Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

mercredi 22 juin 2011

MIKE BLOOMFIELD, l'ange noir du blues blanc.

Portrait d'un discret génie.


Le blues joué à Chicago, au milieu des 50's fut le berceau musical dans lequel grandit Michael Bernard BLOOMFIELD. Le roi Elvis et Scotty Moore, ses idoles, lui donnèrent envie de prendre une guitare. N'ayant manqué de rien durant son enfance, Mike reçoit son premier instrument lors de sa bar mitzvah. Immédiatement, il s'emploie, avec assiduité, à son apprentissage le plus poussé.

Il a treize ans et découvre une autre sorte de musique : la tinte inégalable de l'électrique blues, made in Chicago. L'enfant prodige explore, avec son ami Roy Ruby, la grande ville et sa belle musique. Véritablement captivé par les racines noires de la guitare, Mike se met à écumer les bars de la ville, en majeure partie ceux du South Side. Il fait le mur pour écouter Muddy Waters, Otis Spann, Howling Wolf et Magic Sam. Du Mississippi, beaucoup venaient à l'époque s'enluminer de Chicago Blues.

Pourtant très réservé, vivant dans une bulle de marginalité, Bloomfield prend toujours sa guitare quand il se déplace, essaye par tous les moyens de jouer. Comme s'il ne pouvait exister - ou plutôt  s'animer - qu'à ses côtés. Sa Gibson devint une femme dont il ne pourrait jamais plus se défaire. Alors, Mike grimpe sur scène sans rien demander, commence à jouer des riffs particuliers. L'étonnement général du public grimpe crescendo. Jamais Mike ne laisse un auditoire indifférent à son inspiration. Dans le South Side, le public choisit – avant les patrons – qui peut jouer ou non.
Tout de suite, il voulut Mike, peut importait s'il était blanc. Comme le Cygne, Bloomfield avait en lui une doublure de noir brillant. Il devint l'ange noir du "nouveau" blues blanc.

Quelques parias du quartier se découvrent des vues similaires, un simple désir d'accomplissement musical. Paul Butterfield, Nick Gravenites et Elvin Bishop font tous appel au jeu délicat de Mike qui vint tinter leur musique d'une goutte de jamais bu.

Au Pickle Fickle, le mardi soir, des bluesmen réputés animent les chaudes soirées. Sa rencontre avec l'harmoniciste Charlie Musselwhite accentue ses valeurs musicales, le recentre aussi sur l'étude des origines. La source, Son House, devient une icône inspiratrice. Mike se met ainsi à la recherche des musiciens oubliés... ceux qui ont forgé son oreille, ont guidé ses doigts. C'est comme cela qu'il se retrouve à jouer aux côtés de Sleepy John Eses, Yank Rachell, Little Brother Montgomery et qu'il enregistre avec Big Joe Williams, avec qui il immortalise PICK A PICKLE (au Pickle Fickle).

Lors d'une riche expérience à New-York City, Bloomfield ouvre son spectre artistique à la musique folk, faisant à l'époque sensation. Il enregistre ses premières sessions en 1964 et commence à se forger une élégante réputation East Coast. C'est à ce moment que Mike rencontre Bob Dylan, qui le considère immédiatement – et encore aujourd'hui – comme " le plus talentueux et sensible des guitaristes de tous les temps ". Highway 61 Revisited marque un tournant pour Bob ; pour Mike aussi. En 1965, sa résonance au Newport Folk Festival s'affirme comme un des évènements majeurs dans la carrière du folk singer, et de la musique moderne en générale. Le son, crûment électrifié, fait gémir les cordes torturées de Mike. Ils s'accompagnent, neufs et inspirés (le son pourrit, il est vrai) sous les huées féroces d'un publique de folkeux trahis.


Immédiatement, quand ses tympans rencontrent Bloomfield, John Haamond Sr. – légendaire producteur de CBS – décide de signer un contrat d'enregistrement avec le jeune prodige. Cependant, plusieurs pressages ne peuvent être publiés, le label ne sachant pas vraiment comment promouvoir un guitariste de blues blanc...

Michael ne tardait jamais trop loin de Chicago. C'est peu de temps après son retour de New York que Paul Rotchild, producteur du Paul Butterfield Blues Band, recrute Mike pour jouer de la guitare slide sur les enregistrements du tout début (Lost Elektra Sessions). Paul et Mike s'éveillent l'un l'autre. Leurs musicalités fusionnent et s'inspirent.
Toujours discret mais plus du tout anonyme, le jeu de Mike est d'une singularité inimitable. Il compose EST-OUEST, une fresque psychédélique, rehaussée de limpides improvisations, qui inaugure le deuxième album du Paul Butterfield blues band. Les initiés se passent le mot.

Une nouvelle façon d'envisager le Blues des origines prend forme. Lui aussi doit être métissé. Loin de constituer un pillage, le blues blanc de Chicago est un hommage fidèle à la musique des racines et, en même temps, compose son arborescente continuité. La musique des 60's à pour force première de s'émanciper des styles. L'éclosion se fait dans une époque de bourgeonnement musical et d'ivresse culturelle.

The Electric Flag Band

En quête d'espace et de créativité, Bloomfield quitte le groupe au début de l'année 1967. Il fonde alors THE ELECTRIC FLAG, avec ses deux amis de Chicago : l'organiste Barry Goldberg et le chanteur-compositeur Nick Gravenites. Le batteur Buddy Miles vient apporter son punch west coast et ses vocaux chaleureux. Une dimension soul est ajoutée au jeu de Bloomfield, qui synthétise dans ses cordes l'univers d'une époque cuivrée : le blues joyeux et sa résonnante continuité.

 Les années hippies. La vie en communauté. San Francisco, Summer of Love et sa grande famille hallucinée. Le groupe sort l'album A Long Time Comin' en 1968.

Leur première représentation, au Festival de Monterey, fait belle impression. Le style psychédélique, rockabilly et rhythm'n 'blues mêlés, est construit sur mesure pour l'attaque vengeresse de Bloomfield, toujours aussi minutieusement placée. Pourtant, la formation n'arrive pas à tenir. La gestion s'étiole. Des problèmes d’ego, de drogues, provoquent l'effilochage du "drapeau électrique".



Après avoir écumé de long en large le pays, Mike Bloomfield décide de mettre fin à ses fatigantes insomnies. Il s'installe à San Francisco et exécute plusieurs sessions en studios. C'est alors qu'il retrouve Al-Kooper (leader des Blood, Sweat & Tears) qui lui avait été présenté par Dylan, quelques années auparavant.

En 1968, ils enregistrent ensemble SUPER SESSION, aux côtés du chanteur-guitariste Stephen Stills (alors leader de Buffalo Springfield, puis membre de C.S.N.Y et de pilier de Manassas Band). L'album reçoit instantanément d'excellentes critiques et devient un disque de référence chez les amateurs de blues. Super Session est le résultat d'une jam enflammée, s'étant déroulée sur plus de neuf heures, sans discontinuer !
Seront extraits des bandes du magnéto, les cinq premiers titres du disque. Cet ambitieux concept est l'oeuvre du multi-instrumentiste Al Kooper, alors producteur chez Columbia.

De son côté, Bloomfield ne quitte plus sa GISBSON - une Les Paul Sunburst 59, rouge. Elle lui confère, dans un même temps, une énergie voluptueuse et vive. Le caractère improvisé de l'enregistrement apporte cette dose de prise de risques, cette attaque mordante, une tension dans le relâchement. Nous ressentons, par la proximité du recording, une connectivité instantanée qui s'établit entre les trois musiciens blanc, rejouant sur une autre ton la longue diaspora du Blues.

Le premier titre, Albert's Shuffle, donne le ton. Cette fresque psychée, composée par Bloomfield (tout comme His Holy Modal Majesty et Really), prend des allures de paradis enfumés. Cristal Kooper apporte une basse soutenue aux deux sons de guitares aériens de Stills et de Bloomfield. Harvey Brooke agrémente le swing de riffs cuivrés, si précisément rebondis.

Mike occupe une place de premier ordre sur la Face A. La deuxième partie est marquée par le jeu de Stills. En proie à des problèmes de santé diverses – en partie dues à une forte consommation de drogues –, Mike n'aurait pas pu finir l'enregistrement le jour même. Dans une face B plus pop, Stephen laisse parler librement son style.

Live Filmore West.
Le succès de cet album se prolonge, la même année, sur deux enregistrements live : The Live Adventures of Mike Bloomfield & Al Kooper, au Filmore West de San Francisco et The lost concert tapes 12/13/68, au Filmore East à N.Y.C. Il y a les soirs et les grands soirs. Ces deux concerts appartiennent à la seconde catégorie.





Quelques mois après Super Session, Mike Bloomfield renoue avec son ami de longue date, Nick Gravenites signant, sous son nom, MY LABORS. Certainement son aboutissement artistique, si l'on considère l'impeccable tenue de sa voix de gravillon, justement placée sur ses arrangements soigneusement composés. Le jeu de Mike Bloomfield double les vocalises de Nick. Il naît de cette union une musicalité épurée, d'une souplesse contorsionniste. Toute la magie du Blues d'où émane ce sentiment si particuliers, ce simple état de l'esprit qui existe avant de jouer. Cinq notes, parfois moins. De longues tenues jubilatoires. Des rugissements de lions affamés de villes et de femmes. Mike, guitare sous le menton, s'applique à regarder ses doigts filer la broderie sur frets argentés.




Au milieu des années soixante-dix, Bloomfield enregistre, sur de petits labels, un certain nombre d'albums de "blues traditionnels". Il conçoit également une méthode d'enseignement des divers styles du blues pour le magazine Guitar Player.

Malheureusement jamais bien dans sa peau, Mike manque des concerts, se replie sur lui-même, joue sans rien attendre... À l'été 1980, il fait une tournée en Italie avec le guitariste classique Woody Harris et le violoncelliste Maggie Edmondson. Le 15 Novembre 1980, Bloomfield rejoint Bob Dylan sur la scène du Théâtre Warfield (à San Francisco) où ils rejouent Like A Rolling Stone. La chanson, huée 15 ans plus tôt, emballe le publique dans un frémissement mélancolique.

Michael Bloomfield a été retrouvé mort dans sa voiture d'une surdose de drogue à San Francisco, en Californie, le 15 Février, 1981.



Discographie partielle


The Original Lost Elektra Sessions - The Paul Butterfield Blues Band (1964)
The Paul Butterfield Blues Band - The Paul Butterfield Blues Band (1965)
Highway 61 Revisited - Bob Dylan 1965
East-West - The Paul Butterfield Blues Band (1966)
A Long Time Comin' - The Electric Flag (1968)
Super Session - Bloomfield, Kooper and Stills (1968)
The Live Adventures of Mike Bloomfield and Al Kooper - Mike Bloomfield & Al Kooper (1969)
Fillmore East: The Lost Concert Tapes 12/13/68 - Mike Bloomfield & Al Kooper (1968, sorti en 2003)
Live At Bill Graham's Fillmore West - Mike Bloomfield (1969)
My Labors - Nick Gravenites (1969)
If You Love These Blues, Play 'Em As You Please - Mike Bloomfield (1976)
Live at the Old Waldorf (1977, sorti en 1998)
Analine (1977)
Mike Bloomfield (1978)
Between the hard place and the ground (1979)
Cruisin' for a bruisin' (1980)
A true soul brother (compilation de 2 disques) : if you love these blues, play'em as you please et M. B; / Woody Harris.
Don't say I ain't your man compilation des années 1964 à 1969, avec des inédits du P.B.B.B.

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