La musique pleure la disparition de son Lord anglais, Sir George Shearing, ce lundi 14 février. Sur sa route, l’homme avait été immortalisé par la plume de Kérouac, figure divine de l’écriture improvisée. Dans la froideur polaire de New-York, une incandescente berceuse, agile et pétillante, plane en suspend.
91 années de vie, plus de 300 compositions (« 295 restent ignorées », disait-il avec humour).
Aveugle de naissance, sa musique était, par contraste, singulièrement visionnaire, palpable et descriptive. Son inspiration entièrement au service de la « simple » clarté musicale …
Sa patte c’était son toucher ; au cœur de ses compositions : la délicatesse. Il avait été inspiré par Fats Wallers et Teddy Wilson. Il aimait aussi le cuivre de la trompette courbée de Dizzy. Et par-dessus tout, les successions de claquements d’hanches de l’orchestre de Glenn Miller. Sa célèbre technique du « block chord » viendra sûrement de là. J’écoute ses amoureuses dissonances se superposer si mélodiquement. Guitare, piano en accord tendu, et vibraphone, tous trois conversant au même moment, sans discorde, comme dans une toccata de Bach. Ses compositions conjuguaient avec harmonie les empreintes du swing, du bebop avec celles des pianistes-compositeurs européens, russes, du début de siècle.
Né dans une famille ouvrière de Londres, il débuta le piano dès l’âge de 3 ans. Ses dispositions auditives et son inspiration mélodique furent tout de suite décelées. Il joua alors dans les pubs du quartier avant d'entrer, dans les années 1930, dans un orchestre d'aveugles, puis de toucher un public plus large par la radio.
De 1935 à 1943 il avait joué avec Stéphane Grappelli et Django, à Londres, en Europe. Puis il avait émigré aux Etats-Unis en 1947, pour ne plus partir. Très vite, il y avait monté un célèbre quintet, comprenant notamment vibraphone, basse et guitare. Son premier succès. La reprise de September in the rain.
L'écriture musicale lui est facile. C’est en l’espace de dix minutes que son imaginaire transposa en musique une vision de « la terre des oiseaux ». Un standard chanté, joué, sifflé… par tous. Lullaby of Birdland. 1952… Un accident – un de plus ! – de l’histoire du jazz. Expérimentés ou novices, quel musicien ne s’est pas, un soir, amusé avec cette swinguante mélopée. Ella la faisait tellement bien, comme si la chanson était dans sa nature depuis toujours !
« Dans les années 50, George Shearing a ouvert une voie nouvelle pour moi comme pour d'autres, je pense notamment au Modern Jazz Quartet. Même les pianistes d'aujourd'hui ont une dette envers lui » confie Dave Brubeck. En effet, le George Shearing Quintet imposa un son nouveau, qui fut l'annonciateur visionnaire du Modern Jazz Quartet, entre autre. Cette manière cool de prolonger la fièvre du bebop sera sublimée dans le phrasé de Bill Evans.
Ce n'est qu'en 1978 qu'il se résolut à dissoudre son Quintet (qui garda ce nom malgré l'ajout d'un percussionniste), près de trente ans après ses débuts. Au cours des trois dernières décennies, il s'illustra particulièrement dans des duos piano-contrebasse et des faces à faces piano-piano (entre autre avec le regretté Hank Jones).
Avant de voir sa santé trébucher, il était revenu en 2004 avec une autobiographie de qualité : Lullabies of Birdland, bande son d'une vie d'artiste.
Sa musique si délicate avait séduite Frank Sinatra, Peggy Lee, Mel Tormé, Nancy Wilson, ou Carmen McRae. Ils s’étaient tous essayés à déchiffrer son certain regard du jazz. Je pense à cette beautiful friendship enregistrée en 1961. La voluptueuse voix de Nat King Cole enrobe l’appétissant piano au sucre cristallin. Sa recette idéale pour être un bon musicien était « un bon public, un bon piano, un bon feeling, ce qui n'est pas tous les jours le lot de tout un chacun ».
Loïs Ognar.
ON THE ROAD.
“[…]The place was deserted, we were the first customers, ten o’clock.
Shearing came out, blind, led by the hand to his keyboard. He was a
distinguished looking Englishman with a stiff white collar, slightly beefy,
blond, with a delicate English summer’s night air about him that came out
in the first rippling sweet number he played as the bass player leaned to
him reverently and thrummed the beat. The drummer, Denzel Best, sat
motionlessly except for his wrists snapping the brushes. And Shearing began
to rock; a smile broke over his ecstatic face; he began to rock in the
piano seat, back and forth, slowly at first, then the beat went up, he
began rocking fast, his left foot jumped up with every beat, his neck began
to rock crookedly, he brought his face down to the keys, he pushed his hair
back, his combed hair dissolved, he began to sweat. The music picked up.
The bass player hunched over and socked it in, faster and faster. It seemed
faster and faster, that’s all. Shearing began to play his chords; they
rolled out of the piano in great rich showers, you’d think the man wouldn’t
have time to line them up. It rolled and rolled like the sea. Folks yelled
for him to “Go!” Neal was sweating; the sweat poured down his collar.”There
he is! That’s him! Old God! Old God Shearing! Yes! Yes! Yes!” And Shearing
was conscious of the madman behind him, he could hear every one of Neal’s
gasps and imprecations, he could sense it though he couldn’t see. “That’s
right” Neal said. “Yes!” Shearing smile ; he rocked. Shearing rose from the
piano dripping with sweat ; those were his great days before he became cool
and commercial. When he was gone, Neal pointed to the empty piano seat.
“God’s empty chair” he said. On the piano a horn sat; its golden shadow
made a strange reflection along the desert caravan painted on the wall
behind the drums. God was gone; it was the silence of his departure… ».
Jack Kerouac.
Pourquoi JASS ?
Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.
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