Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

mardi 21 février 2012

JASON MORAN à la cité de la musique : Monk in my mind.

Tarus Mateen, Nasheet Waits et Jason Moran - Duc des Lombards - veille du concert.


" I want to reconnect with Monk, not with people talking about his 'quirky rhythms' or 'off-center humor."


1999. Le jeune pianiste new-yorkais signe son premier disque chez Blue Note. Depuis lors, Jason Moran interpelle. Chacun de ses projets à des allures de concepts ambitieux et avant-gardistes. Tous traduisent un goût de l'exploration musicale sans équivalence. Partenaire de Greg Osby ou de Steve Coleman, il représente une nouvelle génération d'artistes, profondément lié au risque et à la nouveauté. Cette fois, comme un pied de nez, il dirige une performance entre musique et histoire. Notre vu, notre ouïe et leurs mémoires sont sollicités, pour témoigner que reprendre n'est pas rejouer. MONK IN MY MIND sera présenté le 2 mars prochain à la Cité de la musique.

C'est en fouillant dans les archives de W. Eugene Smith qu'il découvrit ces longues conversations débridées entre Thelonious Monk et son arrangeur Hall Overton.
 Du mythique concert au Town Hall, il assistais – en fond sonore crépitant – aux coulisses de sa création. Des joutes verbales vives lui donnent soudain l'illustration d'un des plus importants virages de la carrière de Monk.
 Immédiatement séduit, l'envie de prolonger le geste éveilla l'inspiration singulière du talentueux Moran. Bien différent d'un traditionnel tribute to..., les bandes de la voie grave de Thelonious résonnent par dessus leurs deux musiques. Cinquante ans après, la partition commune n'étouffe pas l'éloquence d'un tout nouveau style, à la philosophie complexe et marginale.


Le vidéaste David Dempewolf accompagnera chacun des morceaux de projections d’images fixes ou animées. Ce projet multimédia sera intercalé par des séries de clichés surprenants, tous réalisés par W. Eugene Smith. Des années durant, ce passionné de jazz avait côtoyé les plus grands musiciens – et Monk – dans son loft de Manhattan, alors transformé en studio d’enregistrement. Moran portera ces rares documents d'archives sur scène pour illustrer sa relecture inventive de l'événement at Town Hall.



Cette énigmatique mise en scène aura pour objet de continuellement confronter le nouveau et l'ancien. De les réunir.

Virage de sa vie, pour la première fois, le 28 février 1959, à la Mairie de New York City, Thelonious Monk offre à sa musique une interprétation orchestrale, alors que la grande heure des Big Band touchait à sa fin.

Jules Colomby, illustre producteur et proche du pianiste, fut l'instigateur de ce projet.
Monk dû extraire de ses compositions les aptitudes de certaines à renaître collectivement. Les versions orchestrées de Crepuscule with Nelly, d'Off minor ou de Monk's Mood sont aussi déroutantes qu'hallucinatoires.
Une ampleur fourmillante se dérobe sur nos tempes. Il semblerait qu'une discussion intime prennent - dans l'espace confortable des interstices - l'allure d'un grand discours.
Ici même se traduit une autre façon de parler, dans un lanjazz dense et neuroleptique. L'esprit de Monk se duplique en nonnette, dans une formation unie qui, incessamment, se questionne et se répond sans jamais se couper pourtant.

En quel sens est-ce vraiment intéressant (possible) de rejouer du Monk et de se l'approprier, sans le dénaturer ni le copier ?

Les musiciens qui s'en répondent disent bien souvent – et à juste titre : La partition est en elle même tellement parfaite que l'altérer serait comme détériorer son équilibre naturel. L'essence de ses compositions est multiple dans le rapport qu'elles entretiennent avec l'espace, le temps, l'harmonie et ses respirations. Comme chez Bach, la partition de "Melodious Thonk" emprunte des degrés infinis. D’abord considérée comme étrange, voir injouable, elle est pourtant devenue standard.

Jason a voulut distancer la partition ; juste la laisser résonner dans son esprit.

" J'essaye de ne pas l'aborder comme le contenu d'un disque mais comme un objet. Comme un morceau de papier que l'on peut gribouiller, découper ou froisser à sa guise. Comme si je n'en avais pas grand chose à faire - alors que c'est tout le contraire".


Pas de ligne fixe ou droite, l'audacieux projet sillonne autour d'une idée, prend des airs d'intimité. Une dialectique s’installe entre cuivres et grand piano noir. Ces mêmes manies stride de détrousseurs d'harmonies agrémentent l'âme anguleuse des compositions de Monk. Originel ricochet. L'explosion coloré de l'esprit du grand Thelonious renaît, dans les mains d'un destructeur incroyablement doué.

Vendredi 2 mars 2012 – Cité de la musique – 20h.