Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

mercredi 4 mai 2011

MoMa & Mets déclinent la GUITARE !

While my guitar gently weeps


Deux grands musées new yorkais se mettent au diapason et présentent, au même moment, deux représentations d'un même instrument qui fut essentiel dans l'évolution de la musique contemporaine : la guitare.

MET : LA GUITARE MODERNE, D'ITALIE AUX ETATS-UNIS.

A la fin du XVIIIe siècle, Naples est la plus importante ville de la péninsule italienne et l'une des plus influentes cités de toute l'Europe, concernant les arts notamment. La culture musicale y est florissante, l'opéra tout particulièrement. Les luthiers napolitains avaient a l'époque un rayonnement international. La famille Gagliano est alors réputée pour ses fabrications de violons.
En marge des conceptions d'instruments "traditionnels", servant la grande musique, des constructeurs de guitares et de mandolines expérimentent de nouvelles techniques. Jusqu'au XIXe siècle, Naples est le centre incontournable de la production d'instruments à cordes.

Au tournant du XXe siècle, des millions d'italiens émigrent aux Etats-Unis. L'Italie est alors en proie à des agitations politiques et sociales perturbant fortement l'économie du pays. Un très grand nombre d'italiens, en majeure partie issus des régions agricoles, vient s'installer dans les zones urbaines américaines. Les "Little Italy" voient le jour. New York devient un des principaux centres de la culture italienne immigrée. Ils apportent avec eux leur culture, leur savoir faire, leur musique et les instruments qui l'anime. Les musiciens italiens créent alors leurs propres groupes qui, rapidement, connaissent un fort succès populaire.

Un engouement pour la mandoline voit le jour sur la terre promise. Entre 1880 et 1920, des milliers de mandolines sont importées d'Italie et de nombreux luthiers déménage à New-York, Long Island, dans le New Jersey et dans le comté de Westchester, pour fabriquer leurs instruments sur place. Un commerce juteux vient d'éclore.

Parallèlement aux confections de violons traditionnels et de mandolines, de nouvelles techniques voient le jour. On parle de guitares archtop.

L'actuelle exposition du METropolitan Museum est consacrée au travail remarquable de trois artisans pionniers, ayant réussit à modifier les formes évolutives de la guitare moderne ; syncrétisme de deux cultures au service de la musique. La musique du XXe siècle leur rend hommage.

JOHN D'ANGELICO est né en 1905 dans le Little Italy de Manhattan, situé dans le Lower East Side. Son père Philip, immigré napolitain, était tailleur. C'est le grand oncle de John, Raphael Ciani, qui était l'un des plus célèbres luthiers de New York. Le jeune homme commence a travailler dans l'atelier a l'âge de neuf ans, apprend un savoir faire. A la mort de son oncle, en 1923, John reprend la boutique située au 57 Kenmare Street. Dix ans plus tard, il commence à développer un nouveau style de lutherie et se consacre à la réalisation de guitares archtop, calquées sur celles faites par la société Gibson (alors fournisseur des orchestres de big band).
Très vite apprécié pour la qualité de son travail, tant sur les performances sonores qu'esthétiques, il réalisa près de 1200 instruments qui, des générations plus tard, continuèrent d'être convoités, par de talentueux instrumentistes tels que Bucky Pizzarelli, Pete Townshend, Bob Grillo ou Georges Benson.




Steve Miller collection
JAMES D'AQUISTO est né à Brooklyn en 1935, dans une famille italo-américaine ; ses grands parents ayant immigrés de Palerme. Il avait l'avantage d'être un musicien habile à la guitare et à la basse. Lors d'une visite de l'atelier de John d'Angelico, il s'éprend immédiatement du désir de construire ses propres instruments.






En 1952, il devient apprenti et passe douze années à perfectionner les techniques de la lutherie moderne. Seul véritable disciple d'Angelico, il devient un proche collaborateur à l'évolution du travail de ce dernier, lui apporte des idées novatrice liées à son savoir de musicien. Il commence peu à peu à introduire ses propres théories, véritables changements dans le métier de luthier. Il était défenseur d'une esthétique épurée, pour ne pas altérer les sonorités originelles des cordes dans la caisse de résonance. L'acoustique change, devient plus pure.

Paul Simon, Grant Green, Jim Hall et Steve Miller - son plus fidèle musicien - développent leurs propres styles grâce aux caractéristiques de la guitare d'Aquisto.



Dernier des trois maîtres d'oeuvre présentés lors de l'exposition, JOHN MONTELEONE, né à Manhattan en 1947, dans une famille d'artisans immigrés de Palerme. Son père était un sculpteur qualifié qui eut certainement une influence majeure sur l'imaginaire créatif de son fils, concernant le métier de luthier. John appris à travailler le bois et étudia le savoir faire de diverses matériaux avec son paternel. Il était également musicien, guitariste et pianiste de talent.
En autodidacte, John Monteleone expérimenta, dès son plus jeune âge, la construction et la réparation des instruments à cordes, une véritable passion qui ne cesserait de grandir. C'est ainsi qu'il acquis une certaine notoriété pour le design innovant de ses mandolines, qui furent admirées et utilisées par les plus grands joueurs de l'instrument. Au début des années 1970, le marché de la guitare acoustique est en plein essor. Monteleone commence alors à se consacrer à la conception de cet instrument courtisé. Il introduit un certain nombre d'innovations, à la fois acoustiques et esthétiques et repousse les techniques de la lutherie à des paramètres de précisions inégalés.


MoMa : PABLO PICASSO, LUTHIER DU REGARD - 1912-1914

Le MoMa de New York accueille, jusqu'au 6 juin, plus d'une soixantaine de travaux de Picasso autour du thème de la guitare, son obsession artistique et son support d'expérimentation entre 1912 et 1914. Un des moments clefs de la carrière de l'artiste espagnol, du mouvement cubiste et de l'art du XXe siècle dans son ensemble. Collages, dessins, peintures et photographies sont présentées, dans leur ensemble, pour la première fois.


Entre octobre et décembre 1912, Pablo PICASSO (1881-1973) s'essaye à l'élaboration d'une guitare un peu particulière. Bricolée à partir de carton, de papier et d'autres matériaux qu'il a découpé, plié, fileté et collé. L'instrument finit n’émettra aucun son. Mais le seul fait de le regarder fait parvenir à nos oreilles une mélodie particulière : la musique du regard.

Cette période créatrice est une nouvelle phase dans la carrière immensément féconde de l'artiste qui, sans cesse en train d'expérimenter de nouvelles techniques picturales et structurelles, conceptualisera à cette époque le cubisme. Les rythmes saccadés de la musique, rappelant les sons d’une guitare endiablée, les lignes qui scandent la toile, éloignent l’œuvre de la figuration et la transforment en des images presque abstraites. Leurs formes épurées n’apparaissent plus comme le résultat d’une décomposition, elles s’affirment pour elles-mêmes et structurent la toile par une vigoureuse architecture de lignes et d’angles.
Toutefois, tous ces travaux témoignent du refus de Picasso de réaliser une peinture sans lien avec la réalité.

L'exposition PICASSO GUITARS explore cette période charnière de l'art du XXe siècle. A l'aube de la Grande Guerre, en l'espace d'une année de travail, plus de soixante-dix oeuvres seront réalisées par l'artiste autour de cette même thématique obnubilante.


Le 9 Octobre 1912, Picasso écrit à son confrère et ami Geoges Braque l'idée d'une nouvelle série articulée autour de l'instrument de musique. Ses paroles annoncent une préoccupation unique axée autour de l'image instrumentale. Elles marquent aussi l'introduction de techniques tout à fait hors du commun, avec l'utilisation de matériaux jusqu'alors réservés à l'artisanat.
Picasso va se servir de l’instrument de musique comme d’un prétexte, comme d’un véritable support, pour tester de nouvelles techniques et matériaux. Comme son ami Braque, qui durant cette même période incorporait du sable, de la poussière ou des cordages à ses compositions, Picasso joue avec les ingrédients, rarement utilisés dans l’art et directement issus de la vie quotidienne. Il va parfois combiner peinture et savoir-faire artisanal pour imiter, par exemple, l’aspect du bois ou du marbre. Métal, papier mâché, coupures de journaux ou bouts de tissus découpés ; tapisseries à fleur épinglées, partitions arrachées évoquant les music-halls et les cabarets de parisiens, la palette de Picasso est quelque peu déroutante pour l'époque.

En résultent des natures mortes graphiques aux formes si simples quelles en deviennent souvent méconnaissables. Jamais exposées à l’époque, la plupart n’étaient d’ailleurs que des constructions éphémères, terrain d'expérimentation, n'ayant pas pour vocation d'être montré au public.

La majeure partie des tableaux ont la particularité d'être composés d'une bouteille, d'une table, d'une pipe, et d'une guitare – parfois d'un violon. On y voit marc de Bourgogne, triple sec, whisky ou simple vin de table. Les vapeurs alcoolisées s’entremêlent avec celles du tabac brun, une musique espagnole s’échappent de la toile. Manuel de Falla ? Tour de magie !





Ses carnets de notes, surtout, sont passionnants. J'aime les ratures, les imperfections qui s'y dévoilent. J'aime simplement le tournoiement de la création, celui qui cherche et, en en point précis, trouve.

Bien avant d'entendre le son de ses cordes grattées, la géométrie de l'instrument a une musique. La guitare est rondeur, volute et charme. C'est un corps de femme. Elle a deux grandes ouïes découpées dans son ventre, deux blessures sexuées. Remplie de mystère, ses sons se perdent dans les courbes intérieures. Cette série de peinture est incroyablement mélodique. La forme dans l'espace relie, par le regard, l'oreille à l'esprit.

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