La musique réserve parfois - souvent - d'improbables rencontres. Le métissage est l'essence de l’arborescence sonore, de ses bourgeonnements pullulants, de sa phosphorescente inspiration. Nous en avons de fabuleux instantanés ; parfois, ils sont invraisemblablement parfaits. Les passerelles se déploient en viaducs et convergent - indirectement - au même point de création. Sans étendards, le souffle régénérant d'une même et grande famille dépose l'emprunte de l'échange.
Si Paco de Lucia joue avec Wynton Marsalis, que Montserrat Cabballe chante avec Freddie Mercury ; si Gainsbourg enregistre à Kingston avec Peter Tosh et quelques Wailers pendant que l'anglais Joe Cocker fait ses débuts avec John Lee Hooker dans Free, Beer & Chicken ; si Ferré dirige Ravel, et si Peter Gabriel fait chanter Papa Wemba, tandis qu'Ornette Coleman invite Jerry Garcia alors, Stephane Grappelli pourrait tout à fait accompagner le groupe de rock psychédélique des Pink Floyd !
Le Guardian du 10 mai 2011 nous annonce la sortie prochaine d'une pléiade d'inédits du mythique groupe British. Plus de quatre décennies après qu'ils aient sorti leur premier album The Piper at the Gates of Dawn, des enregistrements des Pink Floyd, précédemment non dévoilés, devraient sortir à la fin de l'été en un coffret comportant cinq disques de rarities.
Après plusieurs conflits opposants le groupe et leur maison de disque EMI, Roger Waters, David Gilmour et Nick Mason – les trois membres restants – obtinrent finalement gain de cause en interdisant la vente d'inédits de façon individuelle via des sites comme iTunes.
Parmi les titres cachés, une version étonnante de Wish You Where Here, accompagnée par une longue improvisation du violoniste de jazz français Stephane Grappelli.
Ils s'étaient simplement rencontrés aux studios d'Abbey Road, à Londres, où ils enregistraient au même moment, cloisons contre cloisons. A cette époque Stephane et Yehudi Menuhin se retrouvaient dans leur projet Jealousy. A cette époque les Pink Floyd s'éclipsaient du côté obscur de la lune pour s'irradier dans la poésie d'un morceau fleuve, un planant hommage à Sid Barrett leur ami déchu, pour l'occasion présent en studio, chauve, obèse et tourmenté. Shine on you crazy diamond, ode acoustique de 26 minutes minutieusement découpée en deux parties, développe la thématique de l'absence. L'ouverture sonore, insufflée par la présence de Stephane Grappelli, témoigne toute l'originalité de cet enregistrement et l'étendue des possibles, justement déployés par la "machine" floydienne au milieu des années 70.
Nick Mason raconte que les membres du groupe sont allés saluer les deux géants du violon dans le studio, qu'ils ont proposé de jouer un morceau ensemble et, qu'immédiatement, Grappelli a participé aux sessions d'enregistrement du disque. Yehudi, qui n'était pas un improvisateur, est resté à l'écart, étonné par la mélodie de ce grand vacarme. Il a fallut restaurer entièrement cette session à la prise de son médiocre pour pouvoir l'offrir aux passionnés de musique. Pour Stéphane, coeur éternellement grand ouvert, ce fut une belle promenade initiatique... Une nouvelle corde psychédélique s'ajoutait à son archet de satin, au lieu de rencontre des langages, là où bruissent les possibles du partage.
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