Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

samedi 28 mai 2011

RENCONTRE VII - Un diner avec LARRY PAYTON & "THE C.F.M"

Avant propos.

J'avais, à plusieurs reprises, rencontré C.F.M. "The Crazy French Men" l'avait on nommé, lors de son arrivée à New York. Je le connu simplement, sous le nom de Reynald Deschamps. Crazy mais pas fou. Il m'avait été présenté comme l'une des plus importantes personnalités françaises oeuvrant pour la black music américaine ! Collectionneur, DJ, disquaire, producteur, auteur-compositeur, Reynald a porté toutes les caquettes. Son credo c'est la soul music, le rythme n'blues, la funk. C'est après avoir pris connaissance de son parcours hors du commun, que je comprenais comment et pourquoi ce boulimique de musique noire avait fait de New York son domicile.
Il fonde, au début des années 2000, une nouvelle compagnie : WAY TO MOVE USA. Épisodiquement, nous nous transmettons des clins d'oeils musicaux. Reynald me tient au courant de son actualité.
(cf. http://www.wegofunk.com/Interview-Reynald-Crazy-French-Man-Deschamps_a755.html).


Le glas final du séjour a – tristement – sonné. Je m'en vais. Moins loin que Gil Scott Heron qui s'est malheureusement volatilisé, hier matin, à l'âge de 62 ans. Les départs serrent les gorges.
Mon quotidien dans le quartier d'Harlem me donne envie de me replonger, au cours de cette semaine solaire, dans les foisonnantes musiques soul-funk ayant émergées au début des années 70. Je m'achetais le premier vinyl de MADRILL et me rendais compte qu'en ces temps, chaque semaine, un nouveau hit de qualité sortait dans les chart. De partout, des groupes se formaient. La qualité des productions et des concepts musicaux, de toute évidence, ne peuvent que laisser sans voix.



BRASS CONSTRUCTION & B.T. EXPRESS : la Funk des 70'S toujours en marche -
THE WAY TO MOVE : un label qui grimpe.


Le hasard fait les choses, on essaye de capter le bien. Je reçois un message m'annonçant la possibilité de rencontrer LARRY PAYTON, batteur d'origine et compositeur d'un groupe Funk légendaire : BRASS CONSTRUCTION. J'avais appris leur venue en France, au mois d'avril dernier. Deux concerts au New Morning, un autre à Monptellier. De l'autre côté de l'Atlantique, je débriefais avec l'artiste et son producteur, une bulle de bonne humeur tout autour en suspend.

Le quartier de Greenwich Village fut le terrain de notre rencontre, une soirée, sur la terrasse des premières chaudes journées de mai ; un simple restaurant mexicain. Nous abordèrent diverses sujets de discussions. L'amour de la musique fit le liant.




Cher Larry, pour présenter votre travail au public français, commençons par vos débuts. Vous êtes l'un des membres d'origine du groupe BRASS CONSTRUCTION. J'ai entendu parler de votre première formation, DYNAMIC SOUL, formée à la fin des années 60 à Brooklyn, votre quartier d'origine où vous vivez encore actuellement. Vous avez commencé la musique très jeune. Pouvez-vous me remémorer cette période ?

J'étais simplement étudiant à l'école Georges Gerswhin Jr. et je n'avais qu'une seule et unique idée : monter un school band. C'est mon beau-père qui m'a offert une batterie quand j'étais tout jeune adolescent. J'ai commencé à jouer dans les églises de Brooklyn. Je ne quittais jamais ma batterie, l’emmenais chaque jour à l'école. Je m’entraînais dans un auditorium. Il n'y avait qu'une grosse caisse, une cymbale, une caisse claire et un tome, pour que je puisse la déplacer. Et c'était partit ! C'est à ce moment que j'ai rencontré Randy Muller, qui était dans la même école. Nous avions des goûts en communs, adorions la folk musique. Il s'est mis au piano et nous avons joué des standards. Tout de suite, c'était d'une façon particulière, libre.
Nous deux et Wade Williamston, nous avons formé DYNAMIC SOUL. Nous étions trois mais une flopée de musiciens s'est peu à peu greffé, des cuivres, d'autres instruments. Tout le monde chantait. Il y avait Maurice Price, Mickey Grudge, Sandy Billups, Jesse Ward... C'est devenu rapidement une sorte de collectif. Des jeunes femmes venaient aussi chanter les chorus. Nous étions environ 14 ou 15 musiciens qui nous retrouvions régulièrement.

Pourquoi avoir changé de nom ? BRASS ("laiton" en français) renvoie aux cuivres. Comment est-ce venu ?

A un moment nous étions trop nombreux pour faire un groupe. Jeff Lane, le producteur, m'a présenté le Label Docc. Il nous a fait savoir que nous devions changer de nom. Nous avons choisi BRASS, évidemment parce que nous avions cinq cuivres dans la formation. On m'a proposé Brass Construction. Je n'aimais pas au début. Mais la première maison de disque nous ayant signé trouvait que l’appellation était excellente. C'est resté.


Votre recette était simple. Vous avez appelé vos quatre premiers disques simplement par des numéros. Le succès arriva très rapidement. Dès le volume ONE, ce fut un énorme succès. Chaque titre est devenu un hit. Tous ont été samplés par les nouvelles générations. Comment pouvez vous expliquer l'engouement du début ? Ce premier disque est-il encore pour vous le meilleur produit de BRASS ?

Je peux expliquer le tout début, qui permet de comprendre la suite. La recherche de notre musique remonte avant BRASS et ce tout premier disque. Nous étions tous très jeune à l'époque, 13-14 ans environ. Nous nous retrouvions le week-end pour des jams et n'arrêtions pas de jouer. Nous avons commencé avec du jazz. Mais les maisons de disques nous conseillaient de jouer du Rythm n'blues et de la soul plutôt que du jazz qui – à ce moment là – ne ce vendait pas bien. Nous avons alors commencé à répéter, des heures durant, sur des standards de soul que nous modifions. C'est comme cela que notre propre son est apparu. Les reprises s'altéraient, nous nous sommes vite mis à écrire nos morceaux.

C'est l'histoire de votre tube, MOVIN', qui fut numéro un des charts R'n'B, dès sa sortie. J'ai entendu dire que le titre fut écrit au cours d'une longue jam, enregistrée à l'origine, sur plus de 20 minutes.

Initialement, nous étions dans le studio, sur la 34e rue, pour enregistrer CHANGIN'. Randy et Jeff étaient en retard. Nous nous sommes mis à jouer, en les attendant. Quand Jeff est arrivé, il nous a demandé ce qu'on jouait. Il adorait. "Il faut qu'on joue ce titre aujourd'hui", dit-il. Randy a fait son entrée nous à dit : "qu'est ce que vous jouez, les gars ?" et nous avons continué. Naturellement, il s'est installé au clavier à s'est mis à "slammer" sur les touches. Il n'y avait aucune structure de base, aucun arrangement, juste de l'impro. Le son du clavier nous a porté de plus belle. A cet instant la jam est devenue un hit.

Au final, le morceau ne fera que 8 minutes , ce qui est énorme pour l'époque. Déjà on demandait des morceaux calibrés pour les sorties radios.

Si le morceau a pu être aussi long sur le disque c'est parce que la production l'aimait comme cela. Elle savait que ça deviendrait un hitFrankie Crocker de Radio WLS était le premier à le programmer. Tout le monde a vite suivit. Nous ne pensions pas aux règles du business, jouions simplement. Ça a bien fonctionné. Nous étions le premier groupe à vendre 75 000 copies d'un hit en une semaine. Tout le monde nous demandait MOVIN'. Aujourd'hui encore...



Nous savons tous combien la rythmique est primordiale dans la funk music. En tant que co-auteur et compositeur du groupe, comment faisiez-vous pour créer vos titres ? Commenciez vous par la mélodie ou par le rythme ?

Toujours par la rythmique. Le vrai secret c'est la lignes de basses ; tout partait de là. C'est la même chose pour beaucoup de musiques. Certains standards de jazz étaient composés de cette même façon. Quand tu as le rythme, tout découle simplement...

Larry se met à chanter en claquant des doigts pour me montrer. Une simple ligne vocale définissant un rythme tenu. Il commence à improviser vocalement sur cette structure sans sortir de sa ligne rythmique qui le conduit. Puis il enchaîne...

Parfois ce sont également les mots qui donnent une énergie musicale et qui font partir un morceau.


Quels sont vos liens avec les musiques black des origines, le blues et le jazz ? En écoutez-vous à la maison ?

Sincèrement, j'écoute toutes sortes de musiques, pas seulement de la black music. Franck Sinatra est le chanteur que j'aime le plus. J'adore Chicago Authority Transit... Je n'ai pas de règles. Ce qu'il y a de bon c'est la diversité, n'est ce pas ? Je n'aime pas les catégories. Elles n'ont pas été inventées par les musiciens, j'en suis persuadé.

Pourtant, aucun musicien ne vient de nul part. Chacun a besoin de trouver ses références, ses racines, de développer une initiation, pour trouver sa propre voie. Ce qui ne veut pas dire qu'un européen ne peut pas jouer d'afro-jazz. êtes-vous d'accord avec cela ?

Tout à fait. Nous voulions "reconstruire" la musique que nous aimions. Une chose est sûre : tu ne peux rien faire sans identité. La notre, nous la trouvions dans la funk, parce que cette musique nous ressemblait. Mais j'écoute plus d'autres musiques que de funk. Le fait d'avoir commencé, avec ma mère, dans les églises a eu une influence de taille sur ma façon d'envisager les sons, le rythme, la manière de chanter également. Mais, je me rappelle avoir voulu, déjà à l'époque, jouer d'autres choses, changer les structures. Je me faisais bien réprimander car ce n'était pas ce qu'on me demandait.

Quelles étaient vos références à ce moment concernant la batterie ? Avez-vous, grâce à cet instrument, développé une conception de la mélodie ?

J'adorais Buddy Rich, Billy Cobbham, bien sur, et puis John Bonham, le batteur de Led Zeppelin. Mais c'est quand j'écoutais les solos de drums dans la musique de Gerswhin que j'étais en transe. C'est avec cette musique que la batterie est devenue autre chose que le rythme basique. Le sens mélodique est essentiel dans ma conception de la batterie. C'est vrai, la basse est véritablement un instrument pilier pour notre musique. Je dirais penser aux notes de la basse quand je bas la rythmique.

En même temps, la funk music nécessite une véritable rigueur qui se place ailleurs que dans celle du jazz. C'est un travail énorme sur la construction des structures, le liant entre groove et harmonie. La place donnée à l'improvisation instrumentale s'inscrit dans une autre démarche. Je pense à James Brown, aux Temptations, à tous ces groupes ayant modelé une école musicale identifiable par leur rigueur...
Le plus dingue est que vous arriviez à en faire quelque chose de drôle, de distrayant, de fluide. Tout est mis en avant, sauf la difficulté d'exécution des morceaux. Un dur travail de la simplicité pour l'émotion, êtes-vous d'accord ?

C'est exact. Notre musique nécessite beaucoup de travail concernant la répétition des cellules musicales. C'est pourquoi je n'ai jamais manqué une seule répétition, c'est une promesse. Chaque membre du groupe avait cette discipline. D'autre part, pour la musique, en générale, et pour la funk en particulier, il faut faire travailler sa mémoire ; c'est essentiel. J'ai toujours eu une excellente mémoire, elle m'a énormément servie dans mon parcours musical.
James Brown est l'exemple parfait, l'un des initiateurs. Il mettait ses musiciens à l'amende quand ils oubliaient une partie ou se trompaient dans les rifs, tout le monde le sait. J'ai rencontré la plupart de ses musiciens, ceux des débuts aussi. Tous disaient : "James nous tue". 15, 20 fois, peut importe, il faut la perfection.

Aviez-vous à cette époque, comme certains groupes de Soul&Funk, un message politique à transmettre à l'intérieur de votre musique ? Je pense, par exemple, à votre titre POWER TO PEOPLE.

Je pense tout simplement, et depuis toujours, que tout le monde est pareil. Parfois pour provoquer des copains je leurs dit : "je suis noir à l'extérieur et blanc dedans". Ça met les choses au clair. Plus sérieusement, je me sens une humanité universelle. Je n'ai pas ce sentiment d'appartenance à la communauté black plus que tout autre chose. J'attends du respect et de l'ouverture d'esprit, c'est tout.
Je n'ai jamais véritablement voulu rentrer là-dedans. Je ne mélange pas les choses. J'étais là simplement pour jouer, me faire plaisir, donner du bonheur à ceux qui nous écoutaient, voilà. C'est une "positive music". Je n'aime pas non plus les paroles sexistes, uniquement axées autour d'allusions dégradantes. Nous n'avons pas besoin de demander au public de "bouger ses fesses".

C'était également une mentalité de cette époque. Ça explique aussi pourquoi BRASS CONSTRUCTION est un incroyable groupe de dance floor mais surtout une formation qu'il faut voir en Live. Beaucoup de choses prennent formes sur scène. Ce n'est pas seulement de la musique, c'est une expérience. Vos chorégraphies, les costumes... C'est une musique pour les yeux. On pense aux Comodores à Parliament-Funkadelic, fondé, un peu avant, dans le New Jersey ou à Earth Wind & Fire, qui eux venaient de Chicago ?

C'est juste, on nous compare tout le temps. Ça ne me dérange pas. Nous commencions à la même époque avec Earth Wind & Fire, et nous avions, plus ou moins, la même vision de la musique. Ce que j'aime, avant tout, c'est que tout le monde passe un excellent moment en dansant. Je ne rejette pas l'image festive associée à notre groupe. Nous n'avons fait que 10 albums et continuons à remplir les salles. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des remises en question, des évolutions dans notre musique. Si je prends toujours du plaisir à le faire c'est qu'à chaque fois le public est différent et qu'il m'entraîne dans une autre dynamique. Ce sont majoritairement les jeunes générations qui viennent nous voir et qui dansent !
Dernier concert au NEW MORNING Paris - Avril 2011

Qu'en était il en France ? Vous revenez juste d'une tournée, c'est elle bien passée ?

Ce n'était pas la première fois que nous allions jouer en France. Il y a quatre cinq ans déjà, nous avions fait le Bataclan, puis le New Morning ; j'avais été vraiment charmé. L'expérience était fabuleuse. Les salles étaient remplies, c'était bien. Et puis les françaises sont tellement belles !



Ressentez-vous de grosses différences entre la production actuelle et celle de vos débuts ?

Mon sentiment est simple : je peux aujourd'hui ne rien toucher sur un disque. Le marché a véritablement changé, l'industrie du disque également. L'argent est au centre. Nos disques se vendent toujours mais le nom de BRASS CONSTRUCTION appartient à pleins d'autres personnes que moi. Concernant la production musicale en générale c'est très différent de ce qui se pratiquait dans les années 70. Les professionnels prenaient plus de risques.
Étant donné que la musique est une obsession quotidienne, je m'arrange avec les changements. Pas à un seul moment je n'ai pensé faire autre chose. C'est un merveilleux moyen de communication, il permet de partager tant d'émotions.

Avez-vous, en marge de BRASS, des projets personnels dont vous voudriez parler ?

Oui. Je voudrais parler de MARK RADICE. Nous avons fait un album ensemble, je tiens à notre affection et à notre relation artistique. Dites au gens d'allez sur le net écouter ce qu'il fait. J'ai aussi joué avec RAPHAEL CAMERON dans les années 80. A part ça nous faisons tout le temps des gigs, en famille élargie.


Thank you Larry. J'espère ne pas vous rater lors de votre prochain concert...
Reynald Deschamps et Larry Payton

















mardi 24 mai 2011

Washington : la musique D.C., là.



" Symbole de la démocratie coincée contre la côte
Maison du dehors, bureaucratique, entourée d'un fossé,
Les citoyens de la pauvreté sont à peine hors de vue.
[...]
Ne pas avoir l'éclat ou le glamour de Los Angeles
Peut être pas l'histoire ou l'intrigue de Pompéi
Mais quand il s'agit de faire de la musique, et bien sur de la nouvelle,
ça semble être une boule de contradictions [...]
Entre les gens qui vont et viennent et l'un qui dois rester,
[...]
C'est une masse d'ironie pour tout le monde à voir
C'est la capitale du pays,
C'est Washington D.C."
-
GIL SCOTT HERON.


Bob Dylan fête aujourd'hui ses 70 ans. Je revois sa photographie, prise en août 1963, aux côtés de Joan Baez. AMERICA chantaient-ils, voix dans la voix, Diamants et Rouille, sur l'esplanade du Lincoln Memorial Center.

Quelques jours à Washington D.C pour prendre la mesure d'un autre état z' unique. Il n'y a que trois heures de routes qui s'éparent NYC de la capitale fédérale. Trois heures et deux univers aux charmes paradoxaux. Venez-y voir, vous, les planeurs assoiffés de ciel écaillé.

New York, la verticale, prend à la gorge. District of Columbia, c'est une autre histoire. Aux antipodes, la douceur de l'horizontale Washington, déploie sa grandeur par l'intellect. Car ici, des dizaines et des dizaines de musées sont gratuits... un bon parti prix. Même dans les rues, il me semble assister à une expo trompe l'oeil de Julian Beever.

Ce qu'il faut dire surtout, c'est qu'ici, l'architecture est miniaturisée. Enfin, j'me comprends. Par rapport à l'autre cité Gulliver, on se sent retrouver des proportions mesurées. D.C ne dépasse guère les 20 pieds (6 mètres, vous voyez). Elle a été dessinée par Pierre Charles L'Enfant, ce vieux français à l'imaginaire oblique, qui n'aimait pas jouer aux damiers.
Washington, son histoire, celle de l'autre côté de la rive ; Washington, ses moeurs de grandeur pentagonique ; Washington, plus capitale mais tout aussi capitaliste.
Les artères sont blanches au nord, les veinures ont le sang noir au sud. Deux grands axes obliques séparent ce beau gâteau américain en quatre parts parfaitement inégales. Des petites drapeaux rouges et bleus étoilés sont, au milieu des jardins roses au carré, fièrement plantés.


On aime s'y promener. A Georgetown, en haut de la colline, nous prenons la mesure d'une richesse indétrônée. Celle d'un sentiment, plus que d'un symposium, celle d'une idée aux allures de congrès. Toute de propreté, bien rangée, on affirme ici – sans s'en rendre compte – la culture d'un modèle qui irrite quand on ne l'a pas encore foulé. Les règles sont strictes. Pas de cendriers. Où est donc passé l'élégante statue de la Liberté ? Immuable, enflammée sur son île, toute esseulée, le bras droit grand levée, l'orgueil coquin qui éclaire encore (je crois) ce monde perpétuellement en train de bouger.

Chaque morceau du gros gâteau, chantilly sur lit chocolaté, a sa propre musique, sa recette secrètement gardée.

D'un côté, il y a le NATIONAL SYMPHONY ORCHESTRA : grandeur sonore du pays, fondé en 1931 par Hans Kindler, résident au Kennedy Center. Il demeure l'une des plus prestigieuses formations classiques au monde. Berstein, Shostakovitch, y sont en ce moment célébrés. Avec Antal Doráti, l'orchestre a immortalisé la totalité des ouvertures et des poèmes symphoniques de Tchaïkovski. Un symbole d'une paix chaude en ces temps anciens de guerre froide.
Toujours de ce côté, le United States Marine Band, avec son éternelle icone, John Philip Sousa, dirigeant le plus ancien groupe de musique des Etats Unis ; celui-ci formé en 1798, avant même la fondation de la ville.


Alors que, de l'autre côté, on parle un langage altéré, à l'image capitale d'une nation métissée. D.C est aussi une ville qui jazz. A bon ? Mais oui. Il y a tellement d'histoires à raconter...
Le ragtime du lituanien Claude Hopkins, l'interprète de vaudeville Al Johnson et surtout Lilian Evans Tibbs, ce célèbre chanteur d'opéra ayant été le premier africain à exercer son métier en pays étranger. Jelly Roll Morton de Nouvelle Orléans vient, lui aussi, à D.C pour s'y installer. Souvent il va jouer, au milieu des années 30, au club Jungle Inn. Billy Eckstine, Jimmie Rodgers, Pearl Bailey, mais aussi la légende du rock, Bo Didley, y avaient tous leurs foyers. A Washington, il y avait également Todd Duncan, le premier chanteur qui ai joué le rôle principal de l'opéra Porgy and Bess. Puis, vint le temps de Duke Ellington, le pionnier. On peut y voir, aujourd'hui encore, l'héritage de son Ecole des arts, fondée en 1974.

Que venaient-ils tous chercher ? La proximité d'un pays disloqué ?

Il y a les natifs. Buck Hill ; puis Charlie Rouse, le sax de Monk, Billy Hart, le subtile cogneur, Ira Sullivan, le multi instrumentiste et le baryton bopper, Leo Parker. Billy Taylor y est également né, y a longtemps joué, a curieusement préféré les charmes cachés de D.C à ceux de la célèbre, mais trop bruyante grande soeur, NYC. Je me souviens surtout de l'incroyable album de Shirley Horn, The Main Ingredients, réunissant dans son salon de Washington, une poignée d'amis inspirés. C'est certain, j'en reparlerais.

Puis, il y avait le jazz fan Ahmet Ertegun, émigré de Turquie, qui vint y fonder, en 1947, le célèbrissime Atlantic Record. C'est d'ailleurs à D.C qu'est curieusement gravé, en 1962, le JAZZ SAMBA de Stan Getz avec Charlie Byrd.

Tout ce beau monde venait se retrouver dans les bars de U STREET, couloir en fer à cheval du quartier Nord Ouest. Havre du jazz, on retrouve le célèbre Bohemian CavernsRamsey Lewis enregistre, un soir de 1965, son In the crowd.
Un peu plus loin nous nous faisons prendre par l'écho du Blues Alley, celui du Twins jazz ou du Club Embers.


Moi, j'avais décidé d'aller voir le HR-57, tout nouvellement déménagé dans un quartier populaire de la capitale. Pour l'histoire, ce nom barbare fait référence à une circulaire adoptée, en 1987, par la Chambre du Congrès. Cette dernière désignait le jazz comme "un trésor rare et précieux de la nation américaine". Dans ce HR-57, des ateliers de formations, des conférences, des expositions sont organisées. Chaque soir, des performances d'amateurs et de professionnels sont libres d'accès.


Et puis, dans quelques jours, du 3 au 5 juin, va se dérouler la dix- neuvième éditions du Capital Festival In D.C. Instauré en 1993, cette manifestation a pour objectif de redinamiser le jazz de Washington et de rythmer, le temps d'un long week end, les allées blanches aux sonorités black d'une culture toujours extrêmement populaire.
Herbie Hancock, George Duke, Marcus Miller et David Sanborn seront chargés de l'ouverture des hostilités. Nathalie Cole, Boney James ou encore Jonathan Butler sont, entre autres, chargées de la deuxième journée. Le Larry Graham Central Station viendra cloturer l'événement. Chaque soir, des jam sessions seront, un peu partout dans la ville, organisées. Amis touristes, à vos carnets...

D'ici à D.C., toutes les musiques black en lettres capitales sont représentées. La soul de Marvin Gaye, vers le milieu des années 60, est, pour la première fois, commercialisée. Washington commence alors à developper ses propres sonorités. Roberta Flack chante Killing me softly et lance un nouveau genre qui fait mouche.

Au milieu des 70's, Washington est aussi le terrain de création d'un style unique que l'on appelle GO-GO. Sa formule caractéristique combine avec sublilité les sonorités du funk aux rythmiques brutes des percussions, au dessus desquelles l'on se plait à rapper. On a envie d'y danser. On stage, des questions sont, dans le flow, posées. Dans la fosse, les réponses sont énergiquement scandées. Rare Essence, Trouble Funk, Experience Unlimited font alors parler de leur musique endiablée.


Alors pourquoi New York City me manque-t-il déjà ? Je dois vite y retourner, je crois. J'en ai pas forcément besoin mais, comme toute drogue, il y a accoutumance. Allez, rien qu'une semaine encore. Après, c'est promis, j'arrête. Jusqu'à la prochaine fois... D.C m'a un moment sevré de toi. Belle dame de lumière, me revoici dans tes bras. J'arrive pour te briser, perle de verre aux dix milles mélopées.


jeudi 19 mai 2011

MARC VELLA – Voyage d'un improvisateur amoureux.

"L'arbre qui tombe dans la foret fait plus de bruit que la foret qui pousse". Proverbe Diola.


ELOGE DE LA FAUSSE NOTE.

Ça me fait plaisir que tu viennes me voir...

Je ne sais plus pourquoi, j'avais envie de te parler de la caravane amoureuse. C'est comme si je l'avais oublié et là, d'un coup, je me remet à y songer. Ça te dis quelque chose ? [...] Au début, moi-aussi, ça me faisait sourire. La caravane amoureuse... Maintenant, encore, mais le rire à changé. Si tu veux, je peux te raconter. L'histoire n'est pas longue, elle est encore à écrire.

En fait, je n'ai pas beaucoup de choses à en dire ; ou bien trop. Je ne sais pas. C'est tout à l'intérieur, dans les constellations. A chaque fois que j'ai voulu en parler à quelqu'un, je n'allais pas au bout, m'interdisais et, finalement, rangeais mon précieux secret, dans mes tours de disques, bien gardé. C'est sûrement le fait que ça puisse faire sourire. Non pas que je veuille te faire pleurer, au contraire, mais... je vois bien ton rictus au coin de la bouche un peu pincé. Allez, laisse tomber...
Oui, tu as raison, c'est vrai ; c'est ridicule de se censurer. C'est juste qu'on aime toujours trouver la justesse des sentiments qu'on voudrait partager. Et puis, maintenant on se connaît...

Et bien, tu vois, je ne savais pas qui était Marc VELLA avant ce jour où un ami voyageur m'a déposé un de ses enregistrements dans ma boite à lettre, avant de s'évaporer. Ça m'avait beaucoup touché. Je ne l'avais pas tout de suite écouté, l'avais rangé, continuais à y penser, et n'en avais jamais parlé. Il y avait une musique autour de l'objet. Tu comprends, je ne voulais pas la souiller.

Très souvent, je repensais à Marc. Il m'avait depuis apprivoisé. Alors, je m'évadais de ce livre musical, ce voyage improvisé : La porte des mondes il l'avait appelé. C'était beau cette voix d'homme amoureux qui sortait de son piano. Il y avait la danse « des doigts se faisant l’amour » que je me repassais. Il avait trouvé la mesure du geste. Les seuls moments où je pouvais l'écouter était des instants de solitude à plusieurs, tu vois, des moments où je pensais à tous ce que j'aime, à ceux que j'aimerais, aux personnes que jamais je ne rencontrerais. Ne ris pas, je pensais aussi à toi. Une surcharge d'humanité quoi.

Ça t'es déjà arrivé de passer plusieurs jours de suite sans parler, sans rencontrer personne, juste seul avec ta tête ? Tout devient différent ; les perceptions nettoyées.

C'était quand les mots disparaissaient que j'avais envie de retrouver Marc. Je ne voulais rien savoir sur lui, son disque me suffisait. J'avais trop peur d'être déçu. Comme au jour où, adolescent, je venais de terminer Voyage au bout de la nuit et, encore tout chamboulé, que j'allais voir qui était ce Louis Ferdinand qui m'avait fait, deux semaines durant, rêver.

Tu dois peut être y aller ? Je continue ? Tu souris toujours, mais tu écoutes. Bon.

Si je l'ai depuis rencontré ? Oui. Tiens, regardes.














C'est drôle, c'est souvent lorsqu'on s'attend le moins à quelque chose qu'elle vient à vous, sans frapper. C'était il y a deux ou trois ans. J'avais envie d'aller me promener en Bourgogne (le vin certainement). Bref, je regardais sur les sites des lieux retirés et tomba, par hasard, sur une programmation du pianiste nomade. La belle occasion.


Sa caravane amoureuse venait mouiller à l'ombre d'un monastère, perdu dans la colline. Une sacrée expédition que d'y aller. Je me souviens très bien de mon arrivée. Il y avait l'herbe grasse et haute, l'odeur des moissons fraîchement enroulées. Devant l'église romane en pierre polie, un piano noir était installé. Comment ? Oui, dans un champ dehors. Il y avait trois quatre bancs en bois accolés, et puis quelques pèlerins sur le côté. C'était une poignée de curieux, ceux qui avaient entendu parler du troubadour aux cheveux longs. C'était aussi ceux qui le suivait... en fait, c'est eux, la caravane amoureuse. Marc Vella est le beau percheron qui les tire, les extirpe légèrement de leurs foyers et les emmène réchauffer des territoires inexplorés...

Je n'ai pas parlé. D'ailleurs, dans mes souvenirs, j'ai l'impression d'avoir été tout seul avec le piano nomade.

Marc est venu nous saluer. Son teint mat, ses grandes boucles accroche-coeurs, devant ses yeux, brillaient. Et puis, son sourire d'ange... Tout son visage était illuminé. Il s'est mis au piano. Le vent dans les feuillages qui bruisse et le chant des oiseaux du soir qui berce : les longs silences dans ses notes improvisées. Je sentais couler l'Instant.

Tu arrives à suivre ?

Marc Vella me fait penser à François-René Duchâble. Pas son physique. Son histoire. Tu sais, Danièle Thompson s'en était inspirée pour réaliser Fauteuil d'orchestre ? Dupontel. C'est exact ! C'est bien de ce pianiste virtuose dont je parle. Lui qui avait osé proclamer son aversion pour les contraintes, son dégoût pour le formalisme qui régnait dans le bocal de la grande musique. Marc, c'est un peu pareil. Avant de partir sur les routes, il a longtemps travaillé la théorie. Il s'est initié. Milosz Magin fut son maître. Il obtient, à 25 ans, le Prix de composition de l'Ecole Normale de Musique de Paris ; t'as cas voir. Non, vraiment, ce n'est pas un pantin. Ses œuvres furent d'ailleurs imposées dans les concours internationaux de piano.

Mais il cherchait autre chose. S'il quitta les univers confinés des conservatoires et des salles de concerts, c'est qu'il avait juste envie de retirer sa cravate coupe gorge, de déboutonner sa chemise et de jouer, pour tout le monde, comme ça, sans courbettes, sans préambule, sans programme. Il mit son piano sur une remorque et puis, il partit...

Je l'entends encore dire : "J'avais envie d'écouter le soleil se lever, j'avais soif de déserts, d'étoiles et de regards, alors je suis parti, avec mon piano, pour me rencontrer". Ça m'avait drôlement marqué. Pas juste ses mots. Son attitude aussi. C'est curieux, son bonheur, il le communique en chuchotant. Il dit, tout bas : Écoute comme il est bon de jouer, tout comme il doit être bon pour toi d'écrire... Laisse venir.


Oh, il y a plus de 25 ans maintenant qu'il a commencé. Sur les routes de France au début, puis en Inde, en Afrique, dans les pays arabes... un peu partout. Imagine un piano à queue dans un bidonville au Pakistan ou au cœur du Sahara. Je t'assure que c'est beau. A Cuba ou en Éthiopie, j'ai vu des images de lui, arrivant dans des villages, avec sa chariote et son piano – avec qui il dort dans un coin de camionnette aménagée. Ça lui suffit. En fait, son instrument c'est sa langue universelle. Pas besoin de longs discours. Et ça marche. Peut importe où.
Il parle aux gens. Il a besoin d'eux. Marc c'est un solitaire qui s'arrange, toujours, pour ne pas être seul.


C'est pour ça qu'il inventa sa caravane amoureuse. Un trop plein de sentiments qu'il ne voulais pas retenir. Un Don Quichotte ? Si tu veux. Plutôt une sorte de Mallarmé de la musique, qui part envahir les pays, dans une grande guérilla amoureuse. Voici son pari fou. Ça semble fou parce que c'est beau.

Bien sur que ça fonctionne ! Il a traversé plus de quarante pays et sillonné plus de 200 000 kilomètres, comme ça, avec son fidèle piano. Si tu me parles d'utopie c'est que tu n'as rien compris. Embrasse un peu plus souvent, ça fait du bien aux crispations. Tu te laisseras séduire par cette belle évidence, cet immense kaléidoscope que l'on appelle humanité. Tu devrais essayer toi aussi de saisir l'instant, et de le relâcher, aussitôt, comme un oiseau à qui l'on ouvre sa cage.

Tu vois, son public, il le traite comme un enfant – lui même éternel enfant. Il ne met pas de gants sur ses doigts, pas de filtre dans son piano de source. On l'a qualifié d'excentrique, de farfelu. Il sourit et continue. L'envol des possibles. Oui, c'est pur.

Tu me poses la question. Je n'aurais pas osé t'en parler. Vois-tu, plus qu'au jazz sa musique répond d'une démarche improvisée. Ce qu'il fit ce soir là, il ne l'avait jamais réalisé auparavant. Son regard sensible s'est posé sur nos visages, la beauté des êtres débordait sur ses sons. Il s'inspire du miroir des sentiments et toute la magie est animée par ses rencontres. Je suis convaincu que c'est "ça", qui fait de sa musique un langage irrationnellement émouvant.


Parfois, dans son piano, j'entends une harpe, un violoncelle qui expire, un oud ou une cithare. Je t'assure. C'est un explorateur. A l'intérieur de son instrument demie-queue ouverte, il y a des variacordes. C'est lui, avec le compositeur et sculpteur Jean-Jacques Lamenthe, qui ont inventé cela. Ça donne une sorte d'orchestre intérieur. Il faut écouter. Tu comprendras immédiatement. De le voir, c'est tout aussi étonnant. Il avait des baguettes, des mailloches, de grosses balles qui flirtaient avec le filin de son piano démembré. Tout son corps, même ses entrailles, s'exprimait. J'en oubliais la performance. Le piano, funambule de l’imaginaire, chantait, sur le fil de la création, ses merveilleuses maladresses.

Au-delà de la musique, c'est une ouverture sur la vie et sa simplicité. J'entendais la naissance du monde dans chaque respiration. Il faisait alors nuit noire quand le piano s'est éteint. Personne ne bougeait ni ne soupirait. On entendait encore les cordes résonner et répondre aux oiseaux de passage. Marc ouvrit ses grands yeux et rit, sous l'averse fraîche d'applaudissements ensoleillés. Je ne pourrais oublier ce moment.

Grâce à Marc Vella je devenais croyant, le temps d'un récital. Sauvage et beau. Ce n'était pas une croyance majestueuse en une divinité cachée. Non. C'était simplement l'infime petitesse de l'humanité qui résonnait. La spiritualité des amoureux.

Mon sourire a depuis changé quand je pense à lui. Je gardais le secret de cette rencontre depuis longtemps, tu sais. Aujourd'hui, je te l'offre. Il faut toujours offrir les choses auxquelles on tient le plus... Celle-ci n'est pas matérielle, du coup, tu ne pourras pas la perdre. C'est un baume à l'âme.

Je me souvient maintenant pourquoi je voulais t'en parler. Parce que, ce matin, avant de me réveiller, j'ai eu l'impression que cette musique me disait : "Oses tes rêves".

Tu as raison, c'est une drôle d'histoire.








19/05/2011 : Marc Vella en Haute-Vienne - Jeudi 19 au Dimanche 22 mai avec l'Association des sans-papiers Tel : 05 55 32 77 72
23/05/2011 : Luchapt / concert conférence de Marc Vella / Près de Montmorillon -
Rens : Maité Rhein 06 83 67 78 03
28/05/2011 : Concert au château de Briançon à Bauné / Tel : 01 47 58 23 74
11/06/2011 : Concert au Vilars près de Die dans la Drôme tel. 04 75 21 43 84
15/06/2011 : Concert à Genève au Théâtre de l’Espérance.
16/06/2011 : Concert à Vevey (Ch)
25/06/2011 : Concert à Toulouse - Festival Mondial de la Terre. Concert conférence.
02/07/2011 : Concert à la Maison du Chat Bleu – Saint-Savinien. Tel : 09 77 64 32 35
06/07/2011 : Concert à Cassis tel. 06 14 65 04 48 / 04 42 01 17 58
09/07/2011 : Concert à Mexico en Berry
11/07/2011 : Festival au Domaine d'Essart
Du 11 juillet au 17 juillet 2011 Inauguration du Domaine d'Essart. Concerts tous les soirs et projections de films.
Rens : 06 83 29 44 79 - 09 67 00 76 12
Du 4 aout au 4 sept. Caravane amoureuse au Québec à travers les laurentides,la côte nord, la Gaspésie, l'abitibi, Le lac Saint Jean, Charlevoix pour un concert de piano avec les baleines, les réserves indiennes, les inuits.

www.caravaneamoureuse.2010.fr

marcguy.vella@gmail.com

mardi 17 mai 2011

6 chanteurs x 2 voix = DOUBLE SIX.

Cour de langue. Si nous swingions en français ? 

FLANONS TOUT LE LONG, TOUT LE LONG DES RUES, DE PARIS...

J'essaye, depuis fort longtemps, de me dépatouiller avec l'anglais. « Vas au plus simple », me dit-on souvent. Très bien ! C'est facile. Mais j'vais être obligé d'griller des feux rouges et d'me faire mettre à l'amande. Ça dépend les sensations recherchées... moi, j'ai toujours préféré les routières aux sportives, le flegme anglais à la tchatche italienne.
Pour des banalités, du barbouillages sans contrastes, j'arrive toujours à me faire comprendre. Quand il s'agit de mettre en relief des idées, de les nuancer... ça devient inconfortable et vite inadapté. Et puis, lorsque je m'exprime en français, je ne cherche pas forcément la simplicité ; j'en conviens. Je ne dis pas que c'est bon ; ça peut irriter. Mais c'est ainsi, je ne sais pas faire autrement. Je n'vais tout d'même pas écrire un rap ? Je s'rais bien l'seul à rigoler.

La longue frustration d'habiter des codes sociaux différents se fait ressentir lorsque la communication est tronquée ou mal interprétée. Oui, le langage est l'un des seuls moyens d'expressions permettant à deux personnes d'échanger un sentiment sur une idée, de défendre un avis et de le confronter. Les langues ont cela de fort. Elle nous relient, nous assimilent et nous identifient.
Il y aurait plus de mots et de verbes dans la langue anglaise que dans le parlé français. C'est un fait. Pourtant, le français est tellement plus contrasté.

Je me repose ainsi la question, et en profite pour vous demander votre avis. Si le plus important dans un échange oral est, sans conteste, d'être compris par son interlocuteur, n'est-il pas également essentiel de faire passer, par le langage, des éléments propres de notre personnalité ?

C'est quand nous commençons à parler couramment une autre langue, que nous assimilons un autre mode de penser. Je m'explique. Il n'y a parfois pas d'équivalences entre les expressions d'une langue et certains mots d'une autre. Mais, plus que cela, l'étude d'une langue permet de comprendre l'étude des comportements culturels. Des règles sémantiques émanant un idiome parlé qui se transpose également à nos façons de penser. Maurice Druon dit à ce sujet : "Notre langage est à notre intellect ce que l'air est à nos poumons".

C'est pourquoi, notre façon de nous exprimer - d'écrire ou de parler - dévoile des vérités comportementales. S'il est parfois difficile de choisir un mot plutôt qu'un autre, l'usage d'un vocabulaire sélectionné – volontairement ou non – peut, dans sa forme, illustrer le fond d'une pensée. Les mots et les choses, m'apprenait Foucault. C'est dans la nuance qu'on interprète. Que choisir ? C'est comme un jeu de l'esprit. A l'oral, c'est une joute sans toucher. « Les mots et les armes c'est pareil », dit Ferré.

Des mots m'irritent ; je ne veux pas les employer. D'autres me font jubiler. J'aime leur musicalité. "L'image la plus exacte de l'esprit français est la langue française elle-même", dira Désiré Nisard. Je peux que corroborer.

Et quand nous chantons ?

De cette même idée, il se dégage du français, un parcours musical singulier. C’est également une langue qui contient une pluralité de temps et de modes. Nous pouvons dire que sa richesse est à la fois une arme une faiblesse quand on désir la chanter. En effet, si cette langue se prête particulièrement aux jeux de mots, aux traits d'esprits, aux devinettes et autres contrepèteries, combien est-il difficile de la faire swinguer ?

Toute langue possède, naturellement, son rythme propre, son accentuation, sa phonétique, ses attaques. Avant même de penser à la mélodie, chaque culture linguistique détient une musicalité incarnée. On confond, d'ailleurs trop souvent, l'étude du chant avec celle de la voix. La culture vocale est bien sûr indispensable au chant, mais elle ne suffit pas. Il n'est pas rare d'entendre des voix sublimes dont on se prend à regretter qu'elles aient à s'encombrer d'un texte ! Car en plus d'être un instrument, la voix véhicule un discours.
La prononciation constitue, en quelque sorte, l'armature du chant, le squelette sans lequel il ne serait qu'une suite de sons, peut-être mélodieuse mais en tous les cas informe. Elle est une composante essentielle du « style », la première des clefs.

A la question : le français est-il musical ? Je réponds oui, mais...

La chanson française a une place singulière dans le paysage de la musique. Combien de chanteurs francophones ont essayé de traduire des airs du patrimoine américain ou anglais ? Combien, dans cette entreprise, ce sont magistralement vautrés ? Je ne veux rien imposer, c'est juste ma façon de penser.

Pour autant, les textes chantés en français ont une identité. Il y a la poésie en musique ; Ferré-Brel-Brassens font école. Une certaine idée du rock n'roll ? Bashung, Arno, Cantat, Higelin et quelques autres ont donné des réponses. Mais, encore une fois, en empruntant des chemins détournés, une sorte d'altération du langage qui a dû s'adapter.

Le français trouve sa force en marge du folklore afro-américain et en est, paradoxalement, profondément inspiré. A la croisés des chemins, nous retrouvons Serge Gainsbourg, unifiant tous les styles musicaux avec son propre langage, « l'autre » français.

Concernant le jazz, c'est tout aussi compliqué. Certains y sont tout de même arrivés à le faire swinguer, notre vieux français. Je prends pour exemple les mathématiques en musique enseignés par Boby Lapointe, les vocales gymnastiques de Bernard Lubat, la diction de Nougaro, ou encore la suave voix de Jonasz ; sans oublier Boris Vian, la plus jazzy des plumes françaises.


JAZZ FRANCAIS : CHANSON SWINGUEE ?


« La langue anglaise est un fusil à plombs : le tir est dispersé. La langue française est un fusil qui tire à balle, de façon précise. »
Otto Von Hasburg.

En 1957 apparaît sur la scène musicale américaine un trio vocal, le L.H.R (Dave Lambert, Jon Hendricks, Annie Ross). Ce groupe innovateur reconstitue vocalement les arrangements et les improvisations des thèmes de la formation de l'orchestre de Count Basie.


De gauche à droite :
Louis Aldebert, Eddy Louiss, Jean-Claude Briodin
Mimi Perrin, Monique Guerin, 
Deux années plus tard, sous la direction de la chanteuse Mimi Perrin, de Christiane Legrand et du chef d'orchestre Christian Chevallier, naît en France le groupe des DOUBLE SIX. Leur technique vocale et le concept artistique développé, font indéniablement penser au groupe américain, à cette époque en plein succès.

L'originalité de leur démarche musicale – tout comme celle du L.H.R – s'appuie finement sur la synchronisation d'un langage joué, seulement animé par des objets, avec la voix humaine, instrument originel, qui, lui seul, peut déposer ses notes sur des portées de mots. Le texte dans le son. La musique d'un langage. Mais plus encore, la formation se fait remarquer par l'audacieuse association de deux codes culturels que tout suppose à séparer, antipodes réunifiés, en une seule et unique volonté : faire swinguer les thèmes du jazz USA avec les mots du français, inaccoutumé.

Cette langue, Mimi et sa formation vont s'employer à la modifier, à la plier par de nouvelles accentuations aux besoins de la phrase musicale. Elle se heurte à la rigidité du français, réputée inadéquate à ce style, car moins onomatopéique que l'anglais. Mais, parvient toutefois à créer des textes poétiques complètement adaptés aux solos du bebop et du swing.

Quatre chanteurs et deux chanteuses s'amusent à reproduire la texture des sons, les attaques, les phrasés, d'un grand orchestre de jazz, étrangement reconstitué. Un pari fou que complique l'utilisation de la langue française.
De surcroît, chaque membre du groupe est chargé de deux voix, afin de reproduire en studio les douze instruments à vent dont dispose généralement un Big Band classique. Par l'usage habile du re-recording (réenregistrement qui donne l'impression d'entendre douze voix alors qu'ils ne sont que six), l’appellation double six fut alors toute trouvée.

Auparavant, dans les années 50, Mimi se fit connaître comme la seule femme pianiste acceptée dans les caves du célèbre St Germain des Près. Elle côtoie alors tous les grands musiciens de l'époque. Elle travaille également comme choriste pour les maisons de disques, derrière les vedettes de variété et les yéyés. Après, elle fit ses gammes dans le groupe vocal des Blue Stars, dirigé par Blossom Dearie.

Il y a, dans le chant de Mimi, la clarté des paroles distinctement nuancées, le poids des mots chantés. Il y a surtout l'énergie du sens musicale, décrivant ses pensées si humoristiquement contrôlées. C'est une déclamation théâtrale, un opéra des temps moderne, l'imaginaire sans frontière. Chaque mot est associé à une idée mélodique qui swing. Ce sentiment sonore est subtilement doublé de poésie. Ce n'est pas assez pour Mimi que de prononcer les paroles justement, il faut encore pouvoir leur rendre la force de leur sens. En écoutant les DOUBLE SIX, toujours, j'ouvre ce livre mystérieux qui me transpose dans une époque 60's. J'me met au lit et le lis, l’œil loin, l'ouïe littéralement l'écrit.

Dans l'acte qui consiste à donner une existence sonore à quelques signes graphiques, le lecteur, en plus de transmettre un texte brut, le charge inconsciemment de connotations, parfois sans rapports avec son contenu. Son appartenance sociale, voir sa personnalité sont révélées, au delà du texte en lui-même. C'est pour cette raison que j'ai toujours préféré la poésie quand on me la récitait.
C'est la même chose quand j'écoute les Double Six. L'expressivité des voix, imbriqués dans les thèmes, témoigne l'acquisition d'un code épuré, une riche palette articulée, dont le contrôle permet à l'auditeur, lui aussi, d'orner un texte, de multiples façons, d'interpréter.

ECOUTEZ MON HISTOIRE, D'IL Y A FORT LONGTEMPS, DU TEMPS OU Y'AVAIS DES TAS D'INDIENS, IL Y A FORT LONGTEMPS D'CA, OH OUI BIEN LONGTEMPS...

Les chanteurs vocalisent à la manière des instruments, restituant, sans onomatopées, les brillantes improvisations des sax, trompettes ou trombones relevés sur les disques sacrés.

DODLINANT, DODLINANT, DODLINANT...(à la tierce) DODLINANT, DODLINANT.

Ça sonne comme l'original, dans la texture, l'articulation et le phrasé. Six choristes font glisser l'archer du souffle sur les cordes vocales, toutes engorgées de jazz, bien embouchées. Ils jouent avec les thèmes de Count Basie, Dizzy Gilespie, reprennent les partitions de Miles Davis ou de Coltrane, chantent les grands chorus de Charlie Parker et de Stan Getz. Mais leurs acrobatiques vocalises ne sacrifient jamais l'expression poétique.

 Et puis il y a le travail de proximité avec le jeune arrangeur de talent : Quincy Jones, à l'époque directeur artistique chez Barclay. Ce dernier, en les découvrant, fut littéralement séduit. S'il n'était pas coutumier de langue française, l'utilisation des formules vocales lui rappelait conformément le sens des mélopées. Une vraie stylisation, une « vue orientée », reprenant dans son fonctionnement les fondations même du jazz improvisé. Ils enregistrent leur premier disque, basé sur des compositions du trompettiste, intitulé The Double Six of Paris, qui sort chez Capitol en 1961.


Puis, ils enregistrent un second disque à partir de standards de Count Basie, de Gerry Mulligan, du chef d'orchestre Woody Herman, de Miles Davis, de Charlie Parker et de John Coltrane. The Double Six of Paris : Swingin' Singin' sort chez Philips en 1962.

Naima fait : "QUEEEE VEUX TU VOIR ? PRENANT MON REGARD. TIENS, VEUX-TU VOIR, PLEURER-L'HEURE, DU DEPART".

Pour l'anecdote, Mimi Perrin, qui cherchait désespérément un chanteur pour compléter son groupe, fit la rencontre fortuite d'Eddy Louiss. Bien que ne disposant que de deux semaines pour répéter, Eddy fit tout de suite l'affaire et participa ainsi à la formidable épopée de ces funambules du jazz vocal "en français". Avec les Double-Six, Eddy parcourt le monde. Coup de foudre, à l'occasion d'une tournée au Canada, il découvre au fond d'un cabaret un orgue Hammond dont il ne pourra plus se séparer.

Night in Tunisia... PARAIT-QU'ON PEUT VOIR EN ARABIE, PARAIT-QU'ON PEUT VOIR LA, PAR LES DRAPS... DES MILLIERS D'TAPIS VOLANTS.

En 1963, ils collaborent avec Dizzy Gillespie et enregistrent avec lui un troisième disque chez Philips, Dizzy Gillespie & The Double Six of Paris, consacré aux thèmes du trompettiste, où figure également le pianiste Bud Powell dans l'une de ses dernières apparitions (il décède en 1966).


En 1964 sort leur dernier disque,The Double Six of Paris Sing Ray Charles, chez Philips.
Cette formation, pourtant unique dans son genre, n'eut pas une très longue vie. Suite aux problèmes de santé de Mimi Perrin, les Double Six cessent d'exister en 1966. Ils n'auront enregistré que quatre disques entre 1959 et 1964.



samedi 14 mai 2011

HARLEM STORY – part. 8. 1ere édition du HARLEM SHRINES FESTIVAL.

Les "temples" du jazz revisités, du 09 au 15 mai 2011.






"Le jazz est un être unique à travers la succession de ses âges, sous la multiplicité de ses aspects. On constate en effet une frappante similitude entre son trajet et un parcours humain, dans le grand demi-siècle qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'a vu passer de la jeunesse à la caducité, et se transformer ensuite de telle manière, dans des directions si diverses, qu'appeler jazz aujourd'hui certaines manifestations musicales relève au moins de l'irréflexion. [...] De quelque façon qu'on l'analyse (la sociologie, la politique et même l'économie), il semble que le jazz ait toujours voulu être plus ou autre chose que lui-même. En témoignent sa rapidité à exploiter le possible de ses ressources particulières, son besoin impatient d'en repousser les limites et de les abolir. [...] Ainsi le jazz s'exposerait-il à succomber à la violence, en même temps réaction de défense et symptôme d'un épuisement. On pourrait ironiser sur le regain d'attrait qu'il exerce, n'existant pour ainsi dire plus qu'à l'état d'écho ou réitération de ses fastes anciens, si l'essentiel de ce qu'a dégager son histoire – le swing – n'assurait sa capacité de rester présent, tant par le corpus achevé mais préservé de ses oeuvres, que par celles qui maintenant se situent comme rétroactivement dans leur mouvance, là où le swing déjà transcendait les catégories du temporel : et si la fin des arts affectait ce qu'elles ont à jamais concentré de signification humaine. "

Jacques Réda, L'improviste, Folio, 2010, Paris, p. 14-15.


Le quartier de HARLEM ouvre ses portes et fait revivre les "lieux de culte", les SHRINES, du ragtime, swing et BeBop ayant modelé l'histoire d'une commaunauté, puis infuencé l'ensemble des musiques modernes. Ces lieux sont devenus des temples d'une religion laïque. Ils appartiennent à tout un chacun. Tous ceux qui aiment les vieilles histoires.

HARLEM prend cette semaine une allure particulière, un regain de patriotisme culturel. J'ai entendu dire que les européens se représentaient une image figée du jazz. C'est peut-être vrai. Je pense plutôt que notre stagnation artistique (non pas dans sa forme créatrice mais dans la nature de ses échanges) développe une ouverture d'esprit sur les différentes cultures avoisinantes. Bien sur, notre rapport au jazz est aussi lié à l'histoire de Paris, un moment donné, lieu de pélerinage pour tout artiste assoiffé de liberté. C'est passé. Parenthèse refermée.

Aux Etats-Unis, je ne sais pas. J'ai l'impression que "culturellement" ça n'existe pas. Il y a DES cultures américaines. La culture des uns ne veut rien dire dans celle des autres. Ca ne se mélange pas trop, c'est d'ailleurs déjà, par essence, un mélange. J'ai lu cette semaine dans JAZZTIME que "moins de 50% des américains savent qui est Billie Holiday". C'est combien par chez nous ? Plus ?

Pour Harlem, en tout cas, les premiers temps du jazz sont encore et toujours célébrés, plus qu'il y a une vingtaine d'années. Les jeunes des quartiers reproduisent chaque soir, dans des clubs bien animés, les figures de styles de leurs aînés. Les touristes ne sont pas là. Ils ne font pas vraiment cela pour eux – contrairement à beaucoup de lieux en Nouvelle-Orléans qui surfent sur le revival. Ici, les passants ne viennent d'ailleurs pas particulièrement pour le jazz. Il y a les habitués, qui jamais n'ont entendu une autre musique. C'est une photographie animée, sans dessins. La musique est naturellement imprégnée dans le papier peint. La couleur n'est pourtant pas jaunie. Sans cesse alimentée, la tapisserie reste la même, ses couleurs changent. J'ai l'impression que chaque soir une infime métamorphose s'opère.
Showmann's

Quatre organisateurs sont à l'origine de ce beau projet : l'Apollo Theater, le Harlem Stage, Jazzmobile et la Columbia University. Un quartier vibre à l'unisson et célèbre une culture puissament ancrée dans la communauté uptown. Durant ce nouveau festival, l'accent est mis sur la production musicale foisonnante, directement naissante de ces quelques blocks, des années 20 aux années 50. Le but est de montrer que l'extension de cet héritage a un sens dans l'avenir artistique de Harlem. Sont, en premier lieu programmés, les jeunes talents, habitants du quartier : une grande fête de générations articulée autour d'un héritage commun.
La plupart de ces lieux de mémoires sont toujours en activité. Certains ont fermé à tous jamais, d'autres ont perduré. De nouveaux clubs font également leur apparition.

Minton's Playhouse

Le MINTON'S PLAYHOUSE réouvre ses portes pour l'occasion. C'est le retour des pianos concours - on fait comme si Monk venait d'avoir 25 ans, lui, le résident indétrôné. Le SHOWMANN'S, ouvert depuis 1957, continue ses jam sessions quotidiennes, sans se poser de questions, c'est toujours bon. Le SMALL PARADISE est enfin ressuscité, Fats Waller et sa musique sont, comme au bon vieux temps, célébrés. HABANA/HARLEM, on pourrait croire que ça vient juste de commencer. Il y a de la poésie du côté du LENOX LOUNGE. L'ALLHAMBRA BALLROOM, comme avant, avec ses deux Big Bangs qui s'afrontent en swing's battles enflammées, nous fait à nouveau rêver. Et le St NICK'S PUB est toujours fermé... (cf. article avril 2011).
Certes, l'âge d'or est derrière. Pourtant, blancs et noirs viennent aujourd'hui librement s'amuser. Une activité novatrice prend de l'ampleur, on le ressent. La conception de cet évènement en est la belle illustration sonore.

Alhambra Ballroom
Il suffit de pousser une porte de bistrot, de s'asseoir quelques minutes au pied de la statue d'Adam Clayton Powell Jr. et de s'enduire de percus boisées ; de se perdre dans une rue "bien femmée" du Spanish quartier, tout à côté. Simplement de déambuler sans cartes ni montres. De partout, on entend des sons. Ici, tout le monde parle dans la langue de Fats Wallers, de Thelonious Monk, de Dizzy et des copains cubains, du Count et du Duke, de Roy Eldridge, Teddy Hill et de Betty Carter. L'ensemble est d'une qualité époustouflante. Chaque inconnu possède les clefs de la maison du swing. Si quelques têtes d'affiches viennent aussi s'amuser avec les origines, ce n'est que pour attiser le feu de joie qui se répend, tel un immense brasier mélodique. Je ne ressens pas de nostalgie chez les musiciens, aucun n'a connu l'époque des grands explorateurs. La musique est le lien. Cette première édition du SHRINES FESTIVAL met l'accent sur un point : l'attache culturelle de Harlem est solidement ficellée. Elle n'est pas putrescible.

Tous les évènements sont gratuits ou à 10$.

L'expérience touche a sa fin. Le bouquet final est prévu ce week-end. Spécialement cococtée, la programmation éveille le fumet d'un festin délectable...



LES JEUNES SAVENT AUSSI SWINGUER !

Jason Moran et Me'shell Ndgeocello : hommage à FATS WALLERS



Le Smalls Paradise était célèbre, lui aussi, pour ses jams tardives. Certains y jouaient leur loyer de la semaine dans des battles mémorables. Fats Wallers était de cela. Un résident à l'année qui développait les nouvelles techniques du piano stride juste en s'amusant avec les copains, dans le repère du pauvre où tout le monde ressortait riche. Les soirées dansantes s'improvisaient, la musique rassemblait tout le quartier des hauteurs de Harlem.

L'endroit a bien changé. Aujourd'hui, un grand campus universitaire domine la colline boisée, au coeur de Harlem. Le jazz a émigré. Mais pour deux soirs consécutifs, un poignant hommage à ces fastes années est organisée, sur l'ancien site exactement du petit paradis.

 Recréer un show dansant façon Waller, la tache fut confiée à Jason Moran et Me'shell Ndegeocello. Piano, Basse et vocalises puisent, dans l'humour des textes des années 40, l'énergie contemporaine d'une musique inusable. Une vraie réussite !
Jason Moran & Me'shell Ndegeocello



JAM SESSIONS AU MINTON'S PLAYHOUSE

Hier.
Monk - McGhee - Eldridge - Hill

            « Les lundis soirs au Minton's, Bird et Dizzy faisaient le bœuf. Il devait y avoir un millier de    musiciens dehors, qui essayent de rentrer pour écouter et pour jouer avec Bird et Dizzy. Mais la plupart des musiciens qui savaient n'espéraient même pas jouer quand Bird et Dizzy étaient ensemble. On ne faisait que s'asseoir dans le public, à écouter et à apprendre. [...] La technique était d'arriver au Minton's avec sa trompette, en espérant que Bird et Dizzy vous invitent à monter sur scène. Et si ça arrivait, il valait mieux ne pas vous louper... Il fallait chercher les indices chez Bird et Dizzy, s'ils souriaient quand vous aviez fini de jouer, c'est que vous aviez été bon. »
Miles Davis.

             « Pour jouer au Minton's, il ne suffisait pas d'entrer et de se mettre à la contrebasse. Ils vous amenaient dans une arrière salle ou en cuisine, et ils vous demandaient des airs. Ils me l'ont fait à moi aussi. Ils me demandaient : "Vous pouvez jouerPerdido ? Vous pouvez jouer Body and Soul ?»
Charles Mingus.

            « Est-ce que vous imaginez une jam session avec Lester Young, Coleman Hawkins, Chu Berry, Don Byas, et Ben Webster sur la même scène ? C'était au Minton's Playhouse à New-York. C'est terminé maintenant. Il n'y en a plus des comme ça. Et devinez qui remportait ces batailles ? ... Don Byas à chaque fois. »
Sonny Stitt.

           « Les lundis soirs, on faisait la fête. Tous les musiciens de l'Apollo le lundi soir étaient invités au Minton's, toute la bande. On faisait un vrai bœuf. Le lundi soir c'était le grand soir, la soirée des musiciens. Il y avait toujours quelque chose à manger, c'était formidable. Teddy Hill savait traiter ses gars. »
Dizzy Gillespie, interviewé par Al Fraser en 1979.

Le Minton's playhouse, fut ouvert en 1938 par le saxophoniste ténor Henry Minton. C'est ici que s'est développé le jazz moderne, connu aussi sous le nom de BeBop, grâce aux jam sessions de Thelonious Monk, Kenny Clarke, Charlie Christian, Charlie Parker et Dizzy Gillespie, dans les années 40. Le club entra dans une phase de déclin à la fin des années 1960 avant de fermer en 1974.

Aujourd'hui.


Chelsea Baratz et Greg Osby
Une salle gavée à n'en plus pouvoir, l'odeur du combo et des épinards, une relève de musiciens gonflés à bloc, tous ces jeunes n'ayant jamais encore pu rentrer dans l'antre sacrée. les JAMS SESSIONS AU MINTON PLAYHOUSE réhouvrent ! C'est un événement, le tout New York parle de ce festival.
Les morceaux fleuves s'étalent sur des dizaines de minutes, les musiciens se relayent, l'ambiance est chaude torride. On a peur d'y perdre son ombre. La musique dévale et ne s'arrête plus. Elle est grasse, pue la chaire, et les liquides lacrymaux en guise de météo. Tout est fait sans le vouloir pour faire revivre l'âme d'une époque qui aura marqué au fer ces jeunes générations de musiciens.
Le saxophoniste Greg Osby ouvre la jam. Lui seul est l'icone de cette jeunesse new yorkaise, imprégnée de jazz old school qu'il a su reformuler aux accents actuels. Il montre ce soir qu'il peut revenir avec aisance aux sources – c'est bien de là qu'il faudrait toujours partir.

Les triples croches s'enfilent l'une après l'autre, descendent à toute vitesses les escaliers, les remontent, respirent et reprennent aussi vite leur jeu ascentionnel.
Plus la soirée s'avance, plus le niveau est bon. Les meilleurs se réservent les dernières places et ne veulent plus partir... Quelle heure est-il ? Non !
Je n'avais visiblement encore jamais fait de telles JAM SESSIONS.


Greg Osby "directeur" de jam vendredi soir


PROGRAMME - 9-15 mai 2011

*Exposition LES SANCUTUAIRE DU JAZZ. Théâtre Miller.
Lundi 9 mai
· Coup d'envoi de l'événement au Minton's Playhouse, 18h-20h.
· Late Night Jam Session au Minton's Playhouse, 21h- fermeture.
Mardi 10 mai
· Blazing Tongues: les chanteurs et écrivains du Lenox Lounge, avec la musique et les paroles de Billie Holiday et Zora Neale Hurston. 19h-21h.
· Showman's Night Jazz tardif, en partenariat avec l'Apollo. 20h-fermeture.
Mercredi 11 mai
· Nuit des Amateurs, 19h.
· Blazing Tongues : les chanteurs et écrivains du Lenox Lounge avec la musique de Dinah Washington et les écrits de James Baldwin . 19h-21h.
· Showman's Jam Sessions, 20 heures jusqu'à la fermeture. Présenté par le Théâtre de Apollo.
Jeudi 12 mai
· Showman's Jam Sessions, 20h-fermeture. Présenté par le Théâtre de Apollo.
· Minton's playhouse dinner : la conversation et la performance sont dirigées par Stanley Crouch et Robert O'Meally. Invité d'honneur Greg Osby.
Vendredi 13 mai
* Battle of the Bands Big, 19h-minuit. Le Jimmy Heath's Big Band se produira dans la salle de bal de l'Alhambra.
* Le Salon Apollo Jazz. Deux sets 17h-20h. Wycliffe Gordon présente un spectacle mettant en vedette la musique de Big Band avec, entre autre la chanteuses Carla Cook, le danseur de claquette Nikki Yanofsky, Savion Glover - saxophoniste de Grace Kelly -, le tromboniste Corey Wilcox et le directeur et le chorégraphe Ken Roberson.
* Showman's Jam Sessions, 20h-fermeture. Présenté par le Théâtre de l'Apollo.
* Le Fats Waller Dance Party : Small's Paradise Tribute avec Jason Moran & Meshell Ndegeocello, Mark Kelley, Marvin Sewell, Charles Haynes, Lisa Harris, Leron Thomas, Corey roi, trombone.
* Friday Night au Minton's, 22h-fermture. Geri Quartet Allen - Jam Session.
* Showman's Jam Sessions 20 h-fermeture. Présenté par le Théâtre de l'Apollo.
* Swinging at Alhambra Ballroom, 19 h-minuit. La Renaissance de l' Harlem Orchestra animera un concours de danse swing.
* Showman's Jam Sessions, 20h-fermeture.
Dimanche 15 mai
· Re-création des Count Basie's Lounge, 15 h-17 h. Stade de la Gatehouse Harlem.
* Blazing Tongues : les chanteurs et écrivains du Lenox Lounge.
* Battle of the Big Bands : Alhambra Ballroom. 19h-minuit.

LIEUX
Alhambra Ballroom
2116, boulevard Adam Clayton Powell - (212) 222-6940 ou 6941 - www.alhambraballroom.net
Apollo Theater
253 W 125th Street - (212) 531-5305 - www.apollotheater.org
Gatehouse Stage Harlem
150 West 135e street - (212) 281-9240 - www.harlemstage.org
Lenox Lounge
288, Lenox avenue, Malcolm X Boulevard, entre 124e et 125e - (212) 427-0253 - www.lenoxlounge.com
Miller Theatre
2960 Broadway (niveau 116e street) - (212) 854-7799 - www.millertheatre.com
Minton's Playhouse
206 West Street 118e - (212) 864-8346
Showman's Café
375 W 125th Street - (212) 864-8941