Pourquoi JASS ?

Pourquoi JASS ?
Le JAZZ a dans les veines du sang africain, c'est certain - jaja signifie "danser", jasi "être excité"- ; mais peut-
être aussi une racine enfouie, d'origine indonésienne -"jaiza" faisant écho aux sons des percussions. En français dirions-nous : "cela va faire jaser", parler ? Le 2 avril 1912, le Los Angeles Time évoque la jazz ball irrécupérable du lanceur Ben Henderson. Dérivé de l'argot, le mot jizz, renvoie à l'énergie, au courage et à la vigueur sexuelle. Le jasz a également l'odeur entêtante du JASMin, des parfumeries françaises de New-Orleans. A moins que l'étymologie du mot ne vienne de JASper, danseur esclave des années 1820, d'une plantation louisianaise ? Ou JASbo Brown, musicien itinérant et joueur de blues avant-gardiste de la fin du XIXe siècle ? Musique interdite, jouée dans les bordels, ce langage d'origine black american établit le lien indivisible entre le corps et l'esprit. Par la perpétuelle énergie de son discours, il puise dans l'Instant la force d'enrichir son long parcours, toujours bien vivant. J-ASS donne la fièvre et guérit ! Essayez-voir.

samedi 2 avril 2011

Gloomy Subway... et B.A.M !

Promenade...Face B.

Et puis je voulais quitter Manhattan, découvrir aussi New-York. Celui de l'Orchidée show du Bronx et de son Queen Jazz Trail. Celui de la Petite Odessa près de Coney Island. Le New-York de la vue imprenable de Roosevelt l'île "asile", celui du pont tressé et de son après... cette mosaïque Brooklyn.

Ce n'était pas la première fois qu'au cours de mes promenades j'empruntais l'échangeur d'UNION SQUARE.La station de la 14ème rue est une place musicale incontournable des sous-sols new-yorkais. La concurrence incroyable qui gravite autour de cette ville, génère des rencontres improbables, jusqu'au bitume de ses profondeurs.

Simple question de paradoxe : comment une ville aussi moderne et flamboyante pouvait continuer à avoir des sous-terrains si immondement vétustes ? Tous ces trottoirs en cache misère. Les gros rats crasseux faufilent leurs nez entre les rails, des déchets clairsemés sur les voies comblent leur faim. D'humidité l'air rempli, dégage une odeur nauséabonde qui refoule tous les vices. On a l'impression qu'elle se colle à nous, comme une glue radioactive, et qu'aucune eau ne pourrait être assez pure pour la laver. Le vent glace les longs couloirs et se faufile à une vitesse folle, en slalomant d'un côté et de l'autre des pylônes de béton, désarmés. Contre les parois moisies, des affiches putréfiées essayent de nous rappeler les produits du frigo, en péremption imminente. D'énormes boites de conserves compressées, transportent, en hurlant, leur train de vie monotone. Le décors est en blanc et noir - plus en noir qu'en blanc. J'immerge dans "Le dernier combat" de Besson. Aucun dialogue ne s'établit entre les survivants du désastre nucléaire. La seule communication s'établit par les sons et le toucher, rappelez-vous.

Une musique noisy, d'outre tombe, se fond dans celle du subway à la dérive. Apocalyptique, crissante et grasse, elle e répand et traverse vos artères à l'allure d'un whisky de supérette. Happé par ces bruits d'usines infâmes, vous longez énergiquement le quai désespéré, si bondé d'impatience. Déambulez de gauche à droite pour capter l'écho de la musique criarde qui, contre tout attente, vous apaise.


Entre hallucination, cauchemar et réalité, le temps, l'instant et la pulsation provoquent chaque jour, aux pieds des grands escaliers métalliques d'UNION SQUARE, de belles rencontres d'artistes et de ticket-voyageurs. Quelques uns se produisent en attendant d'être repérés, ou tout simplement pour manger. Pas de pare-feu dans cette expérience. Le lieu impose une mentalité ciment - "les gens" passent, se bousculent, ne sont vraiment pas là pour se détendre. Ils s'assoupissent parfois sur les banquettes inconfortables, en bois gravés de coups de cutters, désœuvrés. Si nos yeux clignotent et se hâtent de retrouver la vie d'en haut, nos oreilles sont aux aguets et cherchent à comprendre pourquoi tout sonne si fort, si faux et si différent ?

L'énergie transgressive d'une étrange formation musicale ayant pour univers le métro, l'autre rue. Ils vivent l'imaginaire d'une élévation par l'underground. Les néons blafards tintent par intermittence l'autre couleur des instruments. Vertigineuse et violente, la musique percute de plein fouet. Souillure sonore, elle conduit rapidement les égarés vers une autre porte de sortie. Sans protection, je suis projeté comme un vieux mouchoir. Un bref coup d'oeil autour de moi ; plus une personne n'ose détourner le regard. Trois jeunes gens sortent du sol et nous gueulent musicalement à la figure : ÊTES-VOUS BIEN VIVANTS !?! Leur son est bien sale, lugubre et animé, exactement comme dans le lieu dans lequel ils se produisent.
Ce trio de Brooklyn, formé en août de l'année dernière, s'appelle Moon Hooch ("La gnôle de la lune" je suppose). Il est composé d'un batteur, James Muschler et de deux ténors, Mike Wilbur et Wenzl McGowen. C'est tout. Leur mission : faire réagir par la dérision. Une grosse farce énergétique pourrait-on dire. Encore faut-il qu'elle soit drôle. La mise en scène est très bien menée dans ce tourbillon de "drums&bass-punky-jazz" ; je n'ai pas d’appellation, j'aurais peur de les vexer, allez plutôt voir :
http://moonhooch.bandcamp.com/.

"Stand clear of the closing doors please !". Mon métro m'appelle. Je me réveille et fuis retrouver le bleu du ciel en Bataille... vers Morgan Avenue exactement.

La protubérante Manhattan s'est recroquevillée, toute penaude, devant l'imposante présence de sa colocatrice. D'étranges créatures envahissent l'Empire State ; et tout le monde commence à ce le dit aujourd'hui : c'est à Brooklyn que ça se passe !

A première vue, ça a beaucoup de vrai. De l'autre côté des trois ponts, l'énergie est marginale, à vrai dire transmutatoire. Quelques temps à Park Slope, Prospect Park ou Williamsburg produisent l'effet d'un noradrénalyseur pépin de pamplemousse. A Billyburg, des allées de bâtiments, décors de tournages cinématographiques, truffées de sublimes graffitis éclaboussant le nauséabond du béton mouillé. Dans un immeuble infiniment infini, des ateliers d'artistes plasticiens, peintres, musiciens, designers, stylistes, acteurs, que sais-je encore ? Un blocos de création, jalonné de garages pour trucks disproportionnés, d'entrepôts désaffectés, posés là, au nord de nul part.


Le B.A.M. (Brooklyn Academy of Music).

Sous le ciel maussade de New-York, les plafonds art-déco du B.A.M. ont décloisonné les émotions et surélevé les sentiments. Sans aucun doute, ce lieu est tout à fait spécial. C'est un centre incontournable de l'art moderne à New-York, fondé en 1903, à Brooklyn dans le but de décloisonné l'art. Une réussite.

C'est à la fois l'Howard Gilman Opera House, belle salle art-déco de 2109 places où l'on peut entendre de la musique classique et expérimentale de qualité : Laurie Anderson, Rachmaninoff ou Berstein ; admirer un spectacle de danse contemporaine à dix dollards ? C'est en même temps l'Harvey Lichtenstein Theater, pièce annexe de 874 places ; une salle d'art et d'essai et un cinéma indépendants (depuis 1997), mais aussi différentes galleries d'expositions, proposants photographies controversées, peintures contemporaines (...je continue, par entousiasme et par soucis d'exactitude, allez voir : http://www.bam.org/...).

Haut-lieu de l'art visuel, le B.A.M. est également un jazz-club, tout à fait hors du commun. Au 2e étage c'est drôlement smoothie. Quand on empreinte pour la première fois l'escalatoire en bois hold-school et qu'on entre dans la salle. Ouahou, quel espace ! Comme il n'en existe, dans ces proportions, qu'à N.Y. L'art d'utiliser les grandes surfaces, de les sublimer dans l'épuration des formes. Comme une sensation de pénétrer dans une usine Ford années 20. La salle y est pourtant bondée de personnes d'un tout autre genre. Entrepôt gigantesque, surmonté de quatre arcades en cuivre brossé. De chaque côté d'elles, une rangée de luminescences, vivement certies de fer forgé et de laiton. Quatre grands arc-en-ciels rayonnants sur les peaux rouges de la salle, souriants, impatients, que nous étions, Sioux. La brique maquille les immenses baies vitrées – verre-fer-reliés – arrondies, sur rosaces enluminées, aux motifs kaleïdoscopiques alternés. Au tiers, un bar central en fer à cheval, immense porte bonheur, animé par de friguants barmen. L'ensemble, des yeux seulement, rempli d'esthétisme.
Chaque vendredi et samedi soirs, le B.A.M café propose un concert de nouveaux artistes talentueux. Tout type de musique y est représenté, le jazz local en premier lieu. En attendant le début du show, une rotation de DJ's chauffe la salle d'une tinte jazz-lounge. La magie du DJ c'est cela : arriver en 25 minutes de fraction de seconde que l'on puisse passer d'un univers musical à son inverse et ce, bien évidement, trèèèèèssssss lentement. C'était le cas.

Allons droit au but. Ce soir, c'est pour le quintet des NEW COOKERS que je salivais d'impatience. Ils se sont nommés ainsi en hommage à l'album de Freddie Hubbard Night of the Cookers (Blue note, 1965). Leur inspiration démorcelée vient du pûr Hard Bop. M'asseyant contre la taule ondulée de la plus proche des arcades, j'attendais que la scène s'anime. Come on ! Les cuisiniers du son KENYATTA BEASLEY, KEITH LOFTIS, MAURICE BROWN, ANTHONY WONSEY, RICHIE GOODS & DONALD EDWARDS – arrivent, sapés à l'ancienne, hyper hip.
Quand ils portent leur instruments à leur bouche, la préparation du met est instantannée. Bag's Groove de Milt Jackson fait une ouverture détonante. Immédiatement enchaîné sur le célèbre Walkin', nous retrouvons l'intensité des années 50, toute la magie de la formation du grand Miles. Plus la trompette pleure, plus les faisceaux des rosaces scintillent. Le son velouté du saxophone fait soupirer la grande salle qui se déchaîne peu à peu. Envoûtée, leur composition finale Believe You est menée sur un tempo presto. Les oeufs montent en neige sous l'impulsion de cette musique sauvage et maîtrisée. Instrumentistes d'exceptions extrêmement loquaces ; une belle recette qui ne pèse pas sur l'estomac. Et le dessert alors ?

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