Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

samedi 14 mai 2011

HARLEM STORY – part. 8. 1ere édition du HARLEM SHRINES FESTIVAL.

Les "temples" du jazz revisités, du 09 au 15 mai 2011.






"Le jazz est un être unique à travers la succession de ses âges, sous la multiplicité de ses aspects. On constate en effet une frappante similitude entre son trajet et un parcours humain, dans le grand demi-siècle qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'a vu passer de la jeunesse à la caducité, et se transformer ensuite de telle manière, dans des directions si diverses, qu'appeler jazz aujourd'hui certaines manifestations musicales relève au moins de l'irréflexion. [...] De quelque façon qu'on l'analyse (la sociologie, la politique et même l'économie), il semble que le jazz ait toujours voulu être plus ou autre chose que lui-même. En témoignent sa rapidité à exploiter le possible de ses ressources particulières, son besoin impatient d'en repousser les limites et de les abolir. [...] Ainsi le jazz s'exposerait-il à succomber à la violence, en même temps réaction de défense et symptôme d'un épuisement. On pourrait ironiser sur le regain d'attrait qu'il exerce, n'existant pour ainsi dire plus qu'à l'état d'écho ou réitération de ses fastes anciens, si l'essentiel de ce qu'a dégager son histoire – le swing – n'assurait sa capacité de rester présent, tant par le corpus achevé mais préservé de ses oeuvres, que par celles qui maintenant se situent comme rétroactivement dans leur mouvance, là où le swing déjà transcendait les catégories du temporel : et si la fin des arts affectait ce qu'elles ont à jamais concentré de signification humaine. "

Jacques Réda, L'improviste, Folio, 2010, Paris, p. 14-15.


Le quartier de HARLEM ouvre ses portes et fait revivre les "lieux de culte", les SHRINES, du ragtime, swing et BeBop ayant modelé l'histoire d'une commaunauté, puis infuencé l'ensemble des musiques modernes. Ces lieux sont devenus des temples d'une religion laïque. Ils appartiennent à tout un chacun. Tous ceux qui aiment les vieilles histoires.

HARLEM prend cette semaine une allure particulière, un regain de patriotisme culturel. J'ai entendu dire que les européens se représentaient une image figée du jazz. C'est peut-être vrai. Je pense plutôt que notre stagnation artistique (non pas dans sa forme créatrice mais dans la nature de ses échanges) développe une ouverture d'esprit sur les différentes cultures avoisinantes. Bien sur, notre rapport au jazz est aussi lié à l'histoire de Paris, un moment donné, lieu de pélerinage pour tout artiste assoiffé de liberté. C'est passé. Parenthèse refermée.

Aux Etats-Unis, je ne sais pas. J'ai l'impression que "culturellement" ça n'existe pas. Il y a DES cultures américaines. La culture des uns ne veut rien dire dans celle des autres. Ca ne se mélange pas trop, c'est d'ailleurs déjà, par essence, un mélange. J'ai lu cette semaine dans JAZZTIME que "moins de 50% des américains savent qui est Billie Holiday". C'est combien par chez nous ? Plus ?

Pour Harlem, en tout cas, les premiers temps du jazz sont encore et toujours célébrés, plus qu'il y a une vingtaine d'années. Les jeunes des quartiers reproduisent chaque soir, dans des clubs bien animés, les figures de styles de leurs aînés. Les touristes ne sont pas là. Ils ne font pas vraiment cela pour eux – contrairement à beaucoup de lieux en Nouvelle-Orléans qui surfent sur le revival. Ici, les passants ne viennent d'ailleurs pas particulièrement pour le jazz. Il y a les habitués, qui jamais n'ont entendu une autre musique. C'est une photographie animée, sans dessins. La musique est naturellement imprégnée dans le papier peint. La couleur n'est pourtant pas jaunie. Sans cesse alimentée, la tapisserie reste la même, ses couleurs changent. J'ai l'impression que chaque soir une infime métamorphose s'opère.
Showmann's

Quatre organisateurs sont à l'origine de ce beau projet : l'Apollo Theater, le Harlem Stage, Jazzmobile et la Columbia University. Un quartier vibre à l'unisson et célèbre une culture puissament ancrée dans la communauté uptown. Durant ce nouveau festival, l'accent est mis sur la production musicale foisonnante, directement naissante de ces quelques blocks, des années 20 aux années 50. Le but est de montrer que l'extension de cet héritage a un sens dans l'avenir artistique de Harlem. Sont, en premier lieu programmés, les jeunes talents, habitants du quartier : une grande fête de générations articulée autour d'un héritage commun.
La plupart de ces lieux de mémoires sont toujours en activité. Certains ont fermé à tous jamais, d'autres ont perduré. De nouveaux clubs font également leur apparition.

Minton's Playhouse

Le MINTON'S PLAYHOUSE réouvre ses portes pour l'occasion. C'est le retour des pianos concours - on fait comme si Monk venait d'avoir 25 ans, lui, le résident indétrôné. Le SHOWMANN'S, ouvert depuis 1957, continue ses jam sessions quotidiennes, sans se poser de questions, c'est toujours bon. Le SMALL PARADISE est enfin ressuscité, Fats Waller et sa musique sont, comme au bon vieux temps, célébrés. HABANA/HARLEM, on pourrait croire que ça vient juste de commencer. Il y a de la poésie du côté du LENOX LOUNGE. L'ALLHAMBRA BALLROOM, comme avant, avec ses deux Big Bangs qui s'afrontent en swing's battles enflammées, nous fait à nouveau rêver. Et le St NICK'S PUB est toujours fermé... (cf. article avril 2011).
Certes, l'âge d'or est derrière. Pourtant, blancs et noirs viennent aujourd'hui librement s'amuser. Une activité novatrice prend de l'ampleur, on le ressent. La conception de cet évènement en est la belle illustration sonore.

Alhambra Ballroom
Il suffit de pousser une porte de bistrot, de s'asseoir quelques minutes au pied de la statue d'Adam Clayton Powell Jr. et de s'enduire de percus boisées ; de se perdre dans une rue "bien femmée" du Spanish quartier, tout à côté. Simplement de déambuler sans cartes ni montres. De partout, on entend des sons. Ici, tout le monde parle dans la langue de Fats Wallers, de Thelonious Monk, de Dizzy et des copains cubains, du Count et du Duke, de Roy Eldridge, Teddy Hill et de Betty Carter. L'ensemble est d'une qualité époustouflante. Chaque inconnu possède les clefs de la maison du swing. Si quelques têtes d'affiches viennent aussi s'amuser avec les origines, ce n'est que pour attiser le feu de joie qui se répend, tel un immense brasier mélodique. Je ne ressens pas de nostalgie chez les musiciens, aucun n'a connu l'époque des grands explorateurs. La musique est le lien. Cette première édition du SHRINES FESTIVAL met l'accent sur un point : l'attache culturelle de Harlem est solidement ficellée. Elle n'est pas putrescible.

Tous les évènements sont gratuits ou à 10$.

L'expérience touche a sa fin. Le bouquet final est prévu ce week-end. Spécialement cococtée, la programmation éveille le fumet d'un festin délectable...



LES JEUNES SAVENT AUSSI SWINGUER !

Jason Moran et Me'shell Ndgeocello : hommage à FATS WALLERS



Le Smalls Paradise était célèbre, lui aussi, pour ses jams tardives. Certains y jouaient leur loyer de la semaine dans des battles mémorables. Fats Wallers était de cela. Un résident à l'année qui développait les nouvelles techniques du piano stride juste en s'amusant avec les copains, dans le repère du pauvre où tout le monde ressortait riche. Les soirées dansantes s'improvisaient, la musique rassemblait tout le quartier des hauteurs de Harlem.

L'endroit a bien changé. Aujourd'hui, un grand campus universitaire domine la colline boisée, au coeur de Harlem. Le jazz a émigré. Mais pour deux soirs consécutifs, un poignant hommage à ces fastes années est organisée, sur l'ancien site exactement du petit paradis.

 Recréer un show dansant façon Waller, la tache fut confiée à Jason Moran et Me'shell Ndegeocello. Piano, Basse et vocalises puisent, dans l'humour des textes des années 40, l'énergie contemporaine d'une musique inusable. Une vraie réussite !
Jason Moran & Me'shell Ndegeocello



JAM SESSIONS AU MINTON'S PLAYHOUSE

Hier.
Monk - McGhee - Eldridge - Hill

            « Les lundis soirs au Minton's, Bird et Dizzy faisaient le bœuf. Il devait y avoir un millier de    musiciens dehors, qui essayent de rentrer pour écouter et pour jouer avec Bird et Dizzy. Mais la plupart des musiciens qui savaient n'espéraient même pas jouer quand Bird et Dizzy étaient ensemble. On ne faisait que s'asseoir dans le public, à écouter et à apprendre. [...] La technique était d'arriver au Minton's avec sa trompette, en espérant que Bird et Dizzy vous invitent à monter sur scène. Et si ça arrivait, il valait mieux ne pas vous louper... Il fallait chercher les indices chez Bird et Dizzy, s'ils souriaient quand vous aviez fini de jouer, c'est que vous aviez été bon. »
Miles Davis.

             « Pour jouer au Minton's, il ne suffisait pas d'entrer et de se mettre à la contrebasse. Ils vous amenaient dans une arrière salle ou en cuisine, et ils vous demandaient des airs. Ils me l'ont fait à moi aussi. Ils me demandaient : "Vous pouvez jouerPerdido ? Vous pouvez jouer Body and Soul ?»
Charles Mingus.

            « Est-ce que vous imaginez une jam session avec Lester Young, Coleman Hawkins, Chu Berry, Don Byas, et Ben Webster sur la même scène ? C'était au Minton's Playhouse à New-York. C'est terminé maintenant. Il n'y en a plus des comme ça. Et devinez qui remportait ces batailles ? ... Don Byas à chaque fois. »
Sonny Stitt.

           « Les lundis soirs, on faisait la fête. Tous les musiciens de l'Apollo le lundi soir étaient invités au Minton's, toute la bande. On faisait un vrai bœuf. Le lundi soir c'était le grand soir, la soirée des musiciens. Il y avait toujours quelque chose à manger, c'était formidable. Teddy Hill savait traiter ses gars. »
Dizzy Gillespie, interviewé par Al Fraser en 1979.

Le Minton's playhouse, fut ouvert en 1938 par le saxophoniste ténor Henry Minton. C'est ici que s'est développé le jazz moderne, connu aussi sous le nom de BeBop, grâce aux jam sessions de Thelonious Monk, Kenny Clarke, Charlie Christian, Charlie Parker et Dizzy Gillespie, dans les années 40. Le club entra dans une phase de déclin à la fin des années 1960 avant de fermer en 1974.

Aujourd'hui.


Chelsea Baratz et Greg Osby
Une salle gavée à n'en plus pouvoir, l'odeur du combo et des épinards, une relève de musiciens gonflés à bloc, tous ces jeunes n'ayant jamais encore pu rentrer dans l'antre sacrée. les JAMS SESSIONS AU MINTON PLAYHOUSE réhouvrent ! C'est un événement, le tout New York parle de ce festival.
Les morceaux fleuves s'étalent sur des dizaines de minutes, les musiciens se relayent, l'ambiance est chaude torride. On a peur d'y perdre son ombre. La musique dévale et ne s'arrête plus. Elle est grasse, pue la chaire, et les liquides lacrymaux en guise de météo. Tout est fait sans le vouloir pour faire revivre l'âme d'une époque qui aura marqué au fer ces jeunes générations de musiciens.
Le saxophoniste Greg Osby ouvre la jam. Lui seul est l'icone de cette jeunesse new yorkaise, imprégnée de jazz old school qu'il a su reformuler aux accents actuels. Il montre ce soir qu'il peut revenir avec aisance aux sources – c'est bien de là qu'il faudrait toujours partir.

Les triples croches s'enfilent l'une après l'autre, descendent à toute vitesses les escaliers, les remontent, respirent et reprennent aussi vite leur jeu ascentionnel.
Plus la soirée s'avance, plus le niveau est bon. Les meilleurs se réservent les dernières places et ne veulent plus partir... Quelle heure est-il ? Non !
Je n'avais visiblement encore jamais fait de telles JAM SESSIONS.


Greg Osby "directeur" de jam vendredi soir


PROGRAMME - 9-15 mai 2011

*Exposition LES SANCUTUAIRE DU JAZZ. Théâtre Miller.
Lundi 9 mai
· Coup d'envoi de l'événement au Minton's Playhouse, 18h-20h.
· Late Night Jam Session au Minton's Playhouse, 21h- fermeture.
Mardi 10 mai
· Blazing Tongues: les chanteurs et écrivains du Lenox Lounge, avec la musique et les paroles de Billie Holiday et Zora Neale Hurston. 19h-21h.
· Showman's Night Jazz tardif, en partenariat avec l'Apollo. 20h-fermeture.
Mercredi 11 mai
· Nuit des Amateurs, 19h.
· Blazing Tongues : les chanteurs et écrivains du Lenox Lounge avec la musique de Dinah Washington et les écrits de James Baldwin . 19h-21h.
· Showman's Jam Sessions, 20 heures jusqu'à la fermeture. Présenté par le Théâtre de Apollo.
Jeudi 12 mai
· Showman's Jam Sessions, 20h-fermeture. Présenté par le Théâtre de Apollo.
· Minton's playhouse dinner : la conversation et la performance sont dirigées par Stanley Crouch et Robert O'Meally. Invité d'honneur Greg Osby.
Vendredi 13 mai
* Battle of the Bands Big, 19h-minuit. Le Jimmy Heath's Big Band se produira dans la salle de bal de l'Alhambra.
* Le Salon Apollo Jazz. Deux sets 17h-20h. Wycliffe Gordon présente un spectacle mettant en vedette la musique de Big Band avec, entre autre la chanteuses Carla Cook, le danseur de claquette Nikki Yanofsky, Savion Glover - saxophoniste de Grace Kelly -, le tromboniste Corey Wilcox et le directeur et le chorégraphe Ken Roberson.
* Showman's Jam Sessions, 20h-fermeture. Présenté par le Théâtre de l'Apollo.
* Le Fats Waller Dance Party : Small's Paradise Tribute avec Jason Moran & Meshell Ndegeocello, Mark Kelley, Marvin Sewell, Charles Haynes, Lisa Harris, Leron Thomas, Corey roi, trombone.
* Friday Night au Minton's, 22h-fermture. Geri Quartet Allen - Jam Session.
* Showman's Jam Sessions 20 h-fermeture. Présenté par le Théâtre de l'Apollo.
* Swinging at Alhambra Ballroom, 19 h-minuit. La Renaissance de l' Harlem Orchestra animera un concours de danse swing.
* Showman's Jam Sessions, 20h-fermeture.
Dimanche 15 mai
· Re-création des Count Basie's Lounge, 15 h-17 h. Stade de la Gatehouse Harlem.
* Blazing Tongues : les chanteurs et écrivains du Lenox Lounge.
* Battle of the Big Bands : Alhambra Ballroom. 19h-minuit.

LIEUX
Alhambra Ballroom
2116, boulevard Adam Clayton Powell - (212) 222-6940 ou 6941 - www.alhambraballroom.net
Apollo Theater
253 W 125th Street - (212) 531-5305 - www.apollotheater.org
Gatehouse Stage Harlem
150 West 135e street - (212) 281-9240 - www.harlemstage.org
Lenox Lounge
288, Lenox avenue, Malcolm X Boulevard, entre 124e et 125e - (212) 427-0253 - www.lenoxlounge.com
Miller Theatre
2960 Broadway (niveau 116e street) - (212) 854-7799 - www.millertheatre.com
Minton's Playhouse
206 West Street 118e - (212) 864-8346
Showman's Café
375 W 125th Street - (212) 864-8941





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