" Je ne suis pas charcutier ! "
L'histoire commence en 1918 à Rio de Janeiro. Nous sommes en plein carnaval et, cette année là, tout le monde danse sur un air qui fait fureur : O Boi no Telhado ("Le Boeuf sur le toit"). Séjournant au Brésil à cette époque, le musicien français Darius Milhaud s'éprend lui aussi du morceau populaire mettant en scène des boeufs aériens. Secrétaire de l'ambassadeur de France, son ami fidèle Paul Claudel, qu'il suivit sur l'autre continent jusqu'à trouver la musique de sa poésie.
Milhaud rentre à Paris en 1919, dans le bouillonnement créatif de l'entre-deux, les folles années. Il se rapproche naturellement d'un cercle d'artistes, réuni autour de l'écrivain Jean Cocteau. Tous les samedis soirs, Milhaud – âgé de 27 ans – accueille chez lui compositeurs, écrivains, peintres, graveurs, poètes... L'humour potache et l'amour d’Épicure relient les artistes qui, chacun dans leur mode d'expression, enrichissent leurs créativités de cette mouvance amicale.
Cette joyeuse bande de "samedistes" finit régulièrement au cirque Médrano pour assister aux numéros clownesques des frères Fratellini. C'est d'ailleurs en grande partie pour eux – et pour Charlot – que Cocteau imagine un scénario de ballet-farce.
Raoul Dufy en peint les décors. Darius Milhaud le met en musique. La courte partition musicale, de vingt minutes à peine, est truffée de références au folklore brésilien dont le compositeur s'était joyeusement nourri l'année précédente. Quand il faudra donner un titre à ce ballet de poésie moderne, il repense alors à l’envoûtante chanson carioca, entendu lors du grand Carnaval : ce serait donc LE BOEUF SUR LE TOIT (opus 58).
La performance a lieu en février 1920, à la Comédie des Champs-Elysées. Le décor imaginaire est celui d'un bar qui voit circuler plusieurs personnages : un bookmaker, un nain, un boxeur, une femme habillée en homme, un policier qui se fait décapiter par un ventilateur.
Public scandalisé. Critiques assassines. Certains futuristes inspirés rêvent en plein jour de Copa y de Bahia. Juxtaposées aux latines, sont alternativement jouées les créations Adieu New York d'Auric, Cocardes de Poulenc et Trois petites pièces montées de Satie.
Darius Milhaud, Georges Auric et le jeune Arthur Rubunstein remodèlent la Samba do Paris sur un piano à six mains groupées.
En Janvier 1921, Milhaud rencontre Louis Moysés. Cet Ardennais, nouvellement installé à Paris, venait de racheter un tout petit bar montmartrois : LE GAYA. Un tout autre imaginaire musical s'empara de Darius qui partait se noyer dans le flot des volutes du pianiste Jean Wiener. Au Gaya, rue Duphot, ça joue jazz, ça joue nègre.
Jean Cocteau, alors en quête de renouvellement intellectuel, proclame son Q.G en ce lieu retiré. Il aura, lui-aussi pignon sur rue. Il lance l'info dans le tout-Paris. Louis Durey, Arthur Honegger, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre font maintenant partis des murs. Stravinski prête caisses et timbales. Un saxophoniste noir, Vance Lowry, débarque de nulle part. Un lieu mythique s'improvise d'innocence sur des partitions de Gershwin ou d'Henderson. Cocteau s'essaye à la batterie. Enrobé de musiques, au Gaya, on y vient s'encanailler d'une mélodieuse humanité hétéroclite. Plus de places... il faut déménager.
Moysés acheta deux nouveaux commerces, séparés par une grande porte cochère. Ce serait au 28 de la rue Boissy d'Anglas. Parfait. Il y aurait le bar d'un côté et le restaurant de l'autre. Pour toujours voir entrer le soleil sur butte aux pieds de vigne, le nom porte-bonheur serait choisi en l'honneur de sa bande de bienfaiteurs. Le Boeuf sur le Toit ouvrit ses portes le 10 janvier 1922.
Au Boeuf, on pouvait croiser Cendrars, Aragon ou Breton ; Brancusi, Picabia ou Picasso. Coco Chanel, Derain, Satie et Gide dans un coin papotaient. Max Jacob et Pierre Reverdy, au bar… L’épicentre du Paris des années folles. On y rencontrait aussi le jeune Maurice Sachs, rêvant de conter sa vie Au temps du Boeuf sur le toit.
L'enseigne du bovin gambadant sur les tuiles rouges va briller sur les nuits de Paris, comme un symbole de fête avant-gardiste, un tourbillon de jazz lumineux. Les musiciens s'y retrouvent tard. Les nuits se déroulent en Jam Sessions interminables et les initiés se passent le mots. Très rapidement ils diront : " Tu viens taper le Boeuf ? Oui, allons donc boeuffer ".
Milhaud rentre à Paris en 1919, dans le bouillonnement créatif de l'entre-deux, les folles années. Il se rapproche naturellement d'un cercle d'artistes, réuni autour de l'écrivain Jean Cocteau. Tous les samedis soirs, Milhaud – âgé de 27 ans – accueille chez lui compositeurs, écrivains, peintres, graveurs, poètes... L'humour potache et l'amour d’Épicure relient les artistes qui, chacun dans leur mode d'expression, enrichissent leurs créativités de cette mouvance amicale.
Cette joyeuse bande de "samedistes" finit régulièrement au cirque Médrano pour assister aux numéros clownesques des frères Fratellini. C'est d'ailleurs en grande partie pour eux – et pour Charlot – que Cocteau imagine un scénario de ballet-farce.
Raoul Dufy en peint les décors. Darius Milhaud le met en musique. La courte partition musicale, de vingt minutes à peine, est truffée de références au folklore brésilien dont le compositeur s'était joyeusement nourri l'année précédente. Quand il faudra donner un titre à ce ballet de poésie moderne, il repense alors à l’envoûtante chanson carioca, entendu lors du grand Carnaval : ce serait donc LE BOEUF SUR LE TOIT (opus 58).
La performance a lieu en février 1920, à la Comédie des Champs-Elysées. Le décor imaginaire est celui d'un bar qui voit circuler plusieurs personnages : un bookmaker, un nain, un boxeur, une femme habillée en homme, un policier qui se fait décapiter par un ventilateur.
Public scandalisé. Critiques assassines. Certains futuristes inspirés rêvent en plein jour de Copa y de Bahia. Juxtaposées aux latines, sont alternativement jouées les créations Adieu New York d'Auric, Cocardes de Poulenc et Trois petites pièces montées de Satie.
Darius Milhaud, Georges Auric et le jeune Arthur Rubunstein remodèlent la Samba do Paris sur un piano à six mains groupées.
En Janvier 1921, Milhaud rencontre Louis Moysés. Cet Ardennais, nouvellement installé à Paris, venait de racheter un tout petit bar montmartrois : LE GAYA. Un tout autre imaginaire musical s'empara de Darius qui partait se noyer dans le flot des volutes du pianiste Jean Wiener. Au Gaya, rue Duphot, ça joue jazz, ça joue nègre.
Jean Cocteau, alors en quête de renouvellement intellectuel, proclame son Q.G en ce lieu retiré. Il aura, lui-aussi pignon sur rue. Il lance l'info dans le tout-Paris. Louis Durey, Arthur Honegger, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre font maintenant partis des murs. Stravinski prête caisses et timbales. Un saxophoniste noir, Vance Lowry, débarque de nulle part. Un lieu mythique s'improvise d'innocence sur des partitions de Gershwin ou d'Henderson. Cocteau s'essaye à la batterie. Enrobé de musiques, au Gaya, on y vient s'encanailler d'une mélodieuse humanité hétéroclite. Plus de places... il faut déménager.
Moysés acheta deux nouveaux commerces, séparés par une grande porte cochère. Ce serait au 28 de la rue Boissy d'Anglas. Parfait. Il y aurait le bar d'un côté et le restaurant de l'autre. Pour toujours voir entrer le soleil sur butte aux pieds de vigne, le nom porte-bonheur serait choisi en l'honneur de sa bande de bienfaiteurs. Le Boeuf sur le Toit ouvrit ses portes le 10 janvier 1922.
Au Boeuf, on pouvait croiser Cendrars, Aragon ou Breton ; Brancusi, Picabia ou Picasso. Coco Chanel, Derain, Satie et Gide dans un coin papotaient. Max Jacob et Pierre Reverdy, au bar… L’épicentre du Paris des années folles. On y rencontrait aussi le jeune Maurice Sachs, rêvant de conter sa vie Au temps du Boeuf sur le toit.
L'enseigne du bovin gambadant sur les tuiles rouges va briller sur les nuits de Paris, comme un symbole de fête avant-gardiste, un tourbillon de jazz lumineux. Les musiciens s'y retrouvent tard. Les nuits se déroulent en Jam Sessions interminables et les initiés se passent le mots. Très rapidement ils diront : " Tu viens taper le Boeuf ? Oui, allons donc boeuffer ".
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