Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

mercredi 23 mars 2011

HARLEM STORY - part. 2. Le burlesque !

Sortez découverts !


Avant d'être le lieu servant l'expression artistique de la cause noire, l'Apollo Theater, originellement nommé l'Apollo Hall dans les années 1860, devint, en 1913, le Hurting & Seamon's New Burlesque Theater, en l'honneur de Jules Hurtig et Harry Seamons. Tenu à l'époque par des familles juives, nouvellement installées, ce lieu occupa une place de premier ordre dans l'identité culturelle du quartier. Si ce n'est pas encore à l'époque une salle ouverte aux "minorités ethniques", la place géographique sur laquelle il est implanté deviendra progressivement un haut-lieu de l'évolution de moeurs, inspirant le pays tout entier. Panthéon de la culture libre, une nouvelle musique y été jouée, une nouvelle façon de danser, un jeu de l'esprit, dans la folie ravageuse des 20's. Avant le swing, un courant artistique tout à fait particulier est remis au goût du jour ; intégré ; assimilé ; modifier : il s'agit du syncrétique burlesque.

Issu de l'Italie du XVIIe siècle, cette grande "plaisanterie" était, à l'origine, un genre littéraire comique, familier, parfois vulgaire pour l'époque. C'est dans l'originale liberté de ce courant artistique européen, que la culture noire américaine puisa sa sève créatrice. les même fondamentaux étaient empruntés, le même ancrage à la provocation, à l'effet de surprise et à l'usage de la farce décalée. L'histoire pu se renouveler et se transposer entre deux cultures que tout semblait opposer. Renaissance harlemienne va de pair avec émancipation et affirmation de la civilisation noire-américaine.
Sur les affiches, on y voit, pour la première fois, des hommes et femmes de couleurs, fiers, élégants et sexy. Car le burlesque est avant tout une histoire de fesses. Il faut les montrer, mais pas de n'importe quelle façon. Qu'elles fassent envies – aux blancs becs aussi. Que l'identité noire sorte de l'ombre et prenne le clair chemin de l'affranchissement. Cette piste caillouteuse semée d'obstacles s'étendra sur plusieurs années. Mais le road movie d'une culture décalée allait entraîner dans son sillage un style vivant, libertaire.
Le burlesque, goût piment, sera annonciateur d'une cuisine artistique identitaire, bonne à savourer pour tous et dans tous pays.
Quand Joséphine Baker déploie, sur son déhanché aguicheur de femme du monde, sa jupe certie de bananes, c'est avant tout pour tourner en dérision la sottise des affiches Banania – "y'a (pas) bon !" Faisant de l'homme noir un phénomène de foire. Vous voulez du spectacle bestial ? Nous, les animaux, allons vous faire triquer, messieurs les culs blancs ! "Puisque je personnifie la sauvage sur scène, j'essaie d'être aussi civilisée que possible dans la vie." disait-elle.
Les artistes itinérants du monde du cirque emmènent alors en tournée des spectacles plus particulièrement destinés à un public averti.
Des prestations insolites mais aussi des girl-shows dans lesquels les artistes se dévoilent prennent naissance. Le burlesque s'inscrit tout à fait dans cette tradition du cirque ambulant, emmenant dans leurs caravanes des shows off, destinés à ramener des publics "avertis" à la fête. En marge du grand chapiteau, les cirques ont donc leurs side shows, où se produisent les freaks (les monstres de naissance), et les marvels ("les merveilles"), avaleurs de sabres et autres hommes-caoutchouc. Les filles aussi ont leur cirque à part : les girl-shows ou carny-shows ("spectacles de chair"). Et le strip tease naissait messieurs !

C'est ainsi que s'est développé le "Burlesque", un théâtre sans prétention et pas cher, un entertainment pour les masses, bien avant qu'Hollywood n'impose sa loi sur les loisirs populaires. Le "Burlesque" est simplement une caricature sans discours moral, une distorsion de la réalité qui n'a pour seul but que de faire rire ou d'émouvoir. Les shows des filles alternent avec des numéros comiques. Le Burlesque devait s'adresser aux plus humbles. Pas de scénarios. Juste une belle qui se déshabille. Dénominateur commun entre tous les hommes, ces sophisticated ladies, comme venues d'ailleurs, symbolisaient la perfection. Les journaux annonçaient leurs venues, et les ministres aussi se déplaçaient pour les applaudir.

Ce bref intermède culturel, typiquement ancré dans la société des folles années 20, allait rapidement s’essouffler et laisser place à des mouvements artistiques divergents.
Mais n'enterrons pas le burlesque si vite. Dans les années 1950, l'imagerie populaire du rock n'roll commence son ascension. Culture du bitume encore discidente, la ferveur rock aura ses star néo-burlesques. Lili St-Cyr, Anne Corio, Rose la Rose, Tempest Storm, Blaze Starr, Bettie Rowland ou Dixie Evans (se produisant encore à plus de 70 ans)... Dépoussiérer l'imagerie du début de siècle en le transformisant. les danseurs, les danseuses plutôt. A moins que ce ne soit des danseuses ? Bref, ceux qui se dandinent de façon affriolante, sont de plus en plus légèrement vêtus. Dans cette culture décadente tout ce qui était interdit à ciel ouvert était permis dans ces "paradis sexaux". Le néo-burlesque rendait à la fois hommage aux spectacles légers des cabarets de Paris, devenus depuis mondialement célèbres (Folies Bergères, Moulin Rouge, Chat Noir et tutti quanti...), mais aussi aux shows urbains auxquels on pouvait assister, à la sauvette, dans des lieux pas très bien fréquenté mais où tout le monde voulait en fait aller, que tout le monde connaissait. Chaque star d'Hollywood avait son sosie. Anita Ekberg avait sa version "hot", comme Jane Russell et même Jackie Kennedy. D'autres jouaient les Marilyn...

Cependant, tandis que la culture rock se développe, les styles musicaux qui en émanent se diversifient et s'en éloignent finalement. Dans les années 1970, le burlesque est marginalisé jusqu'au point de disparaître, une fois de plus. La télévision propose des divertissements beaucoup moins onéreux et la vulgarisation du nu se banalise, les revues de nu se démocratisent. Le rapport à l'image change si vite. Le désuet burlesque n'amuse et ne choque plus personne. Les gars peuvent regarder des films X chez eux, par correspondance ou - plus tard - sur le net. Pourquoi se déplaceraient-ils pour voir une fille qui met 30 minutes à se déshabiller ? Parce que. Rien a voir !

Revival. Les années 1980 voient un retour de styles musicaux s'approchant du rock 'n' roll des origines. Puisant dans leur inspiration rockabilly, post-punk, new wave des éléments de dérisions propres au burlesque.
Autour de ces styles, les icônes associées aux années 1950 reviennent elles aussi : tatouages, Betty Boop et autres pin-ups tex averiennes. Les big band de Brian Setzer jouent dans des décors pailletés, surannés, et font des émules. Petit à petit s'effectue un rapprochement entre tous ces styles artistiques.
Curieusement, une mode revient toujours, de façon cyclique, au goût du jour. Ce qui has-been à un moment devient IN peu de temps après. Depuis le début des années 90, un retour d'images populaires désuètes et longtemps considérées comme vulgaires relance le mouvement burlesque sous sa forme actuelle. Dans tous les États-Unis, des groupes d'artistes recréent l'ambiance des spectacles originels. La troupe du Velvet Hammer relance l'effeuillage burlesque en 1990. La photographe Katharina Bosse décide alors de s'immerger dans ce nouveau courant érotico-artistique et le fait découvrir en Europe grâce à un ouvrage homonyme : New Burlesque. Cette médiatisation complètement inscrite dans l'imagerie contemporaine, donne naissance, en 2001, à un festival de strip tease burlesque réunissant plus de 200 artistes, le Tease-O-Rama de San Francisco. En 2009, Gentry de Paris écrit, conçoit et danse dans La Gentry de Paris Revue avec Dita Von Teese. Une grande revue qui met en avant des prestations burlesques.

Little Richard. Les New-York Dolls. Kiss. Priscillia folle du désert. Lady Gaga. Dita Von Tease... sont des formes du burlesque, évoluant au gré de leurs époques respectives. Chaque génération développant ses propres besoins en burlesquerie et en curiosités de tout ordre.

En 2010, le succès critique et public du film TOURNEE, avec plus de 500000 entrées en France, a participé également à la médiatisation et à la reconnaissance de cette forme de cabaret, sauvage.


UN SOIR A DUANE PARK
157 Duane Street,
Entre West Broadway et Hudson Street.



Restons un moment sur le film Tournée. Où Mathieu Amalric a t-il trouvé ses étonnantes actrices-chanteuses-danseuses-stripteaseuses-humoristes ? Entre autre ici, dans ce lieu d'initiés : LE DUANE PARK.
J'y étais invité, complètement par hasard, pour retrouver un musicien de jazz. Ce dernier jouait dans le groupe du cabaret depuis plusieurs mois. Chaque samedi, un nouveau show, "pour t'en mettre plein les mirettes" me dit-il.

Bien loin des caveaux jazz à la new-yorkaise ? Pas si sur. Rien en ce lieu n'est décadent, tout est ostentatoire. Mais l'agencement et la décoration sont réalisés avec goût, classe plutôt. "Les yeux grand fermés", me voici, plongeant dans l'univers subtilement lubrique de Stanley. Bougies sur les grands chandeliers d'époque, tables rondes en verre et fer forgé, millefiories, bouquets de lys blancs enveloppés dans de somptueuses fresques murales, blanc et bleu, roccoco... L'image du maître des lieux qui me reçoit, de sont complet pied-de-poule trois pièces, me transpose immédiatement dans l'imaginaire d'une époque libérée. "Bonjour Mônsieur !" (en français, évidemment).
Un petit bonhomme, tout rondouillet, avec des moustaches d'adolescent pubère, fait son entrée. Sapé comme un prince, il interpelle la salle et se lance dans un stand-up de grande qualité. So typique ! Le petit bonhomme est une sacrée bonne femme. Humour décapant. Rien dans sa prestation ne laisse entrevoir sa féminité. Très subtilement accompagnée par le jazz band, en maître de cérémonie avisée, elle appelle une à une les beautés (blurp !) aux rondes formes oblongues.
Toutes ces femmes, loin d'effleurer toute forme de prostitution, sont des icônes populaires, connues dans le pays entiers. Elle font des émules sur leur passage. La semaine passée Quentin Tarantino et Harvey Keitel y passaient une soirée, en anonymes. Celle d'avant c'était Lady Gaga, qui parait-il insista pour elle aussi pousser sa chansonnette.
Nous pouvons parler d'art tant chaque mouvement de lèvre, chaque dé-ficelage de soutien gorge est travaillé dans l'unique objet de susciter admiration, joie et désir chez le spectateur pataud, s'imaginant intérieurement exécuter le même exercice à la maison...
Pourtant elles offrent sous leurs revers des canons de beautés bien particuliers. Sous leurs beaux dessous affriolants, leurs portes jarretelles dentelles et leurs boas de plumes d'oie, se dissimulent des chaires rebondies, de bons cuissots bien nourris, qu'un oeil d'aveugle ne pourrait éviter. Démesure, toutes, dans leurs différentes identités, renvoient aux critères esthétiques d'une autre époque. Exit les anorexiques anémiée. Faut que ça rebondissent !




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