Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

vendredi 16 septembre 2011

Le ravissement de LONNIE L. SMITH et ses Cosmic Echoes.

Lonnie's Lament.



Invitation à la méditation tropicante, en chute libre, aux roucoulements fiévreux d'une sieste estivale, à l'harmonie des sens, jusqu'au frisson, caressés d'un revers de vent. En son épiderme salé, la musique de Lonnie déverse ses vaporeuses lamentations sucrées. Elles sont mélancoliques et solitaires ; tristes jamais. Elles se répandent dans les interstices, envahissent suavement les murs de béton craquelés et chantent, comme des lierres vivaces, en déversant leurs moussons rainbow. Cavalent, en cascade, catapultent leur crinière de cobalt carmin.

Psychédélique, son jeu en grande nappes sonores, étendues fraîchement sur l'herbe, à l'horizon, sert le ressentie avant la prouesse. L'élégance de la rondeur, des respirations, est au service seul de l'émotion, ternaire et obnubilante. Ciselé au millimètre, son indéfectible goût de l'arrangement fera de Lonnie l'icône cachée des seventies.


Camarade de classe de Gary Bartz, il commence sa carrière dans la région de Baltimore, encore jeune adolescent, aux côtés de Betty Carter ainsi que des Supremes. Puis, il intègre, au début des années 60, l'illustre band des Jazz messengers d'Art Blakey. Max Roach et Rahsaan Roland Kirk seront également parmi ses premiers compagnons de jeu.
En 1968, sa carrière bascule lorsque Pharoah Sanders le demande pour ses premiers enregistrements solos. A ses côtés, Lonnie Liston Smith fera l'initiation d'un nouveau son, lui permettant de graver les plus belles pages musicales du mystique saxophoniste, encore tout envoûté d'une intense aura coltranienne (Thembi, Karma, Creator has a master plan, Summun, Upper Egypt...).


Un paysage harmonisé d'émotions purement sensorielles, aussi désertiques qu'amazoniennes. Le chant mélodique, fluide et mystérieux sert toujours l'osmose du climat. Inspiré d'un noir anthracite à la mode Soulage – un échantillon de couleurs dégradées – nous entendons, selon nos (dis)positions, ébène ou vermeille. Le mot "fusion" rencontre ici son sens premier. Kaléidoscopique, l'émotion dérive sur le cours d'eau sauvage ; tantôt en cascades tantôt en touches d'huiles paisibles. Un bourgeonnement incandescent filtre, par delà nos beaux tympans, l'éclosion solaire. En dedans ; il se cristallise des rayons de miel bruyère, quelques chants volatiles en réflexion, un mélodieux carambolage de pétales rosés.

Love is the answer. En balançoire, son style singulier, vif et profond, syncrétise l'ensemble des musiques afro-américaines depuis le blues rural jusqu'à sa soul primitive, puis son funk électrifié. Maestro du vide, équilibre Lonnie nous (pro)mènent à la concentration qui provoque l'oublie. Ce dont on ne se souvient pas révèle, parfois, ce qu'on ne peut oublier... Quand d'autres en étaient au Black Power, lui, sa musique ne protestait pas, ne levait pas du poing. Elle évoquait simplement le monde. Nous rappelait son originelle beauté.


Début 70, Miles Davis vient le chercher pour jouer sur On The Corner et Big Fun, certainement l'un des plus étonnants virages de sa carrière. « C'était la première fois que j'ai jamais vu un tel instrument », a déclaré Lonnie, « Ce Fender Rhodes était intimidant. Puis Miles m'a donné deux nuits à apprendre comment faire de la musique sur "la chose". Miles aimait introduire de nouveaux sons, d'une façon toujours surprenante. Voilà comment il a produit l'innovation d'une musique fraîche et libre ».

Nouvelle envolée pour Lonnie qui enregistre, dans la foulée, avec Gato Barbieri, Fenix et Under Fire sur le label Flying Dutchman de Bob Thiele. A cette occasion, il se produit avec Ron Carter, Stanley Clarke, Airto Moreira, Nana Vasconcelos, Bernard Purdie et John Abercrombie.

Ainsi, Bob Thiele lui offre en 1973 sa première opportunité d’album solo : il forme alors les Cosmic Echoes avec son frère, le chanteur Donald Smith. Il enregistre Astral Travelling (titre qu’il avait précedemment écrit avec Pharoah Sanders). Parmi ses musiciens, on retrouve James Mtume, Cecil Mc Bee et Joe Beck.

En 1975, Expansions propulse l'univers de Lonnie Liston dans un impressionisme smoothie tinté de voodooisme afro. Subtile mélange de jazz et de classissisme européen ; de paisibles promenades, ici -là, cadencées de pulpeux groove girons.
"Le reflet d'un rêve en or" pétille à la tête et s'évapore, tout doucement, dans une langoureuse aspiration. Son piano cristallin diffuse le champagne de l'ivresse ; laisse une trace opaque sur le regard lydien et ses inhabituelles perceptions stellaires.

L'harmonie des planeurs, les ailes libres sans moteur, épouse le vent, le tempo mesuré de ses courbures, espièglement démêlées. Le temps du spasme avant le fade, en élévation, notre esprit tourbillonne et s'oublie. Cyclone pacifique, dans les cheveux longs enrubannées : manque pas d'air ! Le sentiment libéré de pouvoir chevaucher dans toutes les directions, au galop dans sa tête.

Lyrisme exacerbé, brillance des cuivres méditatifs, cornes d'abondance au souffle long, les énigmatiques colorations électriques, entendues sur la musique de Lonnie, définissent le son d'une époque. Astrale transformation, le Fender Rhodes nappe de dentelles brodées le défilé exotique d'un saxo débridé, à feu et à sang.


Ce paysage, comme une fresque naturaliste – un sinueux labyrinthe cérébral – a une fin dicté par l'horizon. Ses bordures posent le cadre d'une oeuvre aux mensurations démesurées ; pourtant presque vide à l' intérieur. Les quelques touches de couleurs sont si précisément disposées qu'un seul élément ajouté donnerait une impression de trop.












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