Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

jeudi 14 avril 2011

HARLEM STORY – part. 5. Le SHRINE.

U.S.A.F.R.I.C.A

Nous avons tous un petit coin à nous, un lieu secret où l'on aime musarder. Souvent, ils ne sont pas bien loin de la maison. On peut y passer 5 minutes ou 4 heures... on s'y sent libre.
Les miens ne sont pas luxuriants. Ils sont remplis de gens qui ne se ressemblent pas. Mes repères sont suffismament douillets pour y avoir envie d'y lire ou simplement, de fermer les yeux, dans un coin tranquille. Ils ont tous la particularité de diffuser – même imperceptiblement – de la bonne musique. Tout au moins celle(s) que j'aime. Que l'on soit seul ou accompagné, c'est la même. Un endroit de tous les jours ; où l'on sait que l'on retrouvera les miettes d'hier. Parcequ'une rose est un oignon...

Ma planque à NYC s'appelle le SHRINE.

Situé au 2271 Adam Clayton Powell Jr Boulevard, ce lieu est une véritable institution de la black culture. Juste devant moi, FELA KUTI, les bras au ciel, m'embrasse de l'esprit, le soleil au front. C'est lui le patron a bord. Le SHRINE est son sanctuaire. C'est dans ce reliquaire, dans cette précieuse boite de Lagos, au Nigéria, qu'il produisait sa musique vindicative aux rythmiques foudroyantes. LE SHRINE se situe à l'orée du pavillon de son saxo éraillé, puissant et mystique. Le SHRINE est partit en exil. Il s'est posé à Harlem ; globe trotteur, marcheur de planète... prend un verre et laisse glisser sur toi la langueur du sédentaire !


Je me rappelerais toujours de ma première venue. C'était écrit dans le HOT HOUSE "la bible du jazz new yorkais depuis 29ans", un dépliant mensuel bien utile... Bref, un soir cafardeux, où je voulais rester dans les parages et dépenser le moins, j'y feuillette, sans conviction, le petit magazine et y vois : "concerts gratuits chaque soir – Afro jazz". Ce n'est qu'à quelques blocks de la 125e... Allons donc y jeter un oeil. Il suffit de monter 10 rues et on est ailleurs. Harlem n'est pas un tout. L'ambiance est toujours chaude dans le coin. Pour ceux qui pensent que le quartier est devenu un nouveau refuge pour bobo, montez voir.

Premiers échos extérieurs... je dois m'être trompé. Ce sont des chants russes ou je rêve ? Regarde par la vitre. Une chorale, en costumes traditionnels, chantant kalinka. Je comprendrais que le SHRINE est un satellite culturel qui sent bon la liberté. Ce serait donc mon ambassadeur des musiques du monde, à New York.

SHRINE n'est pas écrit à l'extérieur. Il est marqué en gros : "BLACK UNITED FUN PLAZA". En dessous : "God Get The Glory". Sur un grand tableau noir, chaque jour, est inscrit la programmation devant la porte d'entrée en bois délavé. Gratuit. 3 ou 4 concerts en enfilade (si tout le monde vient comme prévu !). C'est comme cela depuis 2007. Des musiciens et des amoureux de la musique voulaient simplement créer un lieu où ils pourraient se sentir bien au quotidien. L'athmosphère d'un bar de copains. C'est simplement réussit.

Le SHRINE est dedans. Il faut pousser la double porte à battant façon saloon. Tout au fond, après le bar. Soyez pas si timide. C'est vrai, le termomètre à pris 20 degrès en 3 secondes. C'est vrai, ça piaille, ça rigole, ça sent la tambouille. Il faut se remettre dans l'ambiance quoi ! Alalala. Plus loin. Après les 1,2,3,4 pilliers. Le SHRINE est tout rouge, vous pouvez pas le rater. C'est une toile en forme de soleil ; blanche et noire, avec une petite tête de hérisson aux yeux révulsés en son centre. En haut, à gauche de cette toile, il est là le SHRINE. C'est un mausolet invisible, encerclés d'offrandes.

Sur les murs adjacents, on trouve de grands masques Dogons et surtout, des centaines de vinyles en cache misère. Une déco qui ne coûte pas chère quand on aime le kitch musical. Le plafond en est contaminé. Le virus se répand jusque sur les gros poteaux. alors on pose le regard. Faut pas longtemps pour comprendre qu'Elvis et Jim Morisson ont été bânis du lieu. Ici on aime Donald Brown, Muddy Waters, Betty LaVette, Tony Allen, The Crusaders ou Sugar Hill Gang (excellente bière de Harlem cela dit en passant).

En fond sonore, Salif Keita dans les enceintes. Il était d'ailleurs à l'Apollo il y a quelques jours. Ici, au SHRINE, on se contente de sa voix.
Quand les groupes switch, on y entend mieux tous les langages. On parle l'anglais du soleil. Le bambara, le mooré, le dioula, le wolof s'entremèlent... et le français. J'adore cet accent. J'avais l'impression de retourner à Bamako, de retrouver la magie des maquis burquinabais. "A vrllaiment, on est démasqué là ! Comment on peut se moquer de toi, là maintenant ? Ha ha !". Faisons le ensemble...

Oui, le SHRINE c'est ma cachette découverte. J'y collectionne de simples moments d'éternité. La musique est belle. Parfois les balances ne sont pas bien réglées. Parfois ça part complètement en live. Mais ça ne fait rien. La musique est au service du plaisir. Elle s'empare des lieux et donne vie aux visages d'exilés que nous sommes tous. On ira ensemble, y'a de la place. On y fait de joyeuses rencontres, vous verrez... ça se partage. Parce que écouter jouer, ce n'est pas cesser d'être seuls avec les autres, c'est être des milliers tout seul.

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