Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

mardi 24 mai 2011

Washington : la musique D.C., là.



" Symbole de la démocratie coincée contre la côte
Maison du dehors, bureaucratique, entourée d'un fossé,
Les citoyens de la pauvreté sont à peine hors de vue.
[...]
Ne pas avoir l'éclat ou le glamour de Los Angeles
Peut être pas l'histoire ou l'intrigue de Pompéi
Mais quand il s'agit de faire de la musique, et bien sur de la nouvelle,
ça semble être une boule de contradictions [...]
Entre les gens qui vont et viennent et l'un qui dois rester,
[...]
C'est une masse d'ironie pour tout le monde à voir
C'est la capitale du pays,
C'est Washington D.C."
-
GIL SCOTT HERON.


Bob Dylan fête aujourd'hui ses 70 ans. Je revois sa photographie, prise en août 1963, aux côtés de Joan Baez. AMERICA chantaient-ils, voix dans la voix, Diamants et Rouille, sur l'esplanade du Lincoln Memorial Center.

Quelques jours à Washington D.C pour prendre la mesure d'un autre état z' unique. Il n'y a que trois heures de routes qui s'éparent NYC de la capitale fédérale. Trois heures et deux univers aux charmes paradoxaux. Venez-y voir, vous, les planeurs assoiffés de ciel écaillé.

New York, la verticale, prend à la gorge. District of Columbia, c'est une autre histoire. Aux antipodes, la douceur de l'horizontale Washington, déploie sa grandeur par l'intellect. Car ici, des dizaines et des dizaines de musées sont gratuits... un bon parti prix. Même dans les rues, il me semble assister à une expo trompe l'oeil de Julian Beever.

Ce qu'il faut dire surtout, c'est qu'ici, l'architecture est miniaturisée. Enfin, j'me comprends. Par rapport à l'autre cité Gulliver, on se sent retrouver des proportions mesurées. D.C ne dépasse guère les 20 pieds (6 mètres, vous voyez). Elle a été dessinée par Pierre Charles L'Enfant, ce vieux français à l'imaginaire oblique, qui n'aimait pas jouer aux damiers.
Washington, son histoire, celle de l'autre côté de la rive ; Washington, ses moeurs de grandeur pentagonique ; Washington, plus capitale mais tout aussi capitaliste.
Les artères sont blanches au nord, les veinures ont le sang noir au sud. Deux grands axes obliques séparent ce beau gâteau américain en quatre parts parfaitement inégales. Des petites drapeaux rouges et bleus étoilés sont, au milieu des jardins roses au carré, fièrement plantés.


On aime s'y promener. A Georgetown, en haut de la colline, nous prenons la mesure d'une richesse indétrônée. Celle d'un sentiment, plus que d'un symposium, celle d'une idée aux allures de congrès. Toute de propreté, bien rangée, on affirme ici – sans s'en rendre compte – la culture d'un modèle qui irrite quand on ne l'a pas encore foulé. Les règles sont strictes. Pas de cendriers. Où est donc passé l'élégante statue de la Liberté ? Immuable, enflammée sur son île, toute esseulée, le bras droit grand levée, l'orgueil coquin qui éclaire encore (je crois) ce monde perpétuellement en train de bouger.

Chaque morceau du gros gâteau, chantilly sur lit chocolaté, a sa propre musique, sa recette secrètement gardée.

D'un côté, il y a le NATIONAL SYMPHONY ORCHESTRA : grandeur sonore du pays, fondé en 1931 par Hans Kindler, résident au Kennedy Center. Il demeure l'une des plus prestigieuses formations classiques au monde. Berstein, Shostakovitch, y sont en ce moment célébrés. Avec Antal Doráti, l'orchestre a immortalisé la totalité des ouvertures et des poèmes symphoniques de Tchaïkovski. Un symbole d'une paix chaude en ces temps anciens de guerre froide.
Toujours de ce côté, le United States Marine Band, avec son éternelle icone, John Philip Sousa, dirigeant le plus ancien groupe de musique des Etats Unis ; celui-ci formé en 1798, avant même la fondation de la ville.


Alors que, de l'autre côté, on parle un langage altéré, à l'image capitale d'une nation métissée. D.C est aussi une ville qui jazz. A bon ? Mais oui. Il y a tellement d'histoires à raconter...
Le ragtime du lituanien Claude Hopkins, l'interprète de vaudeville Al Johnson et surtout Lilian Evans Tibbs, ce célèbre chanteur d'opéra ayant été le premier africain à exercer son métier en pays étranger. Jelly Roll Morton de Nouvelle Orléans vient, lui aussi, à D.C pour s'y installer. Souvent il va jouer, au milieu des années 30, au club Jungle Inn. Billy Eckstine, Jimmie Rodgers, Pearl Bailey, mais aussi la légende du rock, Bo Didley, y avaient tous leurs foyers. A Washington, il y avait également Todd Duncan, le premier chanteur qui ai joué le rôle principal de l'opéra Porgy and Bess. Puis, vint le temps de Duke Ellington, le pionnier. On peut y voir, aujourd'hui encore, l'héritage de son Ecole des arts, fondée en 1974.

Que venaient-ils tous chercher ? La proximité d'un pays disloqué ?

Il y a les natifs. Buck Hill ; puis Charlie Rouse, le sax de Monk, Billy Hart, le subtile cogneur, Ira Sullivan, le multi instrumentiste et le baryton bopper, Leo Parker. Billy Taylor y est également né, y a longtemps joué, a curieusement préféré les charmes cachés de D.C à ceux de la célèbre, mais trop bruyante grande soeur, NYC. Je me souviens surtout de l'incroyable album de Shirley Horn, The Main Ingredients, réunissant dans son salon de Washington, une poignée d'amis inspirés. C'est certain, j'en reparlerais.

Puis, il y avait le jazz fan Ahmet Ertegun, émigré de Turquie, qui vint y fonder, en 1947, le célèbrissime Atlantic Record. C'est d'ailleurs à D.C qu'est curieusement gravé, en 1962, le JAZZ SAMBA de Stan Getz avec Charlie Byrd.

Tout ce beau monde venait se retrouver dans les bars de U STREET, couloir en fer à cheval du quartier Nord Ouest. Havre du jazz, on retrouve le célèbre Bohemian CavernsRamsey Lewis enregistre, un soir de 1965, son In the crowd.
Un peu plus loin nous nous faisons prendre par l'écho du Blues Alley, celui du Twins jazz ou du Club Embers.


Moi, j'avais décidé d'aller voir le HR-57, tout nouvellement déménagé dans un quartier populaire de la capitale. Pour l'histoire, ce nom barbare fait référence à une circulaire adoptée, en 1987, par la Chambre du Congrès. Cette dernière désignait le jazz comme "un trésor rare et précieux de la nation américaine". Dans ce HR-57, des ateliers de formations, des conférences, des expositions sont organisées. Chaque soir, des performances d'amateurs et de professionnels sont libres d'accès.


Et puis, dans quelques jours, du 3 au 5 juin, va se dérouler la dix- neuvième éditions du Capital Festival In D.C. Instauré en 1993, cette manifestation a pour objectif de redinamiser le jazz de Washington et de rythmer, le temps d'un long week end, les allées blanches aux sonorités black d'une culture toujours extrêmement populaire.
Herbie Hancock, George Duke, Marcus Miller et David Sanborn seront chargés de l'ouverture des hostilités. Nathalie Cole, Boney James ou encore Jonathan Butler sont, entre autres, chargées de la deuxième journée. Le Larry Graham Central Station viendra cloturer l'événement. Chaque soir, des jam sessions seront, un peu partout dans la ville, organisées. Amis touristes, à vos carnets...

D'ici à D.C., toutes les musiques black en lettres capitales sont représentées. La soul de Marvin Gaye, vers le milieu des années 60, est, pour la première fois, commercialisée. Washington commence alors à developper ses propres sonorités. Roberta Flack chante Killing me softly et lance un nouveau genre qui fait mouche.

Au milieu des 70's, Washington est aussi le terrain de création d'un style unique que l'on appelle GO-GO. Sa formule caractéristique combine avec sublilité les sonorités du funk aux rythmiques brutes des percussions, au dessus desquelles l'on se plait à rapper. On a envie d'y danser. On stage, des questions sont, dans le flow, posées. Dans la fosse, les réponses sont énergiquement scandées. Rare Essence, Trouble Funk, Experience Unlimited font alors parler de leur musique endiablée.


Alors pourquoi New York City me manque-t-il déjà ? Je dois vite y retourner, je crois. J'en ai pas forcément besoin mais, comme toute drogue, il y a accoutumance. Allez, rien qu'une semaine encore. Après, c'est promis, j'arrête. Jusqu'à la prochaine fois... D.C m'a un moment sevré de toi. Belle dame de lumière, me revoici dans tes bras. J'arrive pour te briser, perle de verre aux dix milles mélopées.


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