même concert. Il en rit de cette folle innocence perdue. Tous, nous retrouvions une ambiance que nous venions de quitter ou que nous aurions aimé connaître.

Plus encore qu'un film sur le Dead, ce rockumentaire est un véritable hommage à la famille du Dead, les Deaheads. Tous le monde est présenté : les techniciens, les roadies, les vieux fans, les vendeurs de hot-dogs, les femmes enceintes, les cracheurs de feu, les danseuses, les jongleurs, les cow boy en 'tiags, Bill Graham en chapeau haut de forme, les flics, les amis en coulisse, les apprentis journalistes, Janis Joplin, les minots qui ont fait le murs, les chevelus, les poètes... THE GRATEFUL DEAD CREW.

Un DEADHEAD n'est pas un fan comme les autres. Ce n'est pas une groupie, c'est le groupe.

Un DEADHEAD danse sur la musique en fumant. Il fait des figures volutes avec ses mains et tortille son corps en suivant les notes. Les enfants DEADHEAD dansent aussi, ne fument pas encore.

Ce ne sont pas des hippies, ce ne sont pas des babas, ce sont des DEADHEADS. Ils n'écoutent QUE du Dead (c'est comme cela !)... parfois ils écoutent New Riders of The Purple Sage, Brewer & Shipley, Jack Traylor ou Merl Saunders ; un peu de bluegrass Seldom Scene ; la famille quoi. Une chose est sure, un DEADHEAD préférera largement le toucher délicat de Jerry G. à la flamboyance du jeu d'Hendrix ou à la technicité de Manitas de Plata.

Il manque deux phalanges au majeur de la main droite de Jerry G. Les DEADHEADS aiment faire le rapprochement avec Django R. dans la façon où les deux hommes ont dû compenser leur handicap pour finalement obtenir un son infalsifiable.

Un DEADHEAD peut savoir quel morceau va venir 20 minutes avant qu'il ne commence.

Quand un DEADHEAD prend une place pour un concert du Dead, un acide lui est offert avec le ticket en remerciement.

Un DEADHEAD aime le jazz – parce que Jerry aime – mais il n'en écoute pas.

La mort est joyeuse pour les DEADHEADS, ils en sont reconnaissant.

Un DEADHEAD peut poser des questions telles que : "tu l'as le 2e set de Cornell 1977 ?". "Tiens le Dick's Pick numéro 11 fait partie des grands soirs. Tu veux découvrir une nouvelle version de Wharf Rat ?"

Tony Blair, Jospeh Campbell, Owen Chamberlain, Allen Ginsberg, Patrice Bertolle ou Bill Clinton sont des amis DEADHEADS.

Tous les DEADHEADS restent jeunes et portent des converses.

Un DEADHEAD aime la littérature Beat.

Oui, un DEADHEAD est fatiguant pour quelqu'un qui ne connait pas le DEAD. Mais un DEADHEAD dira toujours : "je ne connais pas encore le DEAD".

Laurent.St.Dubois. est un DEADHEAD.

Un DEADHEAD existe en tant que DEADHEADS depuis 1971 ; il était écrit sur la couverture de l'album Skull and Roses :

"DEAD FREAKS UNITE : Who are you ? Where are you ? How are you ?
Send us your name and address and we'll keep you informed.
Dead Heads, P.O. Box 1065, San Raphael, CA 94901.


On estime que le premier mois, le groupe aurait reçu 350 lettres et qu'il en reçoit encore aujourd'hui autant. Eileen Law, proche du groupe, a été responsable de l'édition du bulletin Dead Heads. Après 1980, l'almanach l'a remplacé.

Bien plus qu'un simple concert filmé, le Grateful Dead Movie est une expérience. "There is nothing like a Grateful Dead concert" (Bill Graham). Longue vie aux DEADHEADS....





Pour prolonger :

DVD Live Winterland Happy New Year

Un groupe de copains qui jouent du DEAD – avec Barry Melton en invité : DEADICACE.
http://www.ridethewind.org/deadicace.htm

mercredi 20 avril 2011

Le HIGHLINE BALLROOM Jazz pour le Japon



La highline est devenue, en l'espace de quelques années, un lieu incontournable à New York. Située dans le quartier de West Village, cette ancienne voie ferrée aérienne – d'un peu plus de 2 kilomètres – fut entièrement réhabilitée. La "ligne suspendue" est aujourd'hui un endroit totalement atypique dans le paysage new yorkais.
Alors que la nature reprenait peu à peu ses droits sur la voie, abandonnée depuis près de 20 ans, plusieurs amis fondèrent une association vouée à la transformation de l’ancien chemin de fer en promenade publique.
De jour, le Meatpacking districk offre une géographie urbaine totalement industrielle. La brique ocre avoisine avec les métaux de fonderie. D'immenses lofts aux grandes baies vitrées accueillent des boutiques de vêtements hip. Chaque coin de rue arboré cache un petit restaurant italien cosy à souhait. C'est un quartier de flânerie et de bon goût.

De nuit, au pied de la ligne suspendue, la magnifique salle du Highline Ballroom accueille, depuis 2008, des concerts de styles très variés. Jorma Kaukonen et Jack Casady de l'ancien Jeferson Airplane s'y produiront le 23 avril, Femi Kuti le 26. Les rappeurs 50 Cent, Ludacris ou Mos Def y ont fait plusieurs passages ; Esperanza Spalding, Santana et Ben Harper également...


Depuis 23 ans, la note bleue de New York s'est exportée au Japon, à Tokyo et Nagoya. La musique en générale y est appréciée comme nul part ailleurs. Les japonais sont des mélomanes, c'est sûr ; des audiophiles pointus, aussi ; des producteurs minutieux, des organisateurs de concerts exceptionnels, c'est indéniable. Oui, le Japon est une nation de musique. D'ailleurs, la plupart des disques rares ne sont souvent disponibles qu'en import nippon. C'est curieusement vrai pour la jazz tout autant que pour la country music ou le rock psychédélique californien. La grande nation japonaise mange tout cru les plus belles mélodies du monde sans jamais n'être rassasiée.

Dans l’effroi de la récente catastrophe naturelle, ayant dévastée le pays, Blue Note New York décide de construire un pont musical pour débloquer des fonds et essayer de contribuer à ce que grisaille redevienne azur au Japon.

Hier et avant hier soirs, deux concerts d'exceptions – SOLD OUT ! - étaient donnés au Highline Ballroom en bénéfice pour le Japon. Organisé par le BLUE NOTE JAZZ, une pléiade de musiciens de la scène jazz prêtèrent leurs talents pour le plus grand plaisir des mélomanes new-yorkais.


Lundi 18 nous pouvions entendre la même soirée : José James, Renée Fleming, Madeleine Peyroux, Joe Lovano, Regina Carter, Karrin Allyson, Don Byron, Paquito D'Rivera, Sonny Fortune, Antonio Hart, Eldar Djangirov ou encore Janis Siegel et Eddie Gomez.

Hier soir, mardi 19, nous retrouvions Mc Coy Tyner, Richard Bona, Ron Carter, John Scofield, Michel Camilo, Lionel Loueke, Kenny Barron, Robert Glasper, Roy Hargrove, Christian Scott, Ben Allison, Toshiko Akiyoshi, Steve Williams... et bien d'autres.

La solidarité peut (aussi) être chantée !

mardi 19 avril 2011

HARLEM STORY – part. 6 L'âme de l'APOLLO.

LE TEMPLE DE LA BLACK MUSIC


L'Apollo Theater, en collaboration avec le Museum of the City of New York, présente AIN'T NOTHING LIKE THE REAL THING : HOW THE APOLLO THEATER SHAPED AMERICAN ENTERTAINMENT ("Rien ne vaut l'original : comment le théâtre Apollo a influencé le monde du spectacle") .
 Ayant débutée à Washington D.C, au Musée d'histoire américaine de la Smithsonian Institution, l'exposition se tient aujourd'hui à NYC. Il ne vous reste que quelques semaines pour savourer l'émouvant hommage.

L'exposition évoque le rôle historique qu’a joué, et que joue encore, le célèbre théâtre dans la pop culture américaine. Et oui, le panthéon new-yorkais de la musique noire fête ses 75 ans. Costumes de scène, affiches, accessoires divers et pochettes d'albums...c'est ça ! L'histoire de l'Apollo est simplement l'histoire de la musique noire américaine au XXe siècle.



Cette salle mythique, ouverte sur les ruines d'un Théatre burlesque de la 125e rue, devint, en l'espace de quelques années, l'identité matérielle d'un quartier, d'une culture. Ancienne salle de bal, au début réservée à un public blanc, ce théâtre constitua le haut lieu du jazz, puis de la soul music et du rhythm n'blues. Aujourd'hui, momument historique, l'Apollo et ses 1,5 millions de spectateurs par an est encore un lieu de pèlerinage pour tout amateur de musique black.


Avant-gardiste dans son fonctionnement, la salle de l'Apollo est remise au goût du jour en 1928, par Bill Minsky, dans un contexte historique délicat. Le jeudi noir correspond, curieusement, à la fin de la prohibition dans le pays. Le quartier nord de Manhattan, composé exclusivement de minorités ethniques, développait, en marge d'un contexte économique douloureux, une énergie nouvelle, son histoire parallèle.

 On parle de " Harlem Renaissance".

Pour la première fois en Amérique, les gens de couleurs étaient acceptés dans la salle, non plus en tant qu'artistes ou travailleurs, mais bien en tant que spectateurs. En 1934, Brecher & Schiffman font le paris fou d’accueillir dans cette grande salle de 1750 places, toute personne sensible aux sonorités jazz, swing, sans aucune distinction.
La reine du blues Bessie Smith ouvre le bal. Dès lors, la musique noire américaine y fut accueillit avec un succès immédiat qui jamais ne s’essoufflerait.


De la grande époque du swing, des Big Bands et des claquettes, l'exposition, qui montre de multiples extraits filmés, retient le bâton de Cab Calloway ou les belles chaussures cirées de Samy Davis Jr. enfant.



L’exposition présente également des conférences intitulées “Apollo Legends”. Des rendez-vous particuliers, des souvenirs d'une époque, d'une musique, d'un lieu où il fallait être. L’actrice-chanteuse Leslie Uggams ou encore la légendaire chanteuse Dionne Warwick se prêtèrent volontiers au jeu.



Dans ce cadre là, il y a quelques semaines, MAURICE HINES venait évoquer la grande époque de l'Apollo. Une belle rétrospective des stars ayant fait raisonner les planches du théâtre de la 125.
Mister Hines rappelle que les claquettes ont vu le jour dans le quartier de Five Points, à New York, dans les années 1830 ; que cet art est à l'origine une fusion des syncopes de la musique et de la danse africaine (african Shuffle) et des pas de danses folkloriques européennes (bourrées et gigues).


Maurice Hines, avril 2011.
L'apparition du jazz dans les années 1920 les mirent au premier plan, car le rythme de celui-ci s'adaptait naturellement à la danse à claquettes.
À partir des années 1930, le tap-dance fit son apparition au cinéma et à la télévision. Chaussures de fer aux pieds, Maurice parle en dansant.
 Il évoque la mémoire de son frère Gregory Hines, de Howard Sims, des Nicholas Brothers ; celle de Sammy Davis Jr. - son idole -, Gene Kelly, Fred Astaire évidemment, Ginger Rogers et Roland Dupree également. L'humour bien assis, les guibolles de Maurice ont toujours autant la bougeotte. Une conférence qui avait du rythme.


L'INTARISSABLE NUIT DES AMATEURS.


L'Apollo, aujourd'hui.


Le Théâtre Apollo, « là où les rêves se réalisent et où les légendes peuvent naitre », devient un tremplin pour la célébrité. La "Nuit des amateurs" reste d'actualité et se déroule toujours le mercredi soir. Une fois par semaine, de jeunes talents inconnus grimpent sur scène et tentent leur chance, devant un public pas toujours indulgent. Cette prestation fit l'originalité du lieu. Selon la patronne actuelle de la salle, Jonelle Procope : « l’Apollo a fait éclore des générations d’artistes et a été une source de divertissement et d’inspiration pour des millions de gens ». C'est incontestable !







Ella Fizgerald, Louis Armstrong ou Count Basie s'y produisirent régulièrement et des légendes comme Billie Holiday ou Sarah Vaughan y firent leurs débuts, à la faveur des célèbres "amateur nights".
C'est ainsi qu'un certain James Brown foula ses premières planches. En 1968, il enregistre un album légendaire : Live at the Apollo, succès immédiat qui propulsa sa carrière et demeure, aujourd'hui encore, une référence historique de la soul music.

 En 1969, Michael Jackson – âgé alors de 10ans – et ses frères, les Jackson Five font leurs premiers pas sur scène grâce à ce concours organisé tous les mercredis soirs. C'est aussi à l'Apollo que les fans de Michael vinrent rendre un dernier hommage au roi défunt, le 25 juin 2009.


Egalement parmi les artistes en herbe qui débutèrent sur la scène de l'Apollo, une toute jeune fille de 13 ans qui fit carrière quelques années plus tard, au sein d'un groupe nommé les Fugees... Lauryn Hill.


L’Apollo Theater fut racheté en 1981 par Percy Sutton. L’émission ShowTime at the Apollo le rendit célèbre en 1987 en reprenant le principe de la nuit des amateurs, un moment suspendue. La salle est actuellement sous la direction de la fondation de l’Apollo Theater, une association créée en 1992. Elle est classée sur la liste nationale des sites historiques.








En 1964, le tout jeune JIMI HENDRIX faisait ses débuts, lui aussi. Il ne jouait alors que du bon blues bien rétro...


En 1979, deux années avant sa mort, BOB MARLEY y joue à guichets fermés sept soirs d'affilés.




The Temptations - 1963
On peut aussi découvrir, au cheminement de l'exposition, les fiches secrètes du manager de l'établissement sur quarante années. D'origine autrichienne, Frank Schiffman, passionné de musique black nota le nom de chaque groupe qu'il engageait, leurs rémunérations et ce qu'il en pensait, dans des petits calepins aujourd'hui accessibles. De Tina et Ike Turner, sur scène en 1965, pour 5.500 dollars, il écrit: "Tina bouge comme l'éclair. Excellent! ". On peut feuilleter les mini-dépliants annonçant les spectacles, comme celui de Joséphine Baker en 1957, "qui monopolise deux loges pour entasser ses costumes".

Une robe portée sur scène par Ella Fitzgerald, une trompette de Louis Armstrong, la cape et le costume de scène de James Brown - avec le message "Sex" brodé en brillants sur les abdominaux- témoignent de la richesse de cette scène mythique du music-hall.
Une rare espèce de bugle ("Flugelhorn"), appartenant à Miles Davis, y est "pour la première fois montré au public". "Même l'exposition de la Cité de la Musique à Paris sur Miles Davis ne l'avait pas", jubile Mme Fleming. La légende dit que l'ombrageux et célèbre jazzman, réputé pour jouer volontiers de dos au public, "a toujours joué de face à l'Apollo", ajoute-t-elle.


Débuts de Stevie Wonder.



Apollo 1968



Derniers pas sur scene de M.J - Apollo 2002.