Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

mercredi 30 novembre 2011

IMPRO. au club : seul à plusieurs.

Bien d'autres, des plus habiles, l'ont, avant moi, écrit. Causer jazz c'est aussi jaspiner de rencontres. D'un verre et d'un cornet. D'une main sur un clavier. Des éclats de rires à contre-temps et d’acoustiques
 états-d'âme bleutés. Les mimiques des plus concentrés, l'abandon des décomplexés.

 Aller au jazz-club, c'est un peu comme se retrouver seul en plein milieu de Time Square. Tout est inconnu et sauvage tel un vertige pétrifié, tel une jungle de cristal dans un carton mâché. La mélodie s'entrechoque aux nuisances du quotidien et, pourtant, l'échéance tumultueuse de l'Instant, contribue – dans une certaine mesure – à sa grande création. Ça secoue drôlement au milieu de ce fatras, cet éclat de nuit vernis de songes ; sanctuaire païen pour nostalgiques visionnaires.

L'expérience du visuel a fondamentalement une incidence sur le ressenti. C'est curieux ; je ne l'ai vraiment compris qu'hier, à New York ou à Sète (je ne pourrais dire l'année). Auparavant, de mes découvertes musicales, je me délectais seulement par l'ouïe. De ses mouvements sur mon épiderme et ses folles insolences, de ses histoires sans visages qui n'ont pas de fin... Pourquoi aller voir un live en fermant les yeux, hein ? Je n'avais envie de voir ni de connaître le matériel. Les musiciens j'y pensais souvent après, quand le disque était déjà terminé et que l'écho langoureux du point d'orgue résonnait, en s'éloignant de mes tympans. Trop tard, leurs sons étaient déjà devenues miens.

Je me disais que les créateurs étaient simplement les passeurs de l'anonyme. N'existe-t-il pas pour chaque chose plusieurs beautés ? Le jazz n'est pas un être unique. Sa diversité annulerait presque le mot ; comme si cette musique avait voulu être plus ou autre chose qu'elle même.

Pourtant, jouer le blues originel, le chanter ou l'écouter, ensemble, c'est aussi le détourner de sa route solitaire. Son véritable salut pourrait résider à l'endroit de cette infinie liberté collective.

La musique semble avoir besoin de silences à plusieurs pour se reconnaître. Confronté à l'auditoire, sa pudeur abandonne l'éclat du récital partitionné pour livrer un état d'âme, une vérité. Le rythme visuel – une sorte de battement coloré – voit sa tonalité modelée par l'espace, la lumière, la forme, la texture et la nuance que l'on y met. On imagine souvent le jazz en noir et blanc. Ma photographie musicale épouse une palette multicolore, composée de faisceaux kaléidoscopiques ni blancs ni noirs, ou tout est en reflets.

Le même jour, au même lieu, deux sets ne se ressemblent jamais. Sans pare-feu, la somptueuse création, si soudainement accomplie, si immédiatement donnée, nous offre un bouquet d'émotions libres. Chacun reçoit ses propres illuminations. Les pèlerins voyagent où leurs esprits les guident. A choisir : un souffle éthéré de Nouvelle-Orléans ou l'écho satin de Scandinavie.
Smalls, NYC, Avril 2010.
Maintenant, lorsque j'écoute ...at the VanghuardBirdland ou New Morning, puis quelques jams au Stone, lorsque je m'absente sur les planches en pin de Juan, de Rio ou Tokyo, maintenant j'entends – sur l'enregistrement – le crissement des chaises en bois, l'effeuillement des billets, le tintement des verres entassés, accompagnant une rumeur d'ombrelle. Les odeurs de cuivres humides et de cuirs tannés. Le goût d'un moment passé, qui gouleille longtemps sur la glotte maltée. Des mains s'entrelacent, des doigts se délassent, il y a un fumet de nuit. Afin d'en distiller chaque arôme, d'en sublimer chaque humeur, nous avions tous les oreilles plus grosses que le ventre.
 Parmi les calmes et les excités, j'observais l’envoûtement du jazz, joyau sauvage, qui ne pouvait pas longtemps rester seul.

 Lyrisme écarté, après le concert : plus qu'une poignée. Les références et l'humour des musiciens donne envie de commenter, puis de se réserver, de laisser le hasard justement s'exprimer. La musique, en liant, fait surgir une vérité : l’incommensurable imagination de l'homme, de l'artiste uni à ses électrons, tout autour d'une émotion. Que j'aime aller au cinéma...

Je voudrais trouver les mots et leurs silences. La liberté dans la contrainte. Etre à la fois le vide et le plein liés. S'essayer, tout juste là, sans gommer. Seul à plusieurs dans ce club de jazz. Il y a tant de rêves à rêver les yeux ouverts. Jaune col traîne dans un coin.

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