Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

mardi 25 octobre 2011

Ode au Baryton : du salon à PEPPER ADAMS.

Le fusain fuit la gomme.

Commencer le saxophone enfant est une longue et éprouvante ascension du Mont Blanc. Tout est trop grand, lourd et inconfortable, comme un costume mal taillé. Puis, le corps grandit. La voix de l'instrument épouse la voix qui mue. L'ingrat pipeau géniard, limaçon, métamorphosé soudainement en élégant bijou de jade, se pose, deli-scat, sur le souffle mûr. Désormais, l'instrument aussi pourrait murmurer et gueuler juste.

Le baryton, c'est une toute autre histoire. Il me rappelle La Contrebasse de Sünskind. Une compagne qui se serait laisser aller. Pliée dans sa mallette de déménagement, plus personne ne veux croire au fantasme du gangster et de sa kalashnikov démembrée...
Jusque dans son port de cou, l'instrument est tourmenté. Son bocal, enlacé, se délie sur un large bec noir ou blanc, dodu, qui prend toute la bouche. Il faut se l'enfiler (qu'en disent les intrépides trompettistes aux commissures pincées) ! Selon qu'on l'attrape, timidement sur le bout des lèvres, ou qu'on accepte de l'embrasser à la ligature, sa musique réagit différemment. La grosse anche Z.Z 3.5 est plus râpeuse qu'un verre de Beaujolais. Elle sent l'humus salivaire, le malt distillé et le papier froissé.

Vilain canard ou objet incompris ? D'ailleurs, n'est-il pas autant un phénomène de cirque qu'un joyau de la musique ? Qui pense fanfare ou twist en le voyant ?

Plus complexe, plus lourd, plus grossier, plus gauche. Et pourtant... L'irremplaçable beauté du Baryton quand il renfle et se perd. Un long spasme intérieur. Dans sa voix de violoncelle qui s'enrhume, intensément humaine, il y a la voix d'un homme qui passe. Parfois il se met en colère. Son charisme apprivoise ses mélodies.

Certains véhicules capricieux réagissent en fonction du conducteur. J'aime ce genre d' "objet vivant". Vieille Moto Anglaise, Moulin à Poivre, Tire Bouchon ; Zippo. Le geste, la manière de s'en servir, définissent un mode de vie. Ce sont bien les petits détails qui font les grandes différences.


Ce ne fut pas Gerry Mulligan qui m'appris à aimer Baryton. Pas même ses rouges velours tangos, aux côtés Piazzola, tandis que ses compositions West-Coast faisaient – et feront longtemps encore – école. Pourtant, l'instrument que j'essayais d'apprivoiser révélait l'imprévisible de sa personnalité. Se défaire de son physique. Ni la volupté du jeu de Gerry ni même la profondeur des graves de Serge Chaloff n'arrivaient à me détourner du sens poivré de la mélodie d'Adams.
Il s'était discrètement révélé et ne m'avait plus quitté. La première fois, je l'avais entendu sur CHET. New York City se dorait de Californie. Sur sept titres, perles de minimalisme angélique, je découvrais l'émotion de Pepper Adams. Puis, décidais de tout écouter... tout ce que je pouvais trouver (à bon entendeur...).



C'est ainsi que je compris l'avoir toujours connu. La route... Sur Dakar de Coltrane. Bien sur, il était l'un des Cooker de Lee Morgan. Pour Quincy Jones, il avait contribué à l'incroyable Go West, Man !,  une fresque pour huit saxophones. Puis, Lucky Thompson, Tommy Flanagan, Kenny Burrell, Paul Chambers et Elvin Jones avaient été ses compagnons d'aventures. Il avait longtemps suivit la trompette de Donald Byrd, s'était brillamment illustré dans les orchestres nomades de Benny Goodman, Lionel Hampton, de Stan Keton et de Charles Mingus. Oui, la vulcanienne introduction de Moanin'...



Dans la profession, on l'appelait "the Knife", le couteau qui précisément ciselle – hard-bop – la mélodie en dentelle, des ribambelles de notes poivrées ; celles-ci s'abandonnant dans le grave. Comme s'il jouait aux échecs, Pepper détourne la mélodie en sens contraire, trompe son adversaire qu'il séduit, sans jamais quitter sa stratégie, il termine et signe : mat à la peau blanche. Son son, chaud-volubile-intense, le démarque des autres bopper... de Mulligan.

Dans l'ombre de son pavillon tout s'ébranle. Se lamentent des murs au parquet ciré. Peu à peu le cuivre happe, son écho entrebâille l'interminable porte aux soupirs.









Discographie personnelle
Pepper Adams Quintet (1957) (VSOP)
Critics choice (1957) (World Pacific)
Pure Pepper (1957) (Savoy)
The cool sound of Pepper Adams (1957) (Savoy)
10 to 4 at the Five-Spot [live] (1958) (Riverside/OJC)
Motor city scene (1960) (Bethlehem)
Stardust (1960) (Bethlehem)
Out of this world (1961) (Fresh Sound)
Plays Charlie Mingus (1963) (Fresh Sound)
Encounter! (1968) (Prestige/OJC)
Ephemera (1973) (Spotlite)
Pepper (1975) (Enja)
Julian [live] (1975) (Enja)
Live (1977) (Just Jazz)
Live in Europe - Impro 02 (1977)
Reflectory (1978) (Muse)
The master (1980) (Muse)
Urban dreams (1981) (Palo Alto)
Conjuration: Fat Tuesday's session (1983) (Reservoir)
Generations (1985) (Muse)
Adams effect (1985) (Uptown)

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