Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

jeudi 19 mai 2011

MARC VELLA – Voyage d'un improvisateur amoureux.

"L'arbre qui tombe dans la foret fait plus de bruit que la foret qui pousse". Proverbe Diola.


ELOGE DE LA FAUSSE NOTE.

Ça me fait plaisir que tu viennes me voir...

Je ne sais plus pourquoi, j'avais envie de te parler de la caravane amoureuse. C'est comme si je l'avais oublié et là, d'un coup, je me remet à y songer. Ça te dis quelque chose ? [...] Au début, moi-aussi, ça me faisait sourire. La caravane amoureuse... Maintenant, encore, mais le rire à changé. Si tu veux, je peux te raconter. L'histoire n'est pas longue, elle est encore à écrire.

En fait, je n'ai pas beaucoup de choses à en dire ; ou bien trop. Je ne sais pas. C'est tout à l'intérieur, dans les constellations. A chaque fois que j'ai voulu en parler à quelqu'un, je n'allais pas au bout, m'interdisais et, finalement, rangeais mon précieux secret, dans mes tours de disques, bien gardé. C'est sûrement le fait que ça puisse faire sourire. Non pas que je veuille te faire pleurer, au contraire, mais... je vois bien ton rictus au coin de la bouche un peu pincé. Allez, laisse tomber...
Oui, tu as raison, c'est vrai ; c'est ridicule de se censurer. C'est juste qu'on aime toujours trouver la justesse des sentiments qu'on voudrait partager. Et puis, maintenant on se connaît...

Et bien, tu vois, je ne savais pas qui était Marc VELLA avant ce jour où un ami voyageur m'a déposé un de ses enregistrements dans ma boite à lettre, avant de s'évaporer. Ça m'avait beaucoup touché. Je ne l'avais pas tout de suite écouté, l'avais rangé, continuais à y penser, et n'en avais jamais parlé. Il y avait une musique autour de l'objet. Tu comprends, je ne voulais pas la souiller.

Très souvent, je repensais à Marc. Il m'avait depuis apprivoisé. Alors, je m'évadais de ce livre musical, ce voyage improvisé : La porte des mondes il l'avait appelé. C'était beau cette voix d'homme amoureux qui sortait de son piano. Il y avait la danse « des doigts se faisant l’amour » que je me repassais. Il avait trouvé la mesure du geste. Les seuls moments où je pouvais l'écouter était des instants de solitude à plusieurs, tu vois, des moments où je pensais à tous ce que j'aime, à ceux que j'aimerais, aux personnes que jamais je ne rencontrerais. Ne ris pas, je pensais aussi à toi. Une surcharge d'humanité quoi.

Ça t'es déjà arrivé de passer plusieurs jours de suite sans parler, sans rencontrer personne, juste seul avec ta tête ? Tout devient différent ; les perceptions nettoyées.

C'était quand les mots disparaissaient que j'avais envie de retrouver Marc. Je ne voulais rien savoir sur lui, son disque me suffisait. J'avais trop peur d'être déçu. Comme au jour où, adolescent, je venais de terminer Voyage au bout de la nuit et, encore tout chamboulé, que j'allais voir qui était ce Louis Ferdinand qui m'avait fait, deux semaines durant, rêver.

Tu dois peut être y aller ? Je continue ? Tu souris toujours, mais tu écoutes. Bon.

Si je l'ai depuis rencontré ? Oui. Tiens, regardes.














C'est drôle, c'est souvent lorsqu'on s'attend le moins à quelque chose qu'elle vient à vous, sans frapper. C'était il y a deux ou trois ans. J'avais envie d'aller me promener en Bourgogne (le vin certainement). Bref, je regardais sur les sites des lieux retirés et tomba, par hasard, sur une programmation du pianiste nomade. La belle occasion.


Sa caravane amoureuse venait mouiller à l'ombre d'un monastère, perdu dans la colline. Une sacrée expédition que d'y aller. Je me souviens très bien de mon arrivée. Il y avait l'herbe grasse et haute, l'odeur des moissons fraîchement enroulées. Devant l'église romane en pierre polie, un piano noir était installé. Comment ? Oui, dans un champ dehors. Il y avait trois quatre bancs en bois accolés, et puis quelques pèlerins sur le côté. C'était une poignée de curieux, ceux qui avaient entendu parler du troubadour aux cheveux longs. C'était aussi ceux qui le suivait... en fait, c'est eux, la caravane amoureuse. Marc Vella est le beau percheron qui les tire, les extirpe légèrement de leurs foyers et les emmène réchauffer des territoires inexplorés...

Je n'ai pas parlé. D'ailleurs, dans mes souvenirs, j'ai l'impression d'avoir été tout seul avec le piano nomade.

Marc est venu nous saluer. Son teint mat, ses grandes boucles accroche-coeurs, devant ses yeux, brillaient. Et puis, son sourire d'ange... Tout son visage était illuminé. Il s'est mis au piano. Le vent dans les feuillages qui bruisse et le chant des oiseaux du soir qui berce : les longs silences dans ses notes improvisées. Je sentais couler l'Instant.

Tu arrives à suivre ?

Marc Vella me fait penser à François-René Duchâble. Pas son physique. Son histoire. Tu sais, Danièle Thompson s'en était inspirée pour réaliser Fauteuil d'orchestre ? Dupontel. C'est exact ! C'est bien de ce pianiste virtuose dont je parle. Lui qui avait osé proclamer son aversion pour les contraintes, son dégoût pour le formalisme qui régnait dans le bocal de la grande musique. Marc, c'est un peu pareil. Avant de partir sur les routes, il a longtemps travaillé la théorie. Il s'est initié. Milosz Magin fut son maître. Il obtient, à 25 ans, le Prix de composition de l'Ecole Normale de Musique de Paris ; t'as cas voir. Non, vraiment, ce n'est pas un pantin. Ses œuvres furent d'ailleurs imposées dans les concours internationaux de piano.

Mais il cherchait autre chose. S'il quitta les univers confinés des conservatoires et des salles de concerts, c'est qu'il avait juste envie de retirer sa cravate coupe gorge, de déboutonner sa chemise et de jouer, pour tout le monde, comme ça, sans courbettes, sans préambule, sans programme. Il mit son piano sur une remorque et puis, il partit...

Je l'entends encore dire : "J'avais envie d'écouter le soleil se lever, j'avais soif de déserts, d'étoiles et de regards, alors je suis parti, avec mon piano, pour me rencontrer". Ça m'avait drôlement marqué. Pas juste ses mots. Son attitude aussi. C'est curieux, son bonheur, il le communique en chuchotant. Il dit, tout bas : Écoute comme il est bon de jouer, tout comme il doit être bon pour toi d'écrire... Laisse venir.


Oh, il y a plus de 25 ans maintenant qu'il a commencé. Sur les routes de France au début, puis en Inde, en Afrique, dans les pays arabes... un peu partout. Imagine un piano à queue dans un bidonville au Pakistan ou au cœur du Sahara. Je t'assure que c'est beau. A Cuba ou en Éthiopie, j'ai vu des images de lui, arrivant dans des villages, avec sa chariote et son piano – avec qui il dort dans un coin de camionnette aménagée. Ça lui suffit. En fait, son instrument c'est sa langue universelle. Pas besoin de longs discours. Et ça marche. Peut importe où.
Il parle aux gens. Il a besoin d'eux. Marc c'est un solitaire qui s'arrange, toujours, pour ne pas être seul.


C'est pour ça qu'il inventa sa caravane amoureuse. Un trop plein de sentiments qu'il ne voulais pas retenir. Un Don Quichotte ? Si tu veux. Plutôt une sorte de Mallarmé de la musique, qui part envahir les pays, dans une grande guérilla amoureuse. Voici son pari fou. Ça semble fou parce que c'est beau.

Bien sur que ça fonctionne ! Il a traversé plus de quarante pays et sillonné plus de 200 000 kilomètres, comme ça, avec son fidèle piano. Si tu me parles d'utopie c'est que tu n'as rien compris. Embrasse un peu plus souvent, ça fait du bien aux crispations. Tu te laisseras séduire par cette belle évidence, cet immense kaléidoscope que l'on appelle humanité. Tu devrais essayer toi aussi de saisir l'instant, et de le relâcher, aussitôt, comme un oiseau à qui l'on ouvre sa cage.

Tu vois, son public, il le traite comme un enfant – lui même éternel enfant. Il ne met pas de gants sur ses doigts, pas de filtre dans son piano de source. On l'a qualifié d'excentrique, de farfelu. Il sourit et continue. L'envol des possibles. Oui, c'est pur.

Tu me poses la question. Je n'aurais pas osé t'en parler. Vois-tu, plus qu'au jazz sa musique répond d'une démarche improvisée. Ce qu'il fit ce soir là, il ne l'avait jamais réalisé auparavant. Son regard sensible s'est posé sur nos visages, la beauté des êtres débordait sur ses sons. Il s'inspire du miroir des sentiments et toute la magie est animée par ses rencontres. Je suis convaincu que c'est "ça", qui fait de sa musique un langage irrationnellement émouvant.


Parfois, dans son piano, j'entends une harpe, un violoncelle qui expire, un oud ou une cithare. Je t'assure. C'est un explorateur. A l'intérieur de son instrument demie-queue ouverte, il y a des variacordes. C'est lui, avec le compositeur et sculpteur Jean-Jacques Lamenthe, qui ont inventé cela. Ça donne une sorte d'orchestre intérieur. Il faut écouter. Tu comprendras immédiatement. De le voir, c'est tout aussi étonnant. Il avait des baguettes, des mailloches, de grosses balles qui flirtaient avec le filin de son piano démembré. Tout son corps, même ses entrailles, s'exprimait. J'en oubliais la performance. Le piano, funambule de l’imaginaire, chantait, sur le fil de la création, ses merveilleuses maladresses.

Au-delà de la musique, c'est une ouverture sur la vie et sa simplicité. J'entendais la naissance du monde dans chaque respiration. Il faisait alors nuit noire quand le piano s'est éteint. Personne ne bougeait ni ne soupirait. On entendait encore les cordes résonner et répondre aux oiseaux de passage. Marc ouvrit ses grands yeux et rit, sous l'averse fraîche d'applaudissements ensoleillés. Je ne pourrais oublier ce moment.

Grâce à Marc Vella je devenais croyant, le temps d'un récital. Sauvage et beau. Ce n'était pas une croyance majestueuse en une divinité cachée. Non. C'était simplement l'infime petitesse de l'humanité qui résonnait. La spiritualité des amoureux.

Mon sourire a depuis changé quand je pense à lui. Je gardais le secret de cette rencontre depuis longtemps, tu sais. Aujourd'hui, je te l'offre. Il faut toujours offrir les choses auxquelles on tient le plus... Celle-ci n'est pas matérielle, du coup, tu ne pourras pas la perdre. C'est un baume à l'âme.

Je me souvient maintenant pourquoi je voulais t'en parler. Parce que, ce matin, avant de me réveiller, j'ai eu l'impression que cette musique me disait : "Oses tes rêves".

Tu as raison, c'est une drôle d'histoire.








19/05/2011 : Marc Vella en Haute-Vienne - Jeudi 19 au Dimanche 22 mai avec l'Association des sans-papiers Tel : 05 55 32 77 72
23/05/2011 : Luchapt / concert conférence de Marc Vella / Près de Montmorillon -
Rens : Maité Rhein 06 83 67 78 03
28/05/2011 : Concert au château de Briançon à Bauné / Tel : 01 47 58 23 74
11/06/2011 : Concert au Vilars près de Die dans la Drôme tel. 04 75 21 43 84
15/06/2011 : Concert à Genève au Théâtre de l’Espérance.
16/06/2011 : Concert à Vevey (Ch)
25/06/2011 : Concert à Toulouse - Festival Mondial de la Terre. Concert conférence.
02/07/2011 : Concert à la Maison du Chat Bleu – Saint-Savinien. Tel : 09 77 64 32 35
06/07/2011 : Concert à Cassis tel. 06 14 65 04 48 / 04 42 01 17 58
09/07/2011 : Concert à Mexico en Berry
11/07/2011 : Festival au Domaine d'Essart
Du 11 juillet au 17 juillet 2011 Inauguration du Domaine d'Essart. Concerts tous les soirs et projections de films.
Rens : 06 83 29 44 79 - 09 67 00 76 12
Du 4 aout au 4 sept. Caravane amoureuse au Québec à travers les laurentides,la côte nord, la Gaspésie, l'abitibi, Le lac Saint Jean, Charlevoix pour un concert de piano avec les baleines, les réserves indiennes, les inuits.

www.caravaneamoureuse.2010.fr

marcguy.vella@gmail.com

1 commentaire:

  1. Comme une abonnee,j'attend la suite avec impatiente!
    Continue de nous faire partager toutes ces belles histoires musicales et poetiques.
    Allez j'ose je suis fan de tes mots,je continue le voyage avec toi...

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